Le bonhomme de neige
Magali jouait au jardin. Tout était blanc car il avait neigé. Elle portait son habituelle salopette rouge, mais avec un bon pull, sa veste bleue et ses bottes vertes. Elle riait dans les flocons avec son grand frère Arnaud et la copine de celui-ci, Manon, tous deux âgés de huit ans. Ils fabriquaient un bonhomme de neige.
Les trois enfants brassaient la neige et la tassaient. Le corps commençait à prendre forme haut et fort. Quand ce fut fait, les deux grands s'éloignèrent en roulant une grosse boule pour lui créer une tête.
Ils revinrent et la soulevèrent. Ils la posèrent sur le tronc.
-Il lui manque des yeux, dit le grand frère. J'ai une idée. Je vais aller chercher des billes.
Il courut à sa chambre, choisit deux jolies billes vertes et redescendit. Il les enfonça dans la tête du bonhomme de neige.
Papa donna une carotte à Magali pour lui faire un nez.
Pendant ce temps, Manon lui traça une bouche souriante avec son doigt.
Notre amie, imitant la grande fille, créa un premier bras en sculptant une ligne le long de la colonne blanche. Elle façonna aussi, toujours délicatement avec son index, les doigts d'une main. Ce n'était pas facile à dessiner et elle n'eut le temps de faire qu'un seul bras et qu'une seule main, car sa maman l'appelait.
Il était l'heure de retourner à la maison. D'ailleurs, notre amie avait froid. Comme une couche de près de vingt centimètres couvrait le jardin, un peu de neige s'était glissée dans ses bottes et avait fondu. Ses pieds étaient tout mouillés et sa salopette trempée. Elle revint au salon.
Maman l'envoya immédiatement prendre sa douche et mettre sa robe de nuit rose avec des petits rubans. Arnaud reconduisit son amie chez elle, le temps d'échanger un gentil bisou.
Après le repas du soir, papa et maman vinrent embrasser leur petite fille. Mais dès qu'ils eurent fermé la porte, Magali se releva et courut à la fenêtre. Elle observa le bonhomme de neige.
Le ciel était tout noir à présent. La nuit était tombée. Il se tenait là, immobile, au fond du jardin, scintillant aux reflets des lumières de la maison.
Elle lui fit au revoir d'un geste de la main et lui envoya même un bisou.
Puis, elle se glissa dans son lit et s'endormit.
Elle se réveilla au milieu de la nuit parce qu'elle grelottait. Comme elle est assez remuante, sa couverture était tombée par terre. C'est pour cela qu'elle avait froid. Elle s'assit sur le lit, remit la couverture en place puis se leva, pieds nus, et se dirigea vers la fenêtre.
Le spectacle dehors lui parut à la fois féerique et impressionnant. Les flocons tombaient en abondance, portés par le vent. Cela formait des tourbillons de petites lumières blanches qui voltigeaient sur le fond de ciel noir. On distinguait à peine le bonhomme de neige au fond du jardin.
Magali ouvrit la fenêtre. Les flocons entrèrent dans la chambre et se posèrent sur ses couettes noires et sur sa robe de nuit rose. Elle appela.
-J'espère que tu n'as pas trop froid, bonhomme de neige.
Alors, du fond du jardin, une voix grave qu'elle ne connaissait pas se fit entendre.
-J'ai un peu froid au cou et à la tête.
-Je viens, répondit notre amie.
Elle referma la fenêtre de sa chambre. Elle ouvrit la porte. On n'entendait rien dans la maison. Il était deux heures du matin, mais elle ne le savait pas. Papa et maman dormaient. Arnaud également. Et son petit frère Julien, le bébé, aussi.
Magali descendit l'escalier. Parvenue dans le hall, elle aperçut l'écharpe jaune de maman. Elle la prit. Puis elle envisagea de placer son bonnet sur la tête du bonhomme. Mais la tête de ce dernier était tellement grosse que cela n'irait pas. Alors, elle choisit de prendre le chapeau noir de papa.
Elle traversa la cuisine et ouvrit la porte du jardin. Elle fit trois pas dehors. Elle fut aussitôt prise dans la tourmente de neige et de glace. Le vent faisait tourbillonner les flocons. Pieds nus et en robe de nuit, elle se mit à grelotter de froid.
Sans renoncer à son projet, elle revint rapidement dans la cuisine. Elle referma la porte. Elle posa le chapeau noir et l'écharpe jaune sur la table, puis remonta les escaliers.
Parvenue dans sa chambre, elle retira sa robe de nuit et passa sa salopette rouge encore humide des jeux d'hier dans la neige, ainsi qu'un pull à manches longues. Puis, elle redescendit les escaliers. Elle mit ses grosses chaussettes, ses bottes, et son manteau bleu. Elle serra son capuchon et retourna ainsi vêtue dans la cuisine. Elle prit le chapeau noir de papa et l'écharpe jaune de maman. Elle ouvrit la porte du jardin et y refit trois pas.
