N°10
-Papa, maman, quand on ira à la mer en vacances cet été, je pourrai inviter mon ami François?
Papa regarda maman, maman regarda papa.
-Béatrice, répondit papa, à sept ans, tu es une grande fille, tu peux comprendre. Aller à la mer un mois, comme l'an passé, ça coûte fort cher. Cette année, nous avons accueilli Nicolas, ton petit frère. Nous ne partirons pas en vacances. Tu joueras au jardin. Et tu inviteras François, de temps en temps, si tu veux.
-Bon, soupira la fillette.
Elle n'insista pas.
Pendant ce temps-là, chez François, toute la famille se tenait à table pour le repas du soir, également.
-Papa, maman, je sais ce que je voudrais pour mon anniversaire.
-Bonne nouvelle, on t'écoute.
-J'aimerais recevoir la nouvelle console de jeux vidéo dont j'ai entendu parler par mes copains, et quelques jeux qui vont dessus.
Les parents se regardèrent.
-Ècoute mon grand, dit papa, à sept ans tu peux comprendre. Ce que tu demandes coûte vraiment trop cher. Tes deux petites sœurs, Olivia, qui a cinq ans et demi et Amandine, qui a trois et demi, devront aussi recevoir à leur tour un gros cadeau comme toi, en ce cas. Ce qu'on fait pour l'un, on le fait pour l'autre. Nous ne pouvons pas t'offrir ce que tu demandes pour ton anniversaire. Il faudra que tu choisisses autre chose, mon chéri.
-Compris, murmura François. Je trouverai une autre idée.
Il n'insista pas.
Le lendemain, les deux amis se retrouvèrent, comme chaque matin, sur le chemin de l'école. Ils en parlèrent.
-Je ne pourrai pas t'inviter à la mer, cet été. On n'y va pas.
-Et moi je ne recevrai pas la nouvelle console de jeux.
-Dommage qu'on ne puisse pas prononcer un vœu, soupira Béatrice.
-Oh oui, dit François. Rêvons...On devrait tenter de rencontrer une fée…
-J'ai un jour lu dans un vieux livre qui traînait dans le grenier de ma grand-mère que certains tilleuls ou certains chênes presque millénaires sont creux. Leurs troncs sont creusés par l'âge ou par la foudre. Si on en trouve un et qu'on réussit à y entrer, on peut certains jours ou certaines nuits, y prononcer un vœu. Hélas, je ne connais aucun arbre aussi vieux.
-Moi si, s'écria le garçon.
-Comment ça? demanda son amie.
-L'autre jour je me promenais dans la forêt avec papa et mes petites sœurs. On est passés près d'un grand chêne. Mon père a dit qu'il vivait peut-être depuis mille ans. Il était creux, à cause de la foudre sans doute.
-On pourrait y aller. Tu te souviens où se situe ce chêne?
-Pas tellement loin de chez nous. On peut s'y rendre à pied depuis ta maison. Allons voir s'il cache un accès aux vœux.
-Bonne idée, fit Béatrice. Cet après-midi, peut-être.
-Oh oui, se réjouit François. D'accord.
Les deux amis partirent pour la forêt en début d'après-midi. Normalement, ils ne peuvent pas se promener seuls dans les bois, les parents le leur interdisent. Mais François affirma qu'à deux, ils ne sont pas tout seuls et que, donc, ils pouvaient y aller, sans désobéir.
-Je ne sais pas si avec toi, ça compte, songea la fillette. Mais allons-y.
Après avoir traversé le parc et un petit sous-bois, ils passèrent sous un vaste carré de sapins. Il y faisait plus sombre. Les deux amis avancèrent en silence.
Après deux ou trois cents mètres, ils arrivèrent à la lisière d'une vaste clairière d'herbe haute.
Ils aperçurent le fameux chêne dont François venait de parler. L'arbre énorme, monumental, situé au milieu de la clairière, était si large, qu'en se donnant la main à trois ou quatre, on n'aurait pas pu en faire le tour. Son tronc, fendu de haut en bas, était creux. Ils réussirent à se glisser tous les deux à l'intérieur de l'arbre. Ils ne virent ni coffre ni baguette magique.
-Maintenant, on fait quoi? demanda François.
-On prononce nos vœux, répondit Béatrice.
À ce moment-là, ils entendirent une bourrasque secouer les branches du vieux chêne. Un coup de vent, venu de nulle part, comme une présence soudaine, orageuse. Ils virent un tourbillon de poussière se lever et s'approcher de leur arbre.
Les deux enfants se donnaient la main, pas trop rassurés, au milieu de cet étrange phénomène. Les branches grincèrent et le bruit qu'elles faisaient ressemblait curieusement à une voix.
-"Pour les vœux… revenez à minuit..."
