Le temple maudit
"Le prince Jarayu Narada a l'honneur d'inviter leurs altesses les princes et princesses Samuel, Myriam, David et Sarah Rabanath à la réception donnée en son palais lors de la prochaine nouvelle lune. On organisera une chasse au tigre au cours de leur séjour."
L'invitation, apportée par un serviteur s'accompagnait de cadeaux somptueux. Deux bagues ornées de saphirs pour les garçons et deux diadèmes rehaussés de rubis pour les filles.
- Père, dit Samuel, je ne veux pas y aller. Tu nous dis toujours qu'il faut se méfier de cet homme ténébreux, énigmatique, sournois. Les récents évènements te donnent raison.
Découvre ou relis la partie 11/14 "Le signe de Tassala".
- J'ai entendu dire, coupa Myriam, qu'il exploite des esclaves, parmi lesquels, des malheureux enfants, qu'il fait travailler pour lui aux pires besognes, et qui vivent un enfer aux portes de son somptueux palais. Moi, je refuse ses présents.
- Il serait mal interprété politiquement que vous décliniez cette invitation, dit le maharajah Rabanath. Il vous faut accepter. Cela fait partie des obligations de votre rang.
"Le rendez-vous est fixé la veille de la nouvelle lune, à la Cité du Cobra," précisait le message envoyé par Jarayu Narada. "Une délégation attendra les princes et princesses et se mettra à leur service".
La vue de la fameuse ville en ruine impressionne chaque fois nos amis. Ils arrivèrent à l'entrée de l'immense cité abandonnée après un voyage d'un jour et demi à cheval, accompagnés par Kapilavastu et dix gardes.
Ils suivirent une large avenue bordée de maisons en ruines envahies de plantes, de serpents et de lézards, puis ils arrivèrent sur la place carrée située au pied du grand temple que l'on connaît bien.
Myriam descendit de cheval et courut saluer Rahougougouenzi, chef de la tribu gardienne de la cité détruite et de son fabuleux trésor.
La délégation envoyée par le prince Jarayu Narada se trouvait elle aussi au rendez-vous. Nos amis se présentèrent puis les accompagnèrent, laissant à regret Kapilavastu et les gardes confiés par Rabanath derrière eux.
Ils suivirent une piste à peine tracée, la seule route qui reliait les deux états, et arrivèrent en fin de journée en vue du somptueux palais du prince Jarayu Narada.
L'endroit leur apparut vraiment fabuleux.
Le bâtiment, tout en marbre rose, accrochait ses sept étages sur le flanc d'une montagne recouverte de jungle luxuriante. On accédait au palais en franchissant un pont qui enjambait une vallée profonde et donnait accès au quatrième niveau.
Des jardins tropicaux soignés garnissaient chaque terrasse, parcourus par un ruisseau qui formait un bassin d'eau claire à tous les étages.
Ce n'étaient que fleurs resplendissantes de couleurs et de formes, alignements de haies taillées avec soin, allées agrémentées de statues en pierre représentant des animaux fabuleux issus de la mythologie, figés dans un instant de leur danse, et qui lançaient des jets d'eau cristallins dans toutes les directions.
Les quatre bassins des étages supérieurs étaient reliés entre eux par des toboggans où coulait l'eau fraîche du torrent.
Le palais de Rabanath semblait une humble chaumière en comparaison avec les richesses architecturales étalées ici. Nos quatre amis s'émerveillaient.
Le prince les accueillit chaleureusement et les fit entrer dans un prestigieux salon situé au cinquième. On servit aussitôt des boissons agréables et des fruits exotiques succulents.
- On va vous conduire à votre appartement situé au sixième étage. N'hésitez pas à vous rafraîchir dans le bassin qui se trouve sur votre terrasse. Je me retire une heure au septième étage où je loge, mais un serviteur se tient à votre entière disposition. Le repas du soir sera servi au cinquième au coucher du soleil. À tantôt mes amis et bon séjour. Votre présence m'honore et me réjouit, ajouta le prince.
Quelques minutes plus tard, les quatre enfants se retrouvèrent dans une vaste piscine au carrelage bleu et blanc, entourée de plantes et de fleurs généreuses.
- Génial, lança David en plongeant.
- Oui, fit Myriam, mais je songe au prix de tout ce luxe. Et je ne parle pas que d'argent. Je pense à ceux, hommes, femmes et enfants, qui servent Jarayu Narada.
Sarah, qui s'était attardée plus longtemps que les autres dans sa chambre, arriva à son tour au bord de la piscine. Elle leva un instant les yeux avant de plonger.
