Des plumes et des couleurs
Notre petite Juliette, trois ans et demi, faisait une promenade avec son papa un après-midi. Je crois que c'était un samedi, ou peut-être un dimanche. Mais ça n'a pas d'importance. Ils se promenaient le long du bois, voilà tout.
Tout à coup, sur le chemin en terre, la fillette aperçut une belle plume bleue. Elle la ramassa et la glissa dans la poche avant de sa salopette. Elle n'avait jamais vu une aussi jolie plume.
Un instant après, plus loin, dans l'herbe, elle en vit une jaune, puis une rouge. Elles se trouvaient l'une près de l'autre. Elle les emporta toutes les deux.
En passant près de l'étang, elle trouva une plume blanche et puis une verte accrochées aux roseaux. Quel bonheur!
Enfin, tout près de la maison, une plume noire volait au vent. Quelle chance, décidément!
Elle tenait à présent un bouquet de plumes de toutes les couleurs.
Juliette se dirigea vers le jardin et s'assit dans l'herbe. Elle posa les plumes en éventail autour d'elle pour les admirer. La bleue, la rouge, la jaune, la verte, même la blanche et la noire. Chacune brillait au soleil.
Elle était bien tranquille. Son petit frère, bébé Bastien, faisait la sieste dans son lit. Personne n'allait la déranger. Elle regardait toutes ses plumes en chantonnant doucement, quand soudain, elle entendit derrière elle un petit bruit, un pépiement.
Deux poussins passaient par-dessous la haie. Ils s'approchèrent lentement de notre amie. Que voulaient-ils ces deux-là?
Quelques instants après, un croassement retentit.
Elle se retourna. Un corbeau observait la fillette en penchant sa tête comme ces oiseaux font souvent.
Puis, Juliette entendit un cri rauque, un caquetage.
-Tiens, voilà une pie.
Notre amie commençait à s'inquiéter un peu. Que lui demandaient ces animaux ? Les poussins jaunes, le corbeau noir, la pie aux petites plumes noires, blanches et bleues. Tous s'approchaient lentement d'elle et la regardaient en silence à présent.
Soudain, un canard arriva. Il poussait ses « Coin…coin…coin » d'un air sévère en s'avançant vers la fillette.
Puis ce fut un perroquet rouge. Il se posa sur la barrière.
-Juliette…Juliette…Juliette, disait-il sans cesse.
Enfin, comble de malheur, un grand cygne blanc s'approcha à son tour.
Il faut faire attention aux cygnes blancs. Ils pincent parfois très fort avec leur bec. Ils peuvent être très méchants.
Juliette se leva. Elle avait vraiment très peur maintenant. Pourquoi ces animaux restaient-ils là autour d'elle ? Pourquoi ne s'en allaient-ils pas ? Que lui voulaient-ils ? Elle ne leur avait rien fait de mal.
Deux coccinelles se posèrent doucement sur la main de notre amie. Elles lui parlèrent tout bas.
-Petite fille, ces animaux viennent près de toi car ils souhaitent reprendre leurs plumes. Tu dois les leur remettre.
-Je ne veux pas, s'écria Juliette. Je ne veux pas leur redonner ces plumes. Je les ai trouvées dans le bois cet après-midi, en me promenant avec mon papa, et je veux les garder pour moi.
Les coccinelles n'insistèrent pas et s'envolèrent.
Un grand aigle, qui tournait lentement dans le ciel, s'approcha à son tour et se posa près de notre amie.
-Petite fille, dit-il en la regardant d'un œil sévère, petite fille, il faut remettre ces plumes aux oiseaux. Ils ne s'en iront pas avant. Ils attendent que tu les leur rendes. Tu ne peux pas les garder. Elles ne sont pas à toi, elles leur appartiennent.
Juliette avait très peur de l'aigle. Elle tremblait maintenant. Elle n'osait pas crier pour appeler papa et maman. Elle n'osait pas s'enfuir. Elle murmura en desserrant à peine les dents :
-Bon, je vais leur donner leurs plumes.
-Je te fais confiance, dit l'aigle, en insistant.
Et puis il s'envola et disparut au-dessus des arbres.
Juliette prit la plume rouge et la tendit aux deux poussins. Mais elle se trompait. Les poussins sont jaunes. Le plus grand indiqua qu'il voulait la jaune. La fillette reprit la rouge et lui donna la jaune.
Les poussins partirent contents.
Notre amie proposa ensuite la plume rouge au corbeau. Celui-ci fit un drôle de signe avec sa tête et indiqua qu'il désirait la noire.
-En effet, s'écria Juliette. Je me trompe de nouveau. Tiens, voici ta plume noire.
Le corbeau s'envola.
La fillette reprit la plume rouge et l'offrit à la pie, mais elle voulait la bleue car les pies ont des plumes noires, blanches et bleues.
La pie remercia et retourna vers son nid, situé dans un grand arbre, près de la rivière.
Le canard refusa la plume rouge également. Il exigea la verte parce que c'était un canard colvert. Juliette la lui remit. Il la saisit avec son bec et s'en alla par le trou de la haie en couincouinant.
Le perroquet accepta la rouge. Elle faisait partie de son beau plumage. Il s'envola en criant et en répétant : « merci Juliette… merci Juliette… merci Juliette… »
Enfin, notre amie tendit d'une main tremblante la plume blanche au grand cygne. Il l'arracha des doigts de la fillette d'un coup de bec et s'en alla sans rien dire. Il semblait de très mauvaise humeur.
Chaque animal reçut ainsi sa plume en retour. Juliette n'en avait plus aucune. Elle se leva et puis courut à la maison pour tout raconter à maman et à papa.
Maintenant, quand elle va en balade, elle choisit des jolis cailloux. Elle en trouve parfois de très beaux le long des chemins ou dans le lit des ruisseaux. Elle commence une nouvelle collection.