En revenant du magasin
Juliette revenait du supermarché avec sa maman et son petit frère Bastien. Elle poussait fièrement le landau. Et elles chantaient.
"Promenons-nous dans les bois, tant que le loup n'y est pas.
Si le loup y était, il nous mangerait.
Mais comme il n'y est pas, il ne nous mangera pas."
À ce moment, notre amie de trois ans et demi entendit des cris d'oiseau. Ou plutôt des pépiements d'un bébé oiseau.
Juliette regarda autour d'elle, dans les arbres de la rue et le long des maisons, mais elle ne le vit pas. Pourtant, on l'entendait.
Maman eut l'attention attirée elle aussi par les cris de cet oiseau. Ils semblaient venir du bord du trottoir.
En se penchant au-dessus d'une bouche d'égout, elle découvrit le pauvre petit et le montra à notre amie.
Le bébé moineau se trouvait sous la grille de l'égout.
Peut-être qu'il venait de tomber dans ce vilain trou en s'envolant pour la première fois. Ou bien, l'eau qui coulait dans la rigole après la pluie l'avait emporté jusque-là.
Il pleurait, incapable de sortir tout seul.
La maman de notre amie approcha ses mains de l'égout, mais elle ne put atteindre l'oiseau. Les barreaux étaient trop serrés, trop proches les uns des autres.
Juliette glissa ses fins doigts à son tour et le toucha. Enfonçant ses poignets encore un peu plus à travers les gros barreaux, elle réussit à le prendre avec douceur par une de ses ailes et à le sortir de là.
Elle le caressa et lui parla en le tenant au creux de ses mains. L'oiseau lui répondit, déjà un peu rassuré.
Puis elle revint à la maison.
- Plaçons-le dans une cage, proposa maman.
- Pourquoi? demanda la fillette.
- Il ne faut pas que Tiouli, le chat de la voisine, vienne le manger pendant que tu vas à l'école, ma chérie.
Notre amie comprit et accepta aussitôt.
Sa mère posa la cage et l'oiseau dans la chambre de la fillette, pour le plus grand bonheur de celle-ci.
Juliette choisit ensuite une petite assiette décorée de fleurs bleues et sortit une tranche de pain du sachet rapporté du supermarché. Elle ôta la croûte, qu'elle mangea. Puis elle découpa la mie en tout petits morceaux. Elle les mouilla avec du lait.
Elle remonta à sa chambre et glissa le tout dans la cage de son ami.
Mais l'oisillon n'y touchait pas. Il regardait l'assiette en poussant des cris désespérés.
- Tu n'aimes pas? demanda la fillette. Attends, je vais te chercher autre chose.
Juliette sortit de la pâtée pour moineaux du frigo. Elle en fit des toutes petites portions, qu'elle posa sur une assiette rose à fleurs jaunes, près de son ami.
- Tiens, dit-elle à l'oiseau, goûte ceci. Tu vas adorer.
Mais de nouveau l'oisillon regarda puis poussa des pépiements lamentables.
À la fois énervée et inquiète, notre amie saisit une boulette de pâtée entre le pouce et l'index. Elle l'approcha du bec du moineau. Il l'ouvrit tout grand.
Juliette fourra le bout de pâtée au fond de la gorge de l'oisillon. Cette fois il l'avala d'un coup.
Alors notre amie comprit et se souvint. Cet oiseau est encore un tout-petit, un bébé. Et leurs parents leur donnent la becquée, c'est-à-dire qu'ils glissent la nourriture dans leur bouche.
Tu as déjà vu sur des photos un papa ou une maman oiseau qui apporte à manger à ses petits, encore dans leur nid, et qui crient la bouche grande ouverte et reçoivent ainsi leur repas.
La nourriture posée simplement sur une assiette attirait l'oiseau, mais il ne comprenait pas encore qu'il faut la prendre avec son bec pour la manger. Comme un bébé humain auquel tu présenterais un verre de lait. Il ne sait rien en faire. Il faut le verser dans un biberon terminé par une tétine qu'il peut mettre en bouche pour boire.
L'oisillon mangeait bien à présent. Et il chantait. Juliette lui répondait en essayant de siffler comme lui.
Les jours passaient...
L'oiseau ne bougeait pas ses ailes. Il sautillait en les traînant sur le dos comme un objet inutile ou même encombrant.
- Envole-toi, lui lança Juliette. Regarde, j'ouvre la porte de ta cage.
Mais le petit ne comprenait pas.
Notre amie s'agita en écartant ses bras de haut en bas, plusieurs fois de suite, pour lui montrer. Mais son ami se contentait de ramper lamentablement.
- Zut, dit-elle. Fais un effort ! Tu possèdes des ailes. Tu dois t'en servir...
Tout à coup, la fillette eut une idée. Elle saisit l'oiseau à deux mains et le lança délicatement en l'air, comme une balle.
Elle le rattrapa quand il retomba, mais il venait de remuer ses plumes. Sans doute s'inquiétait-il de s'affaler sur le tapis de la chambre.
Juliette recommença plusieurs fois, en le lançant chaque fois un peu plus haut.
Soudain l'oisillon battit vraiment des ailes et s'envola en tournant en rond dans la pièce.
- Bravo ! Tu as compris, s'écria la fillette.
Le moment était venu d'ouvrir la fenêtre et de le laisser partir.
Juliette le serra contre elle une dernière fois, puis le confia au vent et à la vie qui l'attendaient dehors.
Elle écouta ses cris de joie, qui diminuèrent peu à peu car il s'éloignait vers le bois. Puis elle ne l'entendit plus.
Il partit sans doute retrouver ses sœurs et ses frères, peut-être ses parents.
Notre amie vint près de son père les larmes aux yeux.
- Ne pleure pas, ma chérie. Tu lui as sauvé la vie. Sans toi, il serait peut-être mort au fond de la bouche d'égout.
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Merci à mon amie Georgia, merveilleuse clown magicienne, qui m'a conté ce fait divers vécu. Il m'a inspiré cette histoire.