- Oh! dit-elle.
Puis elle s'approcha de Samuel en nageant.
- Je viens de regarder vers la terrasse du septième étage, dit-elle. Le gouverneur Cittam Nirvid était appuyé au balcon.
- Tu es certaine?
- Oui, et quand il a remarqué que je l'observais, il s'est vite dissimulé derrière une colonne.
Le festin, servi au cinquième étage du palais, se déroula avec faste. Le luxe des décors de la salle du banquet, illuminée par les lustres en cristal de Bohême, les soyeux tapis d'Iran, la vaisselle en porcelaine anglaise fine, les couverts en or, tout démontrait un incroyable étalage de richesses.
Nos amis choisirent de ne pas rivaliser. Ils portaient des tenues simples. Les filles en robes blanches, ceinture et sandales dorées, les garçons en tuniques bleues, selon l'usage là-bas.
Les plats cuisinés défilèrent, présentés par des serviteurs en costumes désuets. Deux artistes musiciens jouaient de la cithare et du tambourin.
Myriam, avec son franc-parler, évoqua la présence d'esclaves dans le palais.
- Un millier de personnes me servent, répondit le prince. Deux cents ici même plus huit cents gardes. Tous sont heureux de travailler pour moi et sont bien payés.
Puis la conversation dériva vers des récits de chasse au tigre.
Aucun signe de la présence éventuelle du gouverneur.
Ils revinrent aux chambres qu'on leur destinait. Myriam ôta sa belle robe et passa le vêtement mis tantôt pour aller nager. Elle resta pieds nus. Puis elle sortit sur la terrasse.
La lune se reflétait dans l'eau de la piscine. Elle s'y glissa sans faire de bruit et nagea vers le toboggan qui menait au cinquième étage, en évitant de provoquer des remous.
Elle s'y assit et se laissa glisser. Elle passa ensuite au quatrième, de la même manière.
Plus bas, plus de piscine, mais les jardins, encore luxuriants et soignés, embaumaient l'atmosphère.
Myriam avança en se baissant sous les branches de hautes plantes, puis emprunta un escalier menant au troisième et de là, au deuxième.
Aucun accès ne conduisait vers le rez-de-chaussée.
La jeune fille, que l'on sait très souple, empoigna une branche d'arbre puis se laissa glisser le long du tronc. Elle atterrit sur le sol poussiéreux.
Elle repéra aussitôt des fenêtres à barreaux. Elle s'en approcha et regarda.
Elle découvrit un bien triste spectacle.
Elle vit des hommes, des femmes et des enfants couchés à même le sol. La plupart vêtus de haillons sales. Certains gémissaient en dormant. Des enfants pleuraient.
Myriam vit s'approcher l'un d'eux. Ils se parlèrent, presque tout bas, séparés par les barreaux. Notre amie se présenta.
Elle apprit que trois cents ou quatre cents esclaves demeuraient là dans des conditions effroyables. Hommes, femmes et enfants, volés, kidnappés, par les soldats du prince, dans les villages de la jungle. Sitôt arrivés ici, ils survivaient enfermés, fouettés, affamés, et condamnés à travailler dans la forêt, sous la surveillance des gardes. Impossible de fuir. Ceux qui s'y risquaient étaient retrouvés puis abattus sans pitié.
- On ne vit pas longtemps ici, acheva le garçon qui parlait à notre amie. Les plus résistants tiennent quelques mois, un an parfois, puis finissent, eux aussi, par succomber sous les mauvais traitements, les fièvres, la faim ou les bêtes de la jungle. Leurs corps pourrissent dans la boue.
Myriam, les larmes aux yeux, promit de faire l'impossible pour aider ces malheureux.
Puis elle remonta au sixième étage.
Au moment d'entrer dans sa chambre, elle aperçut Jarayu Narada qui l'observait de sa terrasse du septième.
- Promenade agréable? demanda-t-il.
- Instructive, répondit notre amie.
Le lendemain on organisait une chasse au tigre en l'honneur de nos amis.
Le prince fit venir Myriam et Sarah à ses côtés sur son éléphant royal. Samuel et David escaladèrent le dos d'un autre. Chacun reçut un fusil de chasse. Trois autres mastodontes suivaient, chargés de quelques notables, eux aussi, de la partie.
On s'enfonça dans la jungle.
Par trois côtés, à gauche, à droite et devant, mais au loin, retentissait le son des tamtams des rabatteurs, chargés d'effrayer les tigres et de les faire fuir vers les chasseurs.
Un splendide animal apparut, réfugié sur une grosse branche d'arbre. Le prince épaula son arme.