-Tu entends?
-Oui, j'entends, répondit François.
Ils quittèrent le chêne le cœur serré par la peur. Ils en firent le tour. Le vent, calmé, disparut soudain, comme il était venu. Une légère brise faisait danser les feuilles sous le soleil et les oiseaux chantaient. Ils retournèrent à la maison.
-Qu'en penses-tu? demanda Béatrice à son copain.
-Tentons notre chance. Revenons à minuit ! L'arbre se trouve à peine à une demi-heure de nos maisons. On partira un peu avant onze heures et demie de chez nous, on arrivera bien à temps.
-Oui, d'accord. Ce ne sera pas facile et ça fera peur. Mais ça vaut la peine. Je te donne rendez-vous sur le muret, devant mon jardin.
-Oui, juste devant chez toi. Je t'y attendrai, promit François. J'arriverai à onze heures et quart. On a peut-être une chance.
Ils s'embrassèrent comme deux amis et se séparèrent.
Vers onze heures du soir, Béatrice, qui ne dormait bien sûr pas, se leva sans bruit. Elle ôta son pyjama et revêtit les habits préparés sur sa chaise. Ses baskets, son jean, son t-shirt, sa veste. Elle s'habilla rapidement. Elle sortit doucement de sa chambre et suivit le couloir obscur. Il ne fallait surtout pas réveiller bébé Nicolas, son petit frère.
Les parents se trouvaient encore au salon. Décidément, ce soir, ils veillaient tard. Tant pis. Béatrice descendit les marches en silence et dans l'obscurité.
Elle arrivait au milieu de l'escalier lorsque, soudain, la porte du salon s'ouvrit. Papa traversa le hall d'entrée sans voir que sa fille s'y trouvait. Il se dirigea vers la cuisine et ouvrit le frigo.
-Tu veux aussi quelque chose à boire, ma chérie?
"Non merci", entendit Béatrice.
Papa revint, retraversa le hall, referma la porte du salon. Il n'avait rien vu. Ouf! Notre amie, qui transpirait des gouttes et dont le cœur battait la chamade, descendit les dernières marches. Elle ouvrit la porte d'entrée et prit la clé. Elle referma doucement derrière elle et glissa la clé dans la poche arrière de son jean. Elle fit trois pas jusque sur le trottoir et aperçut son copain.
François arrivait justement. Ils s'éloignèrent dans la rue éclairée par les réverbères. Ils traversèrent le petit parc fort sombre. Ils s'aperçurent qu'ils n'avaient pas emporté de lampe de poche avec eux.
-Trop tard, on ne revient pas en arrière, murmura le garçon.
Traverser le carré de grands sapins fut une autre affaire. Ils sursautaient à chaque hululement de hibou, à chaque cri de renard. Chaque branche qui craquait sous leurs pas semblait un monstre en colère ou un mort-vivant décidé à les emmener sous terre pour les dévorer.
Ils arrivèrent à minuit moins cinq dans la clairière du grand chêne. La lune, qui venait de se lever, éclairait le tronc d'une lumière argentée.
L'arbre paraissait sinistre. Ses hautes branches noires et tendues vers le ciel sombre semblaient un géant dressé soudain pour les épouvanter. Le tout baignait dans la lumière fantomatique de la nuit.
Ils entrèrent dans le tronc du chêne.
Au premier coup de minuit, un coffre apparut et s'entrouvrit aussitôt. Ils levèrent le couvercle. C'était rempli de petites perles fines d'un blanc laiteux.
Au même moment, tandis que l'horloge de l'église égrenait ses douze coups, ils entendirent grincer les branches de l'arbre dans le silence de la nuit.
-"Pour un vœu, il faut prendre deux perles. Une pour le vœu et l'autre pour la conséquence".
-C'est quoi, la conséquence? interrogea Béatrice.
-"Tu verras bien", répondit la voix.
Ils prirent chacun deux perles et, au douzième coup de minuit, le coffre se referma et disparut.
Ils retournèrent le plus rapidement possible chez eux et, arrivés devant la maison de Béatrice, les deux enfants s'embrassèrent.
-À demain.
-Oui, à demain.
Puis ils se séparèrent.
Béatrice ouvrit la porte et entra. Les parents étaient montés se coucher. La fillette alla au bureau de sa mère et posa les deux perles sur sa table.
-Voilà! Je voudrais qu'on aille à la mer au mois d'août prochain, ou bien au mois de juillet. Et je veux inviter François tout le temps.
Puis elle monta à sa chambre, remit son pyjama et se coucha.
François revint chez lui. Il se rendit directement à sa chambre. Il posa les deux perles sur son coffre à jouets et murmura :
-Je veux recevoir la dernière console de jeux à la mode, et dix, non, tous les jeux qui l'accompagnent.
