Christine

Christine

N°61

Les petits voleurs.

Deux heures du matin. Personne dans la rue à cette heure de la nuit.

Toutes les lumières des maisons étaient éteintes. Seuls les réverbères éclairaient les trottoirs.

Une voiture passait lentement dans l'avenue bordée de jolies villas. L'homme, un voleur, conduisait doucement en regardant à gauche et à droite avec soin. 

Il se gara sous un arbre et éteignit ses phares. Il ouvrit la portière et sortit de son véhicule. Il traversa la rue et s'approcha d'une maison qu'il venait de repérer.

Il marcha jusqu'à la porte d'entrée et tenta de l'ouvrir en crochetant la serrure. Une alarme retentit.

Un instant plus tard, des lumières apparurent et un homme et son épouse parurent sur le seuil.

Le bandit courut vers sa voiture et saisissant une arme, un révolver qu'il tenait dans sa poche, tira en se retournant un instant. 

La balle frôla la dame et s'écrasa contre le mur. La douille tomba sur le sol. Le voleur entra dans sa voiture et démarra en trombe. 

Un écureuil courut près de la douille. Il la prit entre ses pattes et remonta dans son arbre.

La police, appelée par des voisins, arriva sans tarder. 

La blessure de la dame était sans gravité. Une petite égratignure. Elle l'avait échappé belle.

Hélas, l'homme s'étant tourné aussitôt vers son épouse pour la protéger n'avait aucune idée de la marque de la voiture ou de sa plaque d'immatriculation.

Les policiers réussirent à extraire la balle du mur où elle s'était encastrée. Elle était malheureusement inutilisable, complètement écrasée. 

La douille par contre pouvait apporter des renseignements précieux sur le voleur. Des traces de doigts, qu'on appelle les empreintes digitales, par exemple. Hélas elle était introuvable.

Une dame âgée, qui habitait juste en face, éveillée par le bruit du coup de feu, sortit de sa maison et expliqua aux policiers qu'elle avait vu un écureuil s'emparer de la douille et se sauver dans son arbre.

Mais comment le retrouver ?

Un jeune policier se tourna vers son chef et lui expliqua qu'il habitait un village à l'entrée d'une grande forêt.

- Une jeune fille appelée Christine, vit là-bas avec ses parents et si ma mémoire est bonne, elle connaît le langage des animaux.

- Mais oui, répondit l'officier. Elle nous a déjà donné un précieux coup de main, autrefois, au cours d'une enquête et son aide fut vraiment utile et efficace. Allons la chercher demain midi. (Découvre ou relis : le chat. Christine n° 57 sur le site.) 

 

Notre amie jouait sur sa balançoire. Elle avait étudié avec maman toute la matinée. 

Je te rappelle que notre amie ne va pas à l'école. Elle habite au coeur d'une grande forêt et le village est trop loin. Le chemin qui y mène est mal entretenu et souvent boueux. Elle étudie à la maison avec son père ou sa mère.

Tiens, se dit-elle. Une voiture de police. Même eux viennent peut-être acheter des bûches à mes parents. Bonne nouvelle.

Deux officiers sortirent du véhicule et s'approchèrent de la jeune fille.

- Bonjour ! Tu t'appelles Christine ?

- Oui, répondit-elle.

- Tes parents sont là ?

- Suivez-moi, dit-elle. Mon père vient de revenir.

Ils entrèrent.

Ils expliquèrent aux parents de notre amie qu'un voleur, recherché depuis des semaines, avait tenté de voler dans une maison la nuit précédente. Surpris par les occupants, il s'était sauvé, en voiture. Mais il avait tiré un coup de feu et blessé légèrement une dame. La balle extraite du mur s'avérait inutilisable, et la douille qui peut-être présentait des empreintes digitales de ce voleur, avait disparu, emportée par un écureuil. Le seul espoir d'arrêter ce bandit puis de le conduire en prison reposait sur Christine qui pourrait peut-être retrouver cet animal, petit voleur de la douille.

Notre amie accepta aussitôt.

Tu te souviens qu'elle a appris autrefois le langage de certains animaux, les quatre pattes, les oiseaux et les serpents.

Avec l'accord de ses parents, elle se précipita hors de la maison et s'approcha d'un écureuil qui l'observait du haut de son arbre. Christine l'interrogea.

Connaissait-il le petit voleur ?

Il répondit qu'il n'en savait rien et que des centaines d'écureuils habitaient cette forêt. Il conseilla à notre jeune fille de se rendre au village où sans doute, elle trouverait celui qu'elle recherchait.

Elle partit en compagnie des policiers, avec l'accord de ses parents. Elle était fière de les aider, une fois encore.

 

Observant un écureuil qui courait sur le toit de la maison où le bandit avait tenté d'entrer, elle l'appela et lui parla dans son langage.

- J'ai vu celui qui a ramassé la douille, dit-il. Je le connais. Un petit voleur, celui-là. Il cache son nid dans un grand arbre penché, au bord de la rivière.

Notre amie annonça qu'elle allait s'y rendre.

Les policiers lui confièrent une paire de gants et un sac en plastique. Il fallait qu'elle évite de toucher la douille avec ses doigts si elle avait la chance de la retrouver, afin de ne pas effacer ou abîmer les empreintes du bandit.

Christine partit aussitôt, seule vers cette rivière.

