Le Hérisson malade
Magali jouait au jardin avec sa poupée, au grand soleil. Elle était pieds nus et en salopette rouge comme souvent. Soudain, quatre animaux s'approchèrent d'elle en criant et en coassant.
La jolie pie, d'abord. Elle se posa dans l'herbe près de notre amie. Puis, passant sous la haie, ce furent le gentil lapin, l'écureuil aux yeux très doux et la vieille souris, celle qui habite dans le champ de blé, juste derrière la maison. Elle n'est pas fort aimable. Elle répète toujours "c'est de ta faute" à tout le monde.
-Nous venons te chercher, Magali, annonça la jolie pie.
-Le petit hérisson, ton ami, est très malade, ajouta le gentil lapin.
-Il vient de perdre tous ses piquants. Il est tout nu, comme une grenouille et il risque de mourir, précisa l'écureuil aux yeux très doux.
-C'est de sa faute, fit la vieille souris.
-Tu veux bien nous accompagner? Il faut l'aider, reprit la jolie pie.
-Je ne sais pas comment on soigne un hérisson, répondit Magali.
-S'il te plaît, insista le gentil lapin. Viens quand même.
-Ce hérisson, ton ami très malade, est vraiment malheureux, rappela l'écureuil aux yeux très doux.
-Même que c'est de sa faute, répéta la vieille souris.
Magali se leva et suivit la jolie pie, le gentil lapin, l'écureuil aux yeux très doux et la vieille souris. Elle ouvrit la barrière, tout au fond du jardin et se retrouva devant le champ de blé. Elle s'arrêta, hésitante.
-C'est loin? demanda notre amie.
-Non, il nous attend près du ruisseau, de l'autre côté des blés, dit la jolie pie.
Magali traversa le champ, tache rouge parmi le blond des épis mûrs. Avec ses cheveux bruns coiffés en deux jolies couettes et sa salopette rouge, elle était radieuse sous le soleil.
Elle parvint rapidement près de la petite rivière. Elle s'approcha du hérisson. Il était couché dans l'herbe haute. Elle le connaît bien car elle l'a déjà rencontré au cours de ses aventures. Il lui parut vraiment très malade. Tous ses piquants étaient tombés par terre autour de lui. Sa peau était nue comme celle d'une grenouille.
-Que t'arrive-t-il? demanda Magali. Comment se fait-il que tu aies perdu tous tes piquants?
-J'ai mangé un champignon des bois.
-On ne peut même pas toucher les champignons des bois, répondit notre amie. C'est dangereux quand on ne les connaît pas.
-Mais il était si joli! répondit le hérisson.
-Ce n'est pas parce qu'il est attirant ou appétissant qu'on peut le manger, fit remarquer la fillette.
-Je savais bien que c'était de sa faute, interrompit la vieille souris.
-Il était tout rouge, reprit le hérisson, avec quelques points blancs.
-Oh non! s'écria Magali. Pas celui-là! C'est le plus terrible de tous. Un rouge avec des points blancs. Mes parents m'ont expliqué qu'il est rempli de poison. Il est vénéneux.
-Je crois, précisa la jolie pie, que ce champignon s'appelle une amanite.
-Qu'allons-nous faire? demanda notre amie en regardant ses amis.
-Je propose de lui donner des œufs de canards à manger pendant toute la journée.
-Pourquoi des œufs de canards? s'étonna Magali.
-Parce que je n'aime pas les canards, fit la jolie pie avec une moue de dégoût.
-Ce n'est pas parce que tu te disputes avec les canards qu'il faut en profiter pour faire manger leurs œufs à notre ami. Ces œufs sont des bébés canards, répondit la fillette.
-Je propose autre chose, dit la vieille souris. On va lui donner du vieux fromage moisi avec des taches bleues et vertes dessus.
-Oh! s'indigna Magali. Quelle horreur! Ma grand-mère mange du fromage comme cela sur sa tartine, c'est répugnant. Et je ne suis pas sûre que cela fera repousser les piquants de notre copain.
-Alors, proposa le gentil lapin, pourquoi ne pas le plonger dans l'eau de la rivière jusqu'au soir. Peut-être que les piquants repousseront.
- Mais enfin! s'écria notre amie. Le hérisson n'est pas une fleur! Ils ne vont pas repousser parce qu'on le met dans l'eau.
-Écoute mon idée, osa l'écureuil aux yeux très doux. Je propose de ramasser des coquilles de noisettes, puis de les casser en tout petits morceaux. On en fera de la poudre. On mélangera cette poudre avec de la bave d'escargot et on en fera une pommade pour le hérisson.
-C'est dégoûtant, répliqua Magali, une pommade à la bave d'escargot. Pas question!
À ce moment, ils entendirent un bruit dans les feuilles mortes et les herbes derrière eux. Un jeune renardeau roux passait.
-Que faites-vous?
-Nous cherchons à guérir un hérisson, expliqua Magali. Il a mangé un champignon vénéneux dans le bois et il a perdu tous ses piquants. Il est tout nu et il risque de mourir.
-C'est de sa faute, précisa la vieille souris.
-Pourquoi ne demandez-vous pas conseil au renard qui habite dans la forêt? Il connaît la manière de guérir les animaux malades.
-C'est loin? demanda notre amie.
-Non et si tu veux, je t'accompagne.
Le petit hérisson, trop malade, ne suivit pas nos amis. Il attendit à l'ombre, près de la rivière.
Magali, toujours pieds nus, traversa le ruisseau et s'enfonça dans le bois avec la jolie pie, le gentil lapin, l'écureuil aux yeux très doux, la vieille souris et le renardeau.