- Non, cria Sarah, émue par la beauté du félin. Ne tirez pas. Il ne nous fait rien. Il a seulement peur.
- Tuer un tigre, sauve la vie d'enfants dans les villages de la jungle, énonça le prince.
- Je connais d'autres moyens, plus simples et plus efficaces d'aider les enfants des villages, fit remarquer Myriam. En libérant ceux que l'on tient prisonniers et en les rendant à leurs familles, par exemple.
Jarayu Narada épaula son fusil, visa et tira. Le tigre tomba, tué sur le coup, au pied de l'éléphant. Les serviteurs s'en emparèrent.
Sarah essuya des larmes puis jeta un regard furieux vers le prince.
La troupe arriva en vue d'un lac au centre duquel se dressait un temple rond, en pierres grises, entouré d'eau de toutes parts.
- Voici le temple maudit, lança Jarayu Narada. Autrefois il servait de prison pour la Cité du Cobra. Elle se trouve pas très loin d'ici d'ailleurs. Une ancienne allée de dalles relie cet endroit à la ville en ruines. L'allée des pleurs, disait-on. Les pleurs des prisonniers que l'on conduisait ici pour y être enfermés. Je me sers parfois de cet endroit pour y abandonner un criminel ou un adversaire trop menaçant ou trop curieux.
- Je ne vois ni barreaux ni gardiens, s'étonna Samuel.
- Nul ne peut s'enfuir seul de cette prison. Si quelqu'un tente de nager dans le lac qui l'entoure, les crocodiles se chargent de lui. Ce sont des gardiens impitoyables. Si l'on tente de fuir par les souterrains secrets, il faut d'abord les découvrir, puis éviter les nombreux pièges qui attendent les audacieux. Je mène là, en barque, ceux qui me gênent, et je les y laisse mourir lentement de faim. Il n'est pas bon de s'opposer à moi, ajouta le prince en regardant Myriam.
Ils revinrent au palais.
Au soir, un nouveau festin fut organisé en l'honneur de nos amis.
Myriam toucha à peine aux nombreux plats qu'on lui présentait. Elle songeait aux malheureux esclaves qui souffraient, affamés et entassés à l'étage du bas qu'elle avait visité hier.
Le prince Jarayu Narada la dévisageait en silence, un sourire énigmatique, sournois, au coin des lèvres.
Les quatre enfants se retirèrent ensuite dans leurs chambres et s'endormirent comme des masses.
Le lendemain, en s'éveillant, ils regardèrent autour d'eux, étonnés, ahuris, stupéfiés.
Ils se trouvaient seuls, abandonnés, au centre du temple maudit. Les crocodiles du lac les observaient en silence.
Il n'était pas loin de midi d'après la position du soleil.
Près d'eux, un double rang de colonnes grises supportaient un toit en forme de dôme. Autour, stagnait de l'eau verte sur une largeur variant de vingt à trente mètres, selon les endroits. Puis la jungle. Et personne en vue.
- Jarayu Narada se venge, dit Samuel. Il a empoisonné notre nourriture avec un somnifère pour pouvoir nous amener endormis et nous abandonner ici.
- Par ma faute, avoua Myriam. Je suis descendue la nuit de notre arrivée, jusque tout en bas. J'ai vu les esclaves et j'ai parlé avec l'un d'eux. Je leur ai promis mon aide.
- Tu as bien fait, reprit son frère. Il ne devrait plus exister d'esclaves à notre époque. Mais pour les secourir, il faut d'abord réussir à partir d'ici.
- Hier, coupa Sarah, le prince disait que personne ne peut quitter seul le temple maudit.
- On n'est pas seuls, fit remarquer David. Nous sommes quatre. Restons unis, et rien ne pourra nous arriver.
- En tous cas, montra Sarah, on ne partira pas en nageant. Regardez, ça grouille de crocodiles. Encore une chance qu'ils ne viennent pas nous dévorer ici.
- Je me demande ce qui les retient, fit Samuel. Quelque chose doit les empêcher de passer.
Les quatre enfants observèrent une à une les colonnes qui les entouraient.
- Regardez, lança le grand frère. Pas question de passer entre elles pour aller dans l'eau, ni pour ces monstres affreux de venir à nous. Chacune de ces colonnes possède un dispositif, là-haut, près de la voûte, pour barrer le passage. N'approchez surtout pas. Restez où vous êtes.
Le garçon ôta sa chemise, puis la tenant par une des manches, il la fit tournoyer avec vigueur entre deux colonnes. Une volée de flèches la transperça.