Aucun chemin ou sentier ne la longeait. Notre amie fut obligée d'y patauger, remontant le courant, vers l'endroit décrit. Elle y parvint après deux heures de marche pénible dans l'eau et parfois la vase ou la boue.

Elle atteignit enfin l'arbre penché. Elle appela trois fois l'écureuil.

L'animal avoua avoir ramassé et emporté la douille qu'il trouvait jolie, pour garnir son nid. Mais il ne l'avait plus.

Une pie était venue la voler pendant qu'il cherchait des noisettes, pourtant pas bien loin de là. Il n'osait pas aller la reprendre. Une vilaine petite voleuse, ajouta-t-il.

- Où vit elle ? demanda Christine.

- Assez loin, en amont de la rivière, expliqua l'écureuil. Sur l'île de l'arbre mort.

Et notre amie repartit, pataugeant dans l'eau.

 

Elle atteignit l'île de l'arbre mort après une nouvelle heure bien pénible. Parfois le courant était fort et à certains endroits le lit du cours d'eau s'encombrait de hauts rochers et de petites cascades parfois difficiles à franchir. 

Elle parvint près de l'arbre mort, trempée de la tête aux pieds. Mais ce n'est pas ça qui gênait notre intrépide aventurière.

Elle repéra assez facilement le nid et appela la pie.

L'oiseau lui expliqua qu'elle ne possédait plus la douille. Ce bel objet brillant au soleil avait suscité la jalousie de deux autres pies qui étaient venues l'attaquer pour s'en emparer. Elle s'était alors enfuie, emmenant la douille avec elle vers l'endroit où la rivière passe, encaissée entre des hautes falaises. Et là, elle avait perdu la douille. Elle était tombée dans une anfractuosité.

- Pourquoi ne l'as-tu pas reprise ? demanda notre amie.

- Parce qu'un nid de serpents se trouve à cet endroit, là, tout au fond. Impossible d'y descendre d'ailleurs. Mais, poursuivit la pie, si tu n'as pas peur, tu peux l'atteindre assez facilement en suivant une grotte, une sorte de tunnel qui y mène.

Christine, courageuse, s'y rendit aussitôt. 

Mais une mauvaise surprise l'attendait. Le passage apparut étroit, sombre et boueux. Mais surtout, le plafond était bas. Notre amie dut se mettre à quatre pattes pour s'y glisser. Et le plafond baissait au fur et à mesure de sa progression, l'obligeant très vite à ramper à plat ventre dans une boue infecte.

Vers la fin du tunnel, près du nid de serpents, elle fut obligée de gratter la terre pour réussir à passer. Toujours en craignant de se retrouver nez à nez avec l'un d'entre eux, peut-être venimeux.

Elle se redressa au fond du gouffre. Elle dégoulinait de boue de la tête aux pieds. 

 

Un grand serpent jaune s'approcha.

- Que viens-tu faire ici ?

- Je cherche une douille qui est tombée dans votre nid, lorsqu'une pie poursuivie par deux autres l'a perdue. C'est important pour mettre un dangereux voleur en prison. Tu veux bien me l'apporter ?

- Je suis le prince des serpents de cet endroit. Je veux bien t'aider. Mais moi aussi j'ai un problème. Donne-moi un coup de main pour le résoudre et je te remets la douille.

- Bon, dit Christine. Je t'écoute.

- Un de mes amis s'est tué en tombant d'un rocher qu'il tentait d'escalader. Sa compagne se retrouve seule avec sept oeufs. Elle ne peut pas les couver tous. Je dois les répartir selon notre loi. La moitié d'entre eux restera chez elle. Un quart d'entre eux sera attribué à son frère et un huitième à son ami. Comment faire ? On ne peut pas les couper, ils contiennent les bébés serpents.

Notre amie réfléchit un moment. Elle ne trouvait pas la solution. Sept ne se divise ni par deux, ni par quatre, ni par huit.

Toi qui découvres ce récit, as-tu une idée ?

 

Soudain Christine répondit en souriant.

- Voilà, dit-elle. Je viens avec un oeuf bleu en pierre. Un faux. Je l'ajoute aux autres. Ils sont donc huit maintenant. La moitié, quatre, restent avec la compagne du serpent mort. Le quart, deux, vont chez le frère. Et le huitième, un, va chez l'ami. Je reprends l'oeuf bleu que j'avais apporté. Quatre plus deux plus un, ça fait sept.

- Bravo et merci pour ton aide, fit le prince. Je t'apporte la douille.

Notre amie mit les gants confiés par les policiers et la glissa dans le sac en plastique. Elle le referma soigneusement, remercia encore le prince serpent, puis repartit par le tunnel. Elle dut à nouveau ramper dans la vase.

Elle se redressa à la sortie et se plongea dans la rivière pour se débarrasser d'une partie de la boue qui la couvrait de la tête aux pieds.

Puis elle revint à la maison où les policiers l'attendaient avec ses parents.

Elle leur remit le sachet contenant la douille. Les deux hommes la félicitèrent chaleureusement. Papa et maman aussi.

 

Grâce à elle et à son courage, la police scientifique put découvrir le nom du voleur. Une équipe de policiers partit le chercher pour le conduire en prison.

Christine, fière et heureuse, prit une douche bien méritée ce soir-là, puis se prépara dès le lendemain pour de nouvelles aventures.