Le château des fées
- Il y a mille ans, existait encore un merveilleux château au fond des bois. Un château entouré de sept hautes tours, chacune d'une couleur différente. Sept fées habitaient cet endroit. Elles semaient le bonheur autour d'elles dans les villages des environs.
Isabelle, couchée dans son lit dans sa robe de nuit blanche à petites fleurs bleues écoutait son grand frère Bertrand. Le jeune homme, âgé de 19 ans, lui contait une histoire, comme chaque fois quand papa et maman lui confiaient la garde de notre amie car ils devaient s'absenter.
- On peut encore visiter ce château ? demanda la fillette.
- Hélas, il n'en reste plus que des ruines. Quelques murs, une ou deux caves, des fossés à moitié comblés.
- Pourquoi ? Où sont allées les sept fées ?
- Un terrible dragon attaqua un jour le château. Les fées ne purent pas se défendre, même avec leurs baguettes magiques.
- Que sont-elles devenues ?
- Elles se cachèrent dans une roche, enfermées à clé dans un mur de pierre de leur énorme habitation. Hélas, personne n'a découvert cette roche ni cette clé. Bien des aventuriers ont visité ce lieu et le fouillent encore, mais aucun n'a vu cette clé. On pense qu'elle est perdue à jamais.
- J'aimerais bien y aller et la retrouver, dit Isabelle. Que faisaient les sept fées ?
- Elles rendaient des services aux habitants, chacune à sa manière. La fée de l'eau veillait à la pureté des ruisseaux. On pouvait y boire sans risque. La fée de la terre couvrait les arbres des bons fruits que l'on trouve habituellement sur les arbres. Il suffisait de venir les cueillir.
- Quel dommage qu'on n'en trouve plus dans ces bois, dit la fillette.
- La fée du vent faisait chanter les oiseaux dans leurs nids et siffler les aiguilles des sapins. La fée du feu réchauffait les foyers et les cœurs. Elle créa aussi l'amitié, paraît-il. Sa plus belle invention.
- J'ai deux amis, confia Isabelle. Jay, dans ma classe de troisième maternelle et David, déjà en première année.
- La fée des fleurs, continua le grand frère, en faisait pousser partout, dans les champs, dans les bois, le long des routes et même dans les fossés. La fée des pierres possédait un étrange pouvoir. Elle changeait certains cailloux des chemins en pierres brillantes, comme des diamants. Enfin, la fée de la nuit créait des rêves de bonheur dans la tête de tous les enfants.
- Je demanderai à papa et maman de me conduire à ce château. Et moi, je chercherai la clé et la cachette où se trouve la roche où elles se sont enfermées. Et je les en ferai sortir...
- Bonne nuit, petite sœur, dit Bertrand en éteignant la lumière et en refermant la porte de la chambre.
Isabelle s'endormit.
Le dimanche suivant, notre amie se rendit au château des fées avec papa, maman, Bertrand, Benoît, son frère de treize ans et Benjamin, celui de sept ans et demi. Elle était bien décidée à trouver la mystérieuse clé qui donne accès à la roche où les sept fées s'enfermèrent autrefois pour échapper au terrible dragon.
Il ne restait pas grand-chose de ces glorieux bâtiments aujourd'hui en ruines.
Sur un éperon rocheux, longé par un ruisseau boueux se dressaient quelques hauts murs de pierres plates tantôt grises, tantôt bleues. Une tour tenait encore, à peu près intacte. On pouvait y monter.
Deux caves froides et vides demeuraient accessibles. Il fallait oser y descendre par un escalier glissant, envahi de toiles d'araignées. Ces caves ne disposaient d'aucune fenêtre et la lumière du jour n'y entrait guère.
Des plantes à picots poussaient un peu partout, rendant la visite de ces lieux parfois bien difficile.
Pas question de grimper sur les murs qui surplombaient la vallée en un à-pic fort dangereux. On risquait de glisser ou de perdre l'équilibre et de tomber dans des fossés remplis de boue malodorante.
Isabelle courut partout, observant les murs, le sol, les fossés. Elle cherchait la fameuse clé.
Hélas, elle ne la vit pas.
Les heures passaient et arriva le moment de repartir.
Un peu déçue, notre amie se retourna une dernière fois en quittant les lieux.
Elle aperçut alors une étrange pierre enfoncée dans les entassements de moellons bruns du grand mur d'enceinte. Cette pierre ressemblait à une mini grotte, pas plus grande qu'un poing fermé. On aurait dit la bouche grande ouverte d'un poisson. L'intérieur de cette pierre brillait à la lumière du soleil.