Puis, il se coucha à son tour.
Le lendemain matin, rien ne s'était passé! Les perles se trouvaient toujours sur le coffre à jouets de François.
Béatrice aperçut les siennes sur le buvard du bureau de son père.
Ils se retrouvèrent à l'école.
Le seul à rester dans la maison pendant la journée, chez François, c'est Oasis, le chien. De temps en temps, il se lève et fait son petit tour d'inspection. Vers midi, il entra dans la chambre du garçon et passa près du coffre à jouets. ll ne restait qu'une seule perle. II la renifla, ouvrit la bouche, tendit la langue et l'avala.
Pendant ce temps-là, la maman de Béatrice, qui reste à la maison car elle crée des sites Internet à temps partiel et s’occupe de bébé Nicolas, entra dans son bureau.
-Tiens, une perle, dit-elle étonnée.
Elle la prit en main et la fit rouler dans le creux de sa paume gauche. La perle fondit. Le liquide pénétra à travers la peau et disparut.
Au soir, François revint à la maison. Sa maman l'attendait de pied ferme.
-Viens, mon petit cachottier, dit-elle en souriant.
-Comment ça? Je suis un petit cachottier?
-Eh bien oui! Tu ne m'as pas dit que tu as participé à un concours.
-Quel concours, maman?
-Un concours organisé par le grand magasin de jouets de la ville. Tu as gagné le premier prix : une console dernier modèle et vingt jeux. Bravo!
-Génial, se réjouit notre ami. Quel bonheur! Ça marche.
-Viens, on va chercher le prix, ils t'attendent.
Maman embarqua les petites sœurs, Olivia et Amandine, avec notre ami dans la voiture. Ils allèrent en ville. Là, François reçut ses jeux et fut longuement félicité et photographié.
De retour à la maison, le garçon remarqua que son chien gémissait dans son panier. Il avait vomi dans la cuisine. II le prit dans ses bras et le caressa, en se demandant si cette soudaine maladie n'était pas la conséquence...
Pendant ce temps-là, chez Béatrice, au repas du soir, papa annonça une bonne nouvelle. Il expliqua que son directeur l'avait convoqué dans l'après-midi, et félicité pour son travail depuis dix ans dans la firme. Il lui avait donné une augmentation et un beau chèque.
-Alors, promit papa, cet été, au mois d'août, nous irons en vacances à la mer, et tu pourras, Béatrice, inviter ton copain François quand tu voudras.
-Hourrah, cria la fillette. Ça marche. Je peux l'annoncer à François?
Elle fila téléphoner à son copain, qui lui donna à son tour sa bonne nouvelle. Il avait reçu le jeu dont il rêvait.
-Et la conséquence? demanda François.
-Quelle conséquence? s'étonna Béatrice.
-Mais tu sais bien, la deuxième perle.
-Ah, oui, se souvint notre amie. Je n'y pensais plus.
-Mon chien est malade. J'espère que ce n'est pas à cause de ça.
-J'espère aussi.
-Et chez toi?
-Chez moi, répondit Béatrice, il ne se passe rien de spécial. On verra bien.
Le lendemain, maman éveilla sa fille très tôt. Il faisait encore noir.
-Béatrice?
-Oui, maman.
-Habille-toi vite ma grande. Je voudrais que tu m'aides avant de partir à l'école. J'aimerais que tu t'occupes de Nicolas. Tu vas lui donner son bain. Papa est déjà parti au travail.
-Oui, maman. Que se passe-t-il?
-Regarde ma main.
La main gauche de sa mère gonflait et prenait une étrange couleur, rouge-bleu. Elle ne pouvait plus la bouger et cela picotait beaucoup.
-Mon dieu, s'effraya Béatrice. Que t'arrive-t-il ?
-Je ne sais pas, fit maman. Je ne sais pas du tout. Ce soir, si ça ne va pas mieux, on ira chez le docteur. J'attendrai que tu reviennes pour que tu restes près de Nicolas.
Quand François revint de l'école à quatre heures, son chien allait très mal. Il avait encore vomi. Il haletait, couché sur le tapis du salon. Ses poils, tout mouillés, tombaient par touffes. Ses yeux luisaient. Sa truffe était chaude. Il était très malade.
François, Olivia et Amandine se rendirent chez le vétérinaire, avec leur maman.
-Votre chien présente les signes d'un empoisonnement grave. Je ne peux hélas rien faire pour lui. Je suis désolé. Il va mourir demain.
Immédiatement, notre ami pensa à la deuxième perle, celle de la conséquence. En revenant à la maison, il prit son chien dans les bras.
-Je ne veux pas que tu meures, Oasis, dit-il les larmes aux yeux. Tant pis pour la console. Je préfère garder mon chien, mon meilleur ami.
