Magali
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Le bruit qui fait peur

     Magali dormait. Ses parents et ses deux frères, Arnaud, huit ans, et Julien, le bébé de presque un an, dormaient aussi. C'était le milieu de la nuit.

Mais notre amie de quatre ans et demi ouvrit les yeux. Un bruit étrange venait de l'éveiller.

Un bruit qui fait peur...

- Tooot... Tooot...

Magali se leva et s'approcha de la fenêtre de sa chambre. Le bruit venait de dehors.

Elle regarda le ciel noir, les étoiles, le joli clair de lune en silence.

- Tooot... Tooot...

- Ça vient de là-bas, se dit-elle tout bas, de plus loin que le jardin. Oui, de là-bas, près de l'étang vert, dirait-on.

Le bruit recommença.

- Tooot... Tooot...

Notre amie hésita un instant. Elle avait très envie d'aller voir. Elle est très curieuse. Mais elle n'osa pas. Ce bruit étrange faisait trop peur.

Magali se recoucha. 

- Demain, j'irai demander à mes amis, se dit-elle tout bas.

Elle se rendormit.


Le lendemain matin, elle marcha jusqu'au fond du jardin, poussa sur la barrière et longea le champ de blé.

Elle appela trois fois son ami le gentil lapin.

- Gentil lapin ! Gentil lapin ! Gentil lapin !

- Que veux-tu ?

- J'ai entendu un bruit qui fait peur cette nuit. Et toi ?

- Oh oui ! répondit le petit animal. Un bruit terrible. Je suis resté toute la nuit au fond de mon terrier.  Je crois qu'un tigre passait par là.

- Mais non, lança Magali. Un tigre fait « graaourrr » !

- En ce cas, c'est le cri d'un monstre. Surtout, ne va pas à l'étang pour le moment, conseilla le gentil lapin.


Notre amie quitta le lapin et s'approcha du grand cerisier où habite la jolie pie qu'elle connaît bien. Elle l'appela trois fois.

- Jolie pie ! Jolie pie ! Jolie pie !

- Oui ?

- J'ai entendu un bruit qui fait peur cette nuit. Et toi ?

- C'était vers minuit, je pense ! Ça faisait très peur ! insista la jolie pie. Je crois que des corbeaux criaient au lieu de croasser. Je ne sais pas pourquoi.

- Mais non, affirma Magali. Un corbeau fait « croa, croa, croa » !

- En tout cas, ne va pas à l'étang pour l'instant. Je crois qu'une bête féroce s'y promène.


Notre amie longea la petite rivière et s'arrêta au pied de l'arbre où vit l'écureuil aux yeux très doux. Elle l'appela.

- Écureuil aux yeux très doux ! Écureuil aux yeux très doux ! Écureuil aux yeux très doux !

- Que veux-tu ? dit-il en descendant de branche en branche.

- J'ai entendu un bruit qui fait peur cette nuit. Et toi ?

- Oh oui ! Près de l'étang. C'est un  loup qui hurle.

- Mais non, dit la fillette en souriant. Un loup fait « ouh, ouh, ouh » ! Et puis il n'y a pas de loup dans ces bois. Mon papa me l'a dit.

- Peut-être, mais ne va pas te promener par là. Sois prudente.


Elle contourna le champ de blé et s'approcha du trou au fond duquel se trouve le nid de la vieille souris. Celle qui répète toujours : c'est de ta faute.

- Vieille souris ! Vieille souris !  Vieille souris !

- J'arrive. Je parie que c'est de ta faute.

- Oh ! se fâcha Magali, tu dis toujours la même chose, toi ! As-tu entendu un bruit qui fait peur cette nuit ? Ça provenait de l'étang vert, je crois.

- Oui, je l'ai entendu. J'étais terrifiée. Je suis restée sans bouger au fond mon nid. Ne va pas par là. Ce sont des canards enragés.

- Mais non, affirma la fillette. Les canards font : « coin, coin, coin » !