- Je vois un dessin sur celle-ci, appela Sarah qui allait de l'une à l'autre. Deux serpents enlacés.
- Le signe de la Cité du Cobra, dit Myriam. N'y touche pas, Sarah.
Trop tard. La fillette venait de glisser ses doigts le long des corps des deux serpents sculptés en bas-relief sur la colonne. Losqu'elle effleura leurs yeux, par hasard l'un avec l'index gauche, l'autre avec le droit, elle perçut un déclic et la colonne s'ouvrit.
Notre amie recula. Les autres s'approchèrent.
Ils découvrirent un puits profond. Une échelle en fer, accrochée aux pierres, permettait d'y descendre.
Samuel passa le premier.
- Suivez-moi, dit-il. Risquons. Advienne que pourra. Le prince nous ment. On ne nous a pas amenés ici en barque, mais par un passage secret. À nous de le découvrir et d'éviter ou de déjouer ses pièges.
Ils posèrent les pieds puis les mains sur une trentaine d'échelons successifs et se retrouvèrent à l'entrée d'un long couloir humide. Le sol en pierre était parsemé de flaques d'eau stagnante.
Ils le suivirent en se tenant par les épaules, marchant l'un derrière l'autre.
Cela menait à une assez vaste salle souterraine, ronde, et très sombre. Une statue grossière en occupait le centre, une sorte de bouddha mal taillé, gris foncé, et dont le regard fixait le passage que nos amis venaient d'emprunter.
Un bruit sourd, ressemblant à un ancien mécanisme se fit entendre. Une porte en pierre glissa, refermant l'accès au couloir et empêchant, semblait-il, tout retour en arrière.
À ce moment, venue on ne sait d'où, de l'eau arriva.
Le niveau montait sans cesse et vite. Ça leur vint bientôt jusqu'au ventre puis jusqu'au cou. Il fallut nager. Ils se tenaient à la statue.
L'eau atteignit la tête du bouddha.
David remarqua deux serpents enlacés, sculptés en bas-relief, sur la partie de la voûte située au-dessus de la statue.
Quand l'eau atteignit presque le plafond, le garçon fit comme sa petite sœur. Il posa les doigts sur les yeux du serpent. Un passage s'ouvrit dans la voûte. Une courte échelle en fer rouillé glissa, permettant d'accéder au niveau supérieur. Nos amis s'y accrochèrent puis l'escaladèrent.
Un long escalier sec menait vers une nouvelle salle quasi noire, dans laquelle ils entrèrent. De nouveau, un lourd panneau glissa derrière eux, empêchant tout retour en arrière.
- J'entends quelque chose, murmura Sarah. On dirait un bourdonnement d'abeilles.
Un rayon de lumière venu de l'extérieur traversait la pièce, assez vaste semble-t-il. Un insecte passa un instant dans ce rayon.
- Une abeille, dit Samuel.
- Je marche sur quelque chose de collant et de gluant, fit Myriam.
- Du miel, lança le grand frère. Nous nous trouvons au cœur d'une immense ruche d'abeilles. J'en vois des milliers à présent.
La panique s'empara de nos amis.
Leurs yeux s'habituaient à la demi-obscurité. Ils remarquèrent çà et là des crânes humains, couverts de cire d'abeilles. Horrible, effrayant...
Nos amis, terrorisés, songèrent un instant à emprunter l'échelle pour retourner en arrière. Mais un panneau fermé les en empêchait. Existait-il une autre issue à ce temple maudit?
- Ne bougeons pas ou presque pas, ordonna Myriam. Faisons la statue. Les abeilles se poseront sur nous mais elles ne nous piqueront pas. Elles savent que si elles enfoncent leur dard dans notre chair, il se détache et elles meurent.
- Bien fait pour elles, souffla David.
Le rayon lumineux glissait lentement. La terre tourne autour du soleil. Les ombres et la lumière se déplacent sans cesse. Il éclairait à présent une étrange machine surmontée d'un miroir courbe.
Samuel en comprit le mécanisme après l'avoir observé un instant.
Le garçon saisit le miroir et parvint à le faire pivoter. Il envoya ainsi le rayon vers un autre côté de la salle. En promenant doucement le faisceau, il réussit à éclairer deux serpents enlacés à l'autre bout de la pièce.
Myriam s'y rendit en tâchant de maîtriser sa peur, pour éviter tout geste inutile et être piquée. Elle se déplaça à pas lents. Surtout ne pas glisser. Plusieurs dizaines d'abeilles l'entouraient, certaines posées sur elle.
Elle toucha les yeux des serpents. Un panneau glissa, remplissant la salle de lumière.