Il neigeait tellement qu'on n'apercevait plus le bonhomme, là-bas, près de la haie, au fond du jardin.
Magali avança doucement. Il y avait bien trente centimètres de neige à présent. Ça lui venait jusqu'aux genoux. Elle enfonçait à chaque pas. Les flocons passaient par-dessus ses bottes et commençaient déjà à lui mouiller les pieds en fondant. La salopette comme la veste bleue devenaient toutes blanches.
La fillette marcha droit devant elle et parvint au fond du jardin, où se dressait son bonhomme. Elle savait bien où il se trouvait.
Dès qu'elle fut près de lui, elle déroula l'écharpe et la lui passa autour du cou. Elle fit un nœud. Par contre, elle ne parvint pas à glisser le chapeau de papa sur sa tête, parce que c'était trop haut pour elle.
Elle posa le chapeau sur le sol. Puis entreprit de construire un tas de neige, qu'elle tassait régulièrement avec courage. Elle rajoutait chaque fois une couche par-dessus et comprimait énergiquement.
Lorsque le talus fut assez haut, elle y monta et plaça le chapeau noir de papa sur la tête du bonhomme.
-Voilà, dit-elle en souriant, j'espère que, maintenant, tu n'auras plus froid.
Magali se retourna. Elle ne voyait plus la maison dans la tourmente. Il y avait tant de neige, qu'on n'apercevait plus les murs ni les fenêtres. Par où fallait-il aller pour retrouver la porte de la cuisine ?
Elle savait bien qu'elle était dans son jardin. Mais la petite fille de quatre ans et demi eut soudain peur de se perdre dans la nuit, dans le froid, dans le gel. Elle n'osa plus faire un seul pas et se mit à pleurer.
La neige blanchissait sa veste. Bientôt, dans le froid, elle risquait de devenir une statue de glace tout blanche.
Alors, lentement, le bonhomme de neige décolla la main et le bras que la fillette lui avait ébauchés tantôt dans l'après-midi. Il posa doucement son bras sur l'épaule de la petite fille.
Puis, oh! merveille, glissant petit à petit, presque imperceptiblement, il se dirigea vers la maison.
-Suis-moi, dit-il de sa voix grave.
Magali, se sentant soutenue et rassurée, avança à côté de son ami. Ils parvinrent tous deux devant la porte.
Là, doucement, le bras du bonhomme de neige se détacha des épaules de la fillette et revint à sa place le long du corps.
Notre amie se retourna et fit le plus beau de ses sourires. Elle ajouta un geste de bisou qu'elle lui envoya. Puis elle entra dans la cuisine. Elle referma la porte derrière elle.
Elle se dirigea vers le hall d'entrée et retira ses bottes et ses chaussettes mouillées, qu'elle mit à sécher près du radiateur. Elle ôta sa veste qu'elle secoua et accrocha au porte-manteau.
Puis, elle monta les escaliers, et parvenue dans sa chambre, elle retira sa salopette et son t-shirt à manches longues, de nouveau trempés. Elle les posa sur la chaise près du radiateur. Elle remit sa robe de nuit rose à petits rubans, et retourna se blottir dans son lit.
Elle s'éveilla le lendemain matin. Elle vit un grand soleil et un ciel tout bleu. Elle entendit son papa gronder.
-Mais où est mon chapeau noir! Je pars au travail et je ne le trouve pas!
Magali ouvrit la porte et cria.
-Papa !
-Bonjour, ma chérie.
-Papa, pardonne-moi, j'ai pris ton chapeau et je l'ai mis sur la tête du bonhomme de neige cette nuit. Il disait qu'il avait froid à la tête et au cou. Je lui ai aussi passé ton écharpe jaune, maman.
Arnaud, qui prenait son petit déjeuner, se moqua de sa petite sœur, en affirmant qu'un bonhomme de neige ne ressentait certainement pas le froid puisqu'il était en neige. Et du reste, ils ne parlent pas.
Magali descendit prendre son verre de lait et ses céréales. Elle lui fit remarquer que cette nuit, elle s'était éveillée et que le bonhomme l'avait appelée. Elle lui avait prêté l'écharpe jaune de maman et le chapeau noir de papa.
Puis, il l'avait reconduite jusque devant la porte de la cuisine, car il neigeait tant, qu'elle n'apercevait même plus la maison et elle craignait de se perdre.
Arnaud, très sceptique, se dirigea vers la porte vitrée de la cuisine. Là, il dut bien se rendre à l'évidence...
-Papa, maman ! Venez voir, c'est incroyable ! Le bonhomme de neige ! Il n'est plus au fond du jardin. Il s'est déplacé pendant la nuit!
Les parents se précipitèrent près de leur garçon.
Magali, assise paisiblement à table, ébaucha un beau sourire et but son lait.