- Alors, un vilain méchant se cache là. N'y va pas, répéta la vieille souris. Sinon, il te fera du mal et ce sera de ta faute.


Magali revint à la maison. Elle appela trois fois son petit chat.

- Polipilou ! Polipilou ! Polipilou !

- Oui ?

- Es-tu parti chasser les souris cette nuit ?

- Bien sûr, avec mes copains, les deux chats de la maison en face, Glorie et Broumia.

 -As-tu entendu un bruit qui fait peur près de l'étang ?

- En effet. Mais je n'avais pas peur du tout. C'est un bébé qui pleure.

- Mais non, dit notre amie. Un bébé qui pleure fait : « Ouin ! Ouin ! Ouin » !

- Bon, d'accord, grogna Polipilou. Mais ce n'était pas non plus le couinement d'une souris. Ne va pas voir. Il y a un danger.


Magali entra dans la chambre de son grand frère.

- Arnaud, tu veux bien m'accompagner jusqu'à l'étang ? J'aimerais découvrir ce qui cause le bruit que j'ai entendu cette nuit. Mais toute seule, je n'ose pas. Mes amis animaux me disent que c'est dangereux.

Ce grand frère gentil et affectueux aime beaucoup sa petite sœur. 

- Viens, dit-il. Allons voir.

Il la prit par la main. Ils se rendirent à l'étang.

Ils observèrent la surface de l'eau, paisible, toute plate. On ne sentait pas le moindre souffle de vent. 

Quelques grenouilles sautaient sur les nénuphars pour tenter d'attraper des mouches qui volaient. 

Le soleil brillait et les oiseaux chantaient. Les roseaux se tenaient bien droits et Magali observa une petite araignée qui filait sa toile.

Un vieil arrosoir traînait, couché, renversé dans l'herbe, au bord de l'eau.

- Je crois, dit Arnaud, que si tu veux découvrir ce qui provoque le bruit qui fait peur, tu dois venir voir pendant que tu l'entends.

- Je peux te réveiller au milieu de la nuit pour y aller ensemble?

- D'accord, promit le grand frère.

Ils retournèrent à la maison.


La nuit suivante, notre amie s'éveilla. Elle entendait de nouveau le bruit qui fait peur.

- Tooot... Tooot...

Elle se leva et se rendit dans la chambre d'Arnaud. Elle l'éveilla.

- Écoute, dit-elle.  

- En effet, dit le garçon. Quel bruit étrange... Habille-toi vite. On y va.

Magali passa sa salopette rouge mais resta pieds nus pour être prête plus vite.

- Je peux venir comme ça ?

- Oui. Suis-moi.

Ils descendirent l'escalier en silence. Il ne fallait pas réveiller le bébé.

Ils passèrent au jardin, poussèrent la barrière du fond, puis se glissèrent le long du champ de blé. Ils s'approchèrent de l'étang. Le bruit qui fait peur continuait.

- Tooot... Tooot...

Ils s'approchèrent doucement des roseaux. Leurs cœurs battaient fort, au rythme de leur peur.

Un corbeau s'envola en croassant. 

Ils entendirent un cri de renard, là-bas, vers le bois. Le chien de la grande ferme du village aboya.

Et soudain, ils comprirent.

Une petite grenouille s'était glissée dans l'arrosoir renversé et vide. Elle coassait.

Mais l'arrosoir faisait caisse de résonance. Il amplifiait le chant de la grenouille et le déformait, le rendant sinistre et effrayant à la fois.

Les deux enfants la firent sortir et le bruit cessa aussitôt.

Ils redressèrent l'arrosoir.


Le lendemain, ils revinrent près de l'étang. Ils plantèrent un bouquet de jolies fleurs après avoir rempli l'arrosoir de bonne terre.

Et plus jamais on n'entendit le bruit qui fait peur. 


Merci à Catherine et Bernard qui m'ont dit avoir entendu ce bruit bizarre au fond de leur joli jardin et ont découvert une grenouille qui chantait dans un vieil arrosoir près de leur étang.