Les milliers d'abeilles étaient maintenant bien visibles. Une vision terrifiante quand on se trouve prisonnier au centre de la ruche. Ces insectes voltigeaient partout en bourdonnant.
Nos amis se dirigèrent vers l'ouverture et la franchirent. Ils se retrouvèrent le long de la coupole qui sert de toit au temple maudit.
Une corniche en faisait le tour. Ils la suivirent à la queue leu leu car ils venaient de repérer un étroit escalier, à l'arrière du bâtiment. Il semblait donner accès à l'autre rive en passant au-dessus de l'eau.
Samuel posa un pied sur la première marche, puis l'autre sur la seconde. Il sentit une vibration. Les dalles formant les marches s'inclinèrent, créant une pente lisse comme un toboggan. Le garçon glissa en poussant un cri. Mais une main le retint. Celle de Myriam.
Seul, il aurait glissé jusque dans l'eau des douves où les nombreux crocodiles l'attendaient pour le dévorer.
Il remonta à quatre pattes jusqu'à la corniche, aidé par sa sœur qui le tenait avec fermeté.
L'escalier se reforma dès qu'il atteignit l'échelon supérieur.
Nos amis comprirent que l'un d'entre eux devait rester sur cette première marche, pour maintenir l'escalier et l'empêcher de se transformer en un pan de mur lisse et glissant.
David offrit de s'en charger.
- Quand vous arriverez tous les trois en bas, je me laisserai glisser et vous m'attraperez.
Samuel reprit la descente. Il parvint en bas des marches. Un mètre séparait la dernière de la berge du lac. Il sauta au-dessus de l'eau et se reçut à pieds joints sur le bord. Myriam fit de même.
Les deux aînés aidèrent Sarah à bondir à son tour, sous le regard froid de deux crocodiles.
- Vas-y, David, on t'attrape, promit Samuel.
Le garçon s'assit et quitta le bord de la coupole. L'escalier disparut, changé comme tantôt en toboggan. Il glissa de plus en plus vite et se retrouva dans l'eau.
Un crocodile tapis dans la vase, à trois mètres de là, s'élançait déjà.
Samuel plongea. L'eau lui vint presque aux épaules. Il saisit son frère à la hâte et l'aida à sortir de la douve avant de s'en extraire à son tour, juste avant l'arrivée du saurien.
Une allée de dalles s'enfonçait dans la jungle. Des dalles aux dimensions énormes, souvent deux à trois mètres de large ou de long, et presque toujours envahies de mousses ou d'herbes folles. Elles étaient bordées d'arbres gigantesques encerclés de lianes. Les plantes de la forêt tropicale.
Pas question pour nos amis d'espérer le moindre secours du prince dont le projet évident était de les faire mourir tous les quatre dans ce temple maudit. Inutile de se diriger vers son palais. Au contraire, il fallait fuir ce lieu au plus vite.
Myriam se rappela les paroles de Jarayu Narada.
"Autrefois ce lieu servait de prison à la Cité du Cobra. Elle ne se trouve pas très loin d'ici d'ailleurs. Une ancienne allée de dalles relie cet endroit à la ville en ruines."
- Allons-y, proposa la jeune fille. Avec un peu de chance, nous atteindrons la ville avant la nuit.
Ils se mirent en route aussitôt. La marche leur parut interminable. Ils n'osèrent pas quitter l'allée pour aller boire à un ruisseau ou une cascade, de peur de ne pas retrouver la piste et de se perdre dans la jungle qui les entourait.
Le soir tombait quand ils arrivèrent, épuisés, en vue de l'immense cité.
Ils la traversèrent en silence et eurent le bonheur d'être vite repérés par quelques hommes du peuple qui y vivait. Ils amenèrent nos amis à Rahougougouenzi.
Il accueillit les quatre enfants chaleureusement.
Puis, après un délicieux repas, il leur proposa de passer la nuit dans la hutte où l'on accueille les gens de passage.
Le lendemain, il conduisit lui-même nos amis jusqu'aux terres de Rabanath où ils furent pris en charge par les gardes d'une garnison locale.
Ils retrouvèrent le palais le jour suivant.
Deux jours passèrent.
Un soir, Samuel observa puis s'approcha de sa sœur, songeuse, debout sur une terrasse supérieure du palais. Elle regardait au loin, vers l'horizon.
- Je veux libérer les esclaves de Jarayu Narada, dit-elle à son frère. Je leur ai promis et tiendrai parole.
- Au risque de ta vie, Myriam?
- Au risque de ma vie, s'il le faut, répondit notre amie.