Magali
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Magali n'est pas contente          

    En classe, ce jour-là, madame Emilie venait de proposer aux enfants de deuxième maternelle, de dessiner l'animal qu'ils préféraient. Magali avait décidé de dessiner son chat, Polipilou.

Elle commença par les oreilles, puis le dos, puis la queue.

Un garçon, Gaspard, quatre ans et demi comme elle, s'approcha, serrant un gros marqueur dans sa main. Il s'empara du dessin de notre amie et y griffonna des vilaines lignes rouges.

Magali, qui a appris avec son grand frère Arnaud à ne pas se laisser faire, repoussa le garçon avec force. Il tomba à terre et se mit à pleurer.

Madame Emilie ne vit pas le gribouillage, mais seulement le geste de colère de notre amie. Elle se fâcha.

- Va t'asseoir dans le coin, dit-elle. Tu es punie.

Magali s'éloigna vers la porte et très mécontente, sortit de la classe. Elle trouvait que ce n'était pas juste d'être punie. Gaspard avait commencé. Lui et pas elle aurait dû être puni.

Elle suivit le couloir et descendit l'escalier. Elle traversa la cour de récréation. La grille de l'école était mal fermée. Un livreur l'avait laissée entrouverte.

Notre amie sortit dans la rue et se dirigea vers les champs de blé.

Elle habite un petit village à la campagne.

 

Elle s'approcha du trou au fond duquel se trouve le nid de la vieille souris. Elle n'a pas très bon caractère, mais Magali l'appela trois fois.

- Vieille souris! Vieille souris! Vieille souris!

- Oui? Tiens, tu n'es pas à l'école? C'est de ta faute.

- Cesse de répéter toujours la même chose, répondit notre amie. Tu dis chaque fois que c’est de ma faute. Je dessinais mon chat Polipilou et Gaspard, un garçon de ma classe est venu crayonner des vilaines lignes sur mon dessin. Je l'ai poussé et madame m'a punie. C'est pas juste.

- C'est de ta faute, dit la vieille souris. Tu ne devais pas le pousser.

- Je ne suis pas d'accord, reprit la fillette. Il ne faut pas se laisser marcher sur les pieds dans la vie. Mon frère Arnaud me l'a bien dit. Tu n'es pas gentille. Retourne dans ton trou. Je ne te parle plus.

 

Magali s'éloigna et marcha vers la petite rivière, près du bois. Elle appela trois fois l'écureuil aux yeux très doux.

-  Écureuil aux yeux très doux! Écureuil aux yeux très doux! Écureuil aux yeux très doux!

- Que veux-tu? demanda le charmant petit animal. Tu ne vas pas à l'école aujourd'hui?

- Je suis partie, expliqua Magali. Gaspard, un garçon de ma classe a crayonné sur mon dessin. Je l'ai poussé. Et madame m'a punie. Ce n'est pas juste. Je ne suis pas contente.

- Tu dois apprendre à surveiller autour de toi, dit l'écureuil. Tu dois toujours voir qui s'approche. Moi, si je marche sur le sol, je regarde si n'y a pas un renard qui vient pour me mordre. Et quand je grimpe en haut de mon arbre, j'observe le ciel pour vérifier qu'il n'y a pas d'aigle qui pourrait me prendre et me manger.

- Merci pour ton conseil, dit la fillette. Je ferai attention à l'avenir.

 

En retournant vers l'école, notre amie passa près de l'étang. Une grenouille jouait dans l'eau et sur les feuilles de nénuphars.

- Grenouille verte! Grenouille verte! Grenouille verte!

- Oui?

- J'aimerais jouer dans l'eau avec toi. Tu as de la chance. Moi, je ne suis pas contente. À l'école, madame m'a punie, alors que c'est Gaspard qui a crayonné des vilaines lignes rouges sur mon dessin. 

- Tu sais, petite fille, ma vie n'est pas si drôle... Je dois toujours surveiller qu'un héron n'est pas de passage en volant dans le ciel, ou bien caché dans les roseaux. Ces grands canards-là mangent les grenouilles. Retourne vite à l'école.

 

Magali longea le champ de blé et s'approcha du terrier du gentil lapin. Elle l'appela trois fois.

- Gentil lapin! Gentil lapin! Gentil lapin!

- Tiens! Tu ne vas pas en classe aujourd'hui? Pourquoi?

- Je ne suis pas contente. En classe, madame m'a punie, alors que c'est Gaspard qui a crayonné des vilaines lignes rouges sur mon dessin.

- Je te conseille de retourner à l'école, dit le gentil lapin. Tu as la chance de pouvoir y aller. Tu vas apprendre plein de choses que tu ne connais pas encore. Tu sauras bientôt lire et écrire et compter. Tu y rencontreras des nouveaux amis et des amies. Moi, qui ne vais pas en classe, je resterai toujours un bête lapin qui sait juste choisir des bonnes carottes ou de la salade bien verte.

- Je t'aime, gentil lapin, dit Magali en le caressant. Je vais y aller tout de suite.

 

Elle traversa la prairie et passa sous le grand cerisier, celui où habite la jolie pie. Elle se trouvait au soleil au bord de son nid. Elle l'appela trois fois.

-Jolie pie! Jolie pie! Jolie pie!

- Tu ne vas pas à l'école, petite fille?

- J'y retourne, dit notre amie. Mais, je ne suis pas contente. En classe, madame m'a punie, alors que c'est Gaspard qui a crayonné des vilaines lignes rouges sur mon dessin. Mais je me suis défendue. Je l'ai repoussé.

- Je comprends, répondit la pie. Moi non plus, je n'aime pas qu'on envahisse mon arbre ou qu'on s'approche de mon nid. J'ai une formule magique qui fait peur et qui chasse ceux ou celles qui m'embêtent. Tu veux la connaître?

- Oh, oui! fit Magali. Merci jolie pie.

- Tu sais que les chiens aboient, les chats miaulent, les lions rugissent...

- Oui.

- Quand une pie lance son cri, on dit qu'elle jacasse. C'est le mot.

- Oui, fit notre amie.

- Eh bien, si un corbeau ou un autre oiseau s'approche, je crie bien fort : "Attention! Quand je jacasse, ça passe ou ça casse".

- Merci, dit Magali. 

 

Elle revint à l'école. La grille n'était pas encore refermée. Elle monta l'escalier, suivit le couloir et entra dans sa classe. Personne n'avait remarqué son absence.

Elle s'assit et recommença son dessin sur une nouvelle feuille. Et quand Gaspard osa s'approcher, elle lui lança en criant bien fort :

-  Attention! Quand je jacasse, ça passe ou ça casse.

Le garçon, étonné et inquiet, s'éloigna, sans insister.

Et Magali ajouta tout bas :

- Merci jolie pie.

Notre amie réussit un beau dessin : Polipilou, chassant les souris derrière la maison.