Ils arrivèrent à un endroit où s'entassaient d'énormes rochers de toutes les couleurs et placés dans tous les sens. Au milieu de cet impressionnant chaos se dressait un arbre mort. La fillette vit un trou entre ses puissantes racines.
-Voilà le terrier du renard de la forêt, annonça le renardeau.
Magali s'approcha mais elle avait un peu peur car à côté de ce tronc d'arbre sec se trouvait une grande toile avec une grosse araignée au milieu. Pourtant, courageuse, elle fit un pas en avant et appela trois fois le renard.
-Renard! renard! renard!
Il sortit de son trou.
-Bonjour petite fille, que veux-tu?
-Mon ami hérisson, très malade, a perdu tous ses piquants. Il risque de mourir. Il a mangé un champignon vénéneux, une amanite. Tu peux le soigner?
-Une amanite! s'effraya le renard. Une amanite... Il va probablement mourir, en effet.
-C'est de sa faute, ajouta la vieille souris.
-S'il te plaît, peux-tu le soigner? insista Magali.
-Je ne connais pas de remède contre le poison des amanites, répondit le renard, mais nous pouvons demander à mon amie araignée qui habite cette grande toile juste à côté de mon arbre.
L'araignée s'approcha. Elle observa notre amie en silence.
-Moi, je déteste les enfants, cria-t-elle soudain d'une voix mauvaise.
-Pourquoi? demanda Magali.
-Je déteste les enfants parce qu'ils nous tuent dès qu'ils nous voient. Ils nous écrasent exprès, sous leurs chaussures.
Toi qui écoutes cette histoire, ne crois-tu pas que l'araignée a raison? Quand tu vois une araignée, que fais-tu?
-Pourtant, continua l'araignée, nous protégeons les enfants. Nous mangeons les moustiques, comme cela ils ne peuvent plus les piquer. Nous dévorons les mouches qui transportent les maladies et les crasses. Et en récompense... les enfants nous font du mal.
-Je te promets que je n'écraserai plus les araignées, assura Magali. Tu veux bien m'expliquer comment soigner le hérisson qui a perdu tous ses piquants?
-Ce n'est pas compliqué, répondit l'araignée. Il suffit de lui faire boire du jus de bambou.
-Du jus de bambou! s'étonna notre amie. C'est quoi?
-Tu ne connais pas? Cherche un bambou et coupe-le en deux. Son tronc, sa tige, est creux et là se trouve parfois un petit peu d'eau qu'il garde pour la soif en cas de sécheresse. Cette eau, s'accumule et devient du jus de bambou.
-Et où vais-je trouver des bambous? s'inquiéta Magali.
-En Afrique ou bien en Amérique ou encore en Asie. Là-bas, ça pousse partout.
-Je ne peux pas prendre un avion et partir dans des pays si lointains.
-Je sais, dit le gentil lapin. Je connais une maison abandonnée, tout près d'ici. Des bambous poussent dans le jardin.
Magali remercia l'araignée et le renard et tous retournèrent d'abord vers la maison de notre amie.
Elle entra dans la cuisine et choisit un canif afin de pouvoir couper le bambou.
Puis, elle ressortit au jardin et partit vers la maison abandonnée en compagnie de ses amis, le gentil lapin, la jolie pie, la vieille souris et l'écureuil aux yeux très doux.
Ils s'arrêtèrent devant la bâtisse en ruines. Ça faisait un peu peur. Il n'y avait plus de vitres aux fenêtres. Le toit était couvert de mousses vertes et de feuilles mortes. Des plantes poussaient partout à l'intérieur, et en plus cela sentait mauvais.
-Pas besoin d'entrer dans la maison, dit le gentil lapin. Tu trouveras les bambous au fond du jardin.
Magali s'approcha du mur de clôture et regarda. Ce jardin ressemblait à une jungle. Les plantes avaient grandi n'importe comment et l'herbe était haute. Des ronces et des orties envahissaient tout l'espace.
Voyant que leur amie hésitait à y entrer car elle craignait de rencontrer des méchants cachés quelque part, chacun de ses compagnons intervint.
-Je vais voler au-dessus du toit, promit la jolie pie. Si je vois quelqu'un qui vient, je pousserai mon jacassement pour t'avertir.
-Et moi, ajouta l'écureuil aux yeux très doux, je vais sauter d'une branche à l'autre sur tous les arbres. Si j'aperçois quelqu'un qui se cache, je te préviendrai.
-Quant à moi, proposa le gentil lapin, je vais courir partout dans le jardin. Si je remarque quelque chose de dangereux ou un méchant, je viendrai te le dire.
-Et moi, termina la vieille souris, je grimperai sur le mur. Si quelqu'un s'approche, je t'appelle. Et si à ce moment tu ne te sauves pas bien vite et qu'il t'attrape, ce sera de ta faute.
Magali entra dans le jardin. Elle avançait doucement en écartant les herbes hautes et les fougères, tout en évitant les ronces et les orties.
Elle aperçut assez rapidement un gros taillis de bambous. Elle s'en approcha et coupa une belle branche verte.
Notre amie observa le creux de la tige. C'était tout noir, là-dedans. Mais un peu d'eau stagnait. Elle en versa une goutte sur son doigt. Elle lécha la goutte. Cela n'avait aucun goût.
Puis, elle sortit du jardin rapidement et suivie par ses amis. Elle retourna près de la petite rivière où attendait le hérisson.
Alors, inclinant le morceau de bois creux comme un gobelet d'eau, elle fit boire le jus de bambou au petit animal malade.
Puis elle l'emmena dans son jardin.
Il vécut dans l'herbe près de la maison de Magali, à l'abri des dangers, pendant une semaine. Tous les piquants repoussèrent.
Notre amie en fut très heureuse. Elle lui avait sauvé la vie.