Pourtant, tantôt, Isabelle était passée plusieurs fois à cet endroit et ne l'avait pas remarquée. Elle semblait alors tournée dans l'autre sens ou fermée.
- La clé ! lança la fillette.
Elle revint sur ses pas, appelant ses parents qui s'éloignaient. Elle osa glisser deux doigts dans cette étroite ouverture. Elle en sortit un magnifique cristal de roche.
- J'ai trouvé la clé ! dit-elle avec un grand sourire. Papa, maman, j'ai trouvé la clé et la précieuse roche où les fées se sont cachées.
Mais comment réveiller les sept fées ? Comment les aider à sortir de ce cristal de roche ?
Isabelle s'approcha du ruisseau qui longeait les murs du château. Elle y trempa le cristal pour le débarrasser des poussières et d'une toile d'araignée qui s'y était collée.
Le cristal s'illumina et notre amie crut voir une étincelle sortir de la pierre.
La fée de l'eau !
Aussitôt, la boue disparut dans le lit du ruisseau et son eau devint cristalline.
Notre amie se mit à quatre pattes et en but, imitée un instant plus tard par ses frères puis par les parents. Tous la trouvèrent délicieuse.
Isabelle songea alors à la fée de la terre.
La fillette enfonça le cristal de roche dans la boue, qui est de la terre mélangée à de l'eau, dans une flaque traînant au soleil au pied du mur d'enceinte. Une nouvelle étincelle brilla !
La fée de la terre !
Une minute plus tard, des fruits délicieux poussèrent sur les arbres d'un verger proche. Des cerises, des pommes, et bien d'autres.
Isabelle songea à libérer la fée du vent. Elle imagina de souffler sur le cristal de roche. Elle appela ses frères pour l'aider. Ils soufflèrent en chœur. Une troisième étincelle éclata.
La fée du vent !
Aussitôt, tous entendirent le vent siffler dans les aiguilles des sapins. Des chants d'oiseaux retentirent dans les nids. Un concert ravissant, qu'ils écoutèrent en souriant.
Benoît sortit une petite loupe de sa poche. Il l'approcha du cristal de roche.
Le verre convexe d'une loupe concentre les rayons du soleil en-dessous d'elle, en un point lumineux qui peut chauffer fort l'endroit précis où il se pose.
Le jeune homme dirigea le point lumineux vers le centre du cristal. Une nouvelle étincelle apparut.
La fée du feu !
Une brise tiède souffla. Parents et enfants se regardèrent. L'amour qui les liait se renforça. Papa prit la main de maman et l'embrassa. Les frères firent un joyeux clin d'œil à leur petite sœur.
Isabelle courut dans un pré proche où poussaient des pâquerettes et des boutons d'or. Elle y fit rouler le cristal de roche. Une nouvelle étincelle brilla un instant.
La fée des fleurs se réveillait.
Des milliers de fleurs apparurent peu à peu et couvrirent les vieux murs du château des fées de fontaines aux couleurs ravissantes.
Plus loin, près de l'ancienne voûte à moitié écroulée, se trouvait une longue pierre en ardoise bleue, très inclinée.
Notre amie eut l'idée d'y poser le cristal, comme sur un toboggan. Il roula. Une étincelle éclata.
La fée des pierres !
La fillette remarqua que certaines roches grises et ternes tantôt en arrivant au château, brillaient à présent, comme recouvertes d'un tapis de petits diamants.
Il restait la fée de la nuit.
Mais comment la réveiller? L'ombre des grands arbres ne suffisait pas. La noirceur de la cave la plus sombre non plus.
Et il était temps de repartir.
Sitôt arrivée à la maison, Isabelle posa le cristal de roche sur le bord de la fenêtre de sa chambre.
Elle quitta sa salopette et enfila sa robe de nuit blanche à petites fleurs bleues après la douche et le repas du soir.
Au moment où elle allait se coucher, la lune apparut dans le ciel étoilé. Sa douce lumière éclaira le cristal de roche d'un beau rayon bleu. Une dernière étincelle lança son éclat puis disparut.
La fée de la nuit venait de s'éveiller et filait rejoindre les autres dans les ruines du château. Elle ressemblait à une luciole.
Cette nuit-là, Isabelle rêva de lumières, de châteaux et de fées merveilleuses.
Elle s'éveilla au matin, éblouie de bonheur.