Le Coup de téléphone
Magali se trouvait à la maison. C'était un jour de semaine après l'école. Son grand frère de huit ans, Arnaud, n'était pas encore rentré de chez sa copine Manon.
Notre amie a quatre ans et demi. Elle jouait avec son petit frère Julien, un bébé de presque un an, installé dans son parc, au milieu du salon.
Maman se trouvait à la salle de bain, à l'étage. Elle venait de demander à sa fillette de ne pas répondre à la porte.
Tout à coup, le téléphone sonna. Notre amie, toujours très curieuse, décrocha aussitôt.
-Allo, c'est Magali.
Elle répond ainsi car elle est polie et bien élevée.
-Bonjour, petite fille. Puis-je parler à ton papa ?
Elle entendait la voix d'un monsieur.
-Mon papa n'est pas là, il se trouve encore au travail.
-Puis-je dire un mot à ta maman ?
-Non, parce que maman prend sa douche.
-Puis-je parler à ton grand frère ?
-Non, en revenant de l'école, il s'arrête souvent chez son amie Manon. Je peux vous passer mon petit frère, mais il ne parle pas encore.
-Bon, répondit le monsieur en riant. Ce n'est pas la peine. Écoute-moi. Lorsque ta maman sortira du bain, tu lui annonceras que monsieur Paramaribo de Thessaloniki a téléphoné.
-Je lui dirai. Au revoir, monsieur.
Magali raccrocha.
Elle reprit ses jeux avec Julien. Elle lui construisait des tours avec des blocs de toutes les couleurs. Julien les détruisait les unes après les autres en les touchant du bout de ses doigts en riant. Chaque fois, la fillette recommençait. Elle se montrait très patiente avec le bébé.
Après quelques minutes, maman arriva. Elle portait un grand peignoir bleu. Ses cheveux dégoulinaient, tout mouillés.
-Ça va, Magali ?
-Oui, maman, ça va bien. Je joue avec Julien. Il est très gentil et trop drôle. Il me fait rire.
-Il me semble avoir entendu le téléphone sonner...
-Oui, quelqu'un vient d'appeler.
-Qui cela ?
-Heu...Je ne sais plus son nom, répondit la fillette.
Tu t'en souviens, toi qui écoutes cette histoire ?
-Rien de grave, ma chérie, dit maman, il rappellera sûrement. Tu peux aller à ta chambre si tu veux. Je m'occupe du bébé.
Magali monta l'escalier et entra dans sa chambre.
Elle possède un petit téléphone en plastique rouge et bleu qui fait de la musique quand on enfonce les touches. Si on pousse sur le 1, on entend : « Frère Jacques, frère Jacques… ». Si on touche le 2, on a : « Sur le pont d'Avignon… on y danse, on y danse… ». Au numéro 3, se trouve : « Un petit canard au bord de l'eau... ». Le 4 donne : « J'ai perdu le do de ma clarinette…" Derrière le 5, une dame chante : « Au clair de la lune… ».
Notre amie décrocha son téléphone jouet. Elle poussa sur le 1.
-Bonjour, Magali.
C'était le monsieur, celui qui téléphonait tantôt.
-As-tu dit à papa ou maman que j'ai sonné ?
-Oui, mais je ne savais plus ton nom. Il est trop compliqué.
-Rien de grave. Ecoute bien. Je m'appelle Paramaribo de Thessaloniki. Répète avec moi.
-Paramaribo de Thessaloniki. Je le dirai à maman.
-Au revoir, petite fille.
-Au revoir, monsieur.
Magali regarda, bien étonnée, le petit appareil. D'habitude, avec ce jouet, on ne peut pas recevoir des appels. Il n'est même pas branché dans la fiche du téléphone.
Elle décrocha de nouveau et écouta. Elle n'entendait plus rien. Elle poussa sur le 1 et une chanson commença.
- Frère Jacques, frère Jacques…
Juste à ce moment, la porte de la chambre de Magali s'ouvrit. Maman entra, portant le bébé dans ses bras.
-Le monsieur vient de téléphoner sur mon petit appareil à moi, dit notre amie.
-Bizarre, s'étonna la maman. C'était qui ?
-Monsieur…Para…quelque chose...J'ai de nouveau oublié.
Tu t'en souviens, toi qui écoutes cette histoire ?
-Cela ne fait rien, reprit maman en souriant. Il rappellera plus tard.
Magali redescendit au salon. Sa mère remit le petit frère dans son parc et demanda à notre amie de rester un moment près de lui.
-Je vais préparer le repas du soir, dit-elle. Papa arrivera avec Arnaud dans quelques minutes.
Julien possède une grosse balle en peluche, toute ronde et très douce au toucher. Une petite ficelle y est accrochée, terminée par une poignée. Si on la déroule, cela déclenche une chanson :
« Pomme de reinette et pomme d'api… ».
Notre amie tira sur la ficelle et entendit :
-Bonjour Magali.
Encore le monsieur !
-As-tu annoncé à ta maman que j'ai téléphoné ?
-Oui, monsieur.
-Et tu te souviens de mon nom ?
-J'ai dit «Para », mais je ne sais plus quoi après.
-Écoute-moi bien, petite fille. Je vais te le redire. Paramaribo de Thessaloniki. Paramaribo de Thessaloniki. Répète avec moi. Paramaribo de Thessaloniki.
Magali le prononça deux fois.
Puis, étonnée, elle prit la balle en peluche en main et déroula de nouveau la ficelle. Le monsieur allait encore lui parler? Elle entendit la chanson:
« Pomme de reinette et pomme d'api… ».
Pendant qu'elle chantait avec son petit frère, Arnaud et papa revinrent à la maison.
-Bonjour ma chérie, bonjour Julien.
Papa embrassa sa fille adorée et prit le bébé dans ses bras.
-Papa, s'écria Magali, un monsieur vient de téléphoner trois fois.
-Ah bon. Tu peux me dire son nom ?
-Monsieur Paramari…Oh, zut, je ne sais plus la suite.
-Ça ne fait rien, il retéléphonera tantôt.
Tu te souviens de son nom, cette fois-ci, toi qui écoutes cette histoire?
Après le repas, Magali monta prendre sa douche à la salle de bain. Elle enfila ensuite sa robe de nuit rose avec des petits rubans. Puis elle se brossa les dents. Elle se glissa dans son lit. Papa et maman vinrent donner leur dernier bisou. Ils éteignirent la lumière et fermèrent la porte.
La fillette se tourna vers le mur. Elle y retrouva sa poupée qui parle. Elle ne dit que quelques mots : maman…câlin…dodo…
Elle entendit :
-Bonjour, je suis monsieur Paramaribo de Thessaloniki.
-Oh, encore vous ?
-Oui, tu te rappelles de mon nom : Paramaribo de Thessaloniki.
Magali tenta de répéter le nom, mais plus elle essayait, plus tout se brouillait dans sa tête. Elle n'osa pas déranger ses parents pour rien. Elle s'endormit.
Elle fit un rêve pendant son sommeil.
Elle se trouvait sur une plage de sable. Elle avait enfilé une robe décorée de fleurs rouges sur son maillot de bain. Elle jouait au bord des vagues, avec sa pelle et son seau. Le soleil brillait dans le ciel bleu.
Un homme, vêtu tout de blanc s'approcha. Il portait un pantalon blanc, une chemise blanche, une cravate blanche, un veston blanc. Ses chaussures blanches étaient bien cirées. Il s'arrêta près de notre amie.
-Bonjour, petite fille.
-Bonjour, fit Magali en levant la tête.
-Je suis monsieur Paramaribo de Thessaloniki. Je cherche tes parents.
-Ils sont à la maison. Ils dorment. Moi je joue à la plage, dit-elle dans son rêve.
-Tu voudras bien leur dire que j'ai téléphoné. Répète mon nom avec moi. Paramaribo de Thessaloniki.
-Oui, je leur dirai, promit Magali. Vous êtes monsieur Paramaribo de Thessaloniki. J'y vais tout de suite.
Notre amie s'éveilla. Elle se leva très étonnée de se trouver dans son lit et pas sur la plage. Elle courut à la chambre de ses parents. Elle frappa à leur porte puis entra.
-Papa, maman, dit-elle en sautant sur leur lit, je sais le nom de celui qui a téléphoné. Il s'appelle Paramaribo de Thessaloniki.
-Bravo, dirent les parents en applaudissant. Il s'agit d'un de nos bons amis. Il viendra dimanche après-midi. Tu feras sa connaissance. Il est très gentil.
-Je viens de le voir en rêve, fit Magali en souriant.
Elle retourna se coucher, très fière. Elle avait réussi à répéter le nom sans se tromper.
Et toi, tu sais le redire ?