Il demanda la permission de téléphoner à Béatrice.
Pendant ce temps-là, notre amie, de retour chez elle, observa la main gonflée et rouge de sa maman. Et ça faisait mal.
-Viens, Béatrice. On va se rendre à l'hôpital en voiture. Je pourrai conduire, mais toi tu t'occuperas de Nicolas.
La grande sœur prit le petit frère dans les bras, l'installa dans son fauteuil d'auto, et s'assit près de lui sur la banquette arrière. Ils roulèrent jusqu'à l'hôpital. Notre amie, le cœur serré, n'osait rien dire. Elle pensait à la conséquence.
À l'hôpital, une chirurgienne regarda la main de maman.
-Madame, je n'ai jamais vu une enflure pareille. Le gonflement s'étend vers le coude et l'épaule. Cela pourrait aller vers le cœur. Je crois qu'il faut qu'on vous ampute le bras. Vous avez dû toucher quelque chose qui contenait un poison violent.
Maman s'effraya et répondit qu'elle allait réfléchir et revenir le lendemain. Ils retournèrent à la maison.
Béatrice n'osait toujours rien dire. Elle pensait à la conséquence, la terrible conséquence de son vœu. Sa mère allait perdre sa main et son bras. Elle ne voulait plus, en ce cas, aller en vacances à la mer au mois d'août. Elle resterait à jouer au jardin avec son petit frère et François.
Juste à ce moment-là, le téléphone sonna. Elle décrocha. Elle reconnut la voix son copain.
-Mon chien va mourir.
-Mon Dieu ! Et chez moi, ma maman a une main énorme. Il va falloir peut-être l'opérer et lui couper le bras. Ce doit être la conséquence.
-Oui, sûrement, soupira François. Qu'allons-nous faire?
-J'ai réfléchi, dit Béatrice. Ce soir, à onze heures et quart, on se retrouve devant chez moi. On retourne au chêne aux vœux. On reprend deux perles et on demande qu'ils soient guéris tous les deux.
-Il nous arrivera une autre conséquence.
-Oui, mais ça ne pourra pas être pire. Et on tâchera de l'éviter.
-D'accord, promit le garçon. À ce soir. Devant chez toi.
À onze heures quart du soir, les deux enfants se retrouvèrent devant la maison de Béatrice. Il emmenaient chacun une lampe de poche, cette fois-ci.
Ils s'éloignèrent de l'habitation et se dirigèrent vers le bois en courant. Ils arrivèrent au chêne alors que le premier coup de minuit sonnait au clocher de l'église. Ils passèrent dans le tronc.
Le vent tordait déjà les branches. Le tourbillon de poussière enveloppait déjà l'arbre. Le coffre aux perles était ouvert. Ils prirent chacun deux perles. Puis, Béatrice se tourna vers le haut du chêne d'où venait la voix et supplia :
-Grand chêne, que faut-il faire pour éviter la conséquence?
-"Pour ne pas subir la conséquence, grinça le chêne, il faut cacher une des deux perles à un endroit où jamais aucun être vivant ne viendra la prendre ou la toucher".
Le coffre se referma. Les douze coups de minuit avaient sonné. La tempête s'apaisa et le calme revint dans l'étrange clairière.
Ils retournèrent vers leurs maisons, s'arrêtèrent un instant devant la porte et se donnèrent un bisou, puis ils rentrèrent chacun chez soi.
Dès qu'il arriva dans sa chambre, François posa une des perles dans son plumier. Il redescendit au salon, après s'être mis en pyjama.
Il s'approcha de son chien, lui ouvrit la bouche, prit l'autre perle et la posa sur sa langue. Il referma la gueule de son chien, le forçant ainsi à avaler la seconde perle.
-Je fais le vœu que tu sois guéri. Tant pis si ma console de jeux disparaît.
Le garçon remonta se coucher.
Béatrice revint à sa maison et entra dans sa chambre. Elle aussi mit son pyjama. Elle glissa une des deux perles dans son plumier.
Puis elle entra sans bruit dans celle des parents. Maman dormait. Sa main, déjà verte et si gonflée, pendait hors du lit. Elle posa la perle sur la paume de sa mère. La perle fondit doucement et fillette murmura tout bas :
-Je veux que tu sois guérie, que ta main ne porte plus aucune trace de maladie. Tant pis si on ne va pas à la mer.
Et elle alla se coucher.
Le lendemain matin, quand Béatrice se réveilla, elle proposa son aide pour le bain du bébé, mais la main de maman était parfaitement guérie.
-Dire que les docteurs voulaient déjà me couper le bras. J'ai bien fait de ne pas accepter. Je m'occupe de Nicolas, ma chérie.
-Tant mieux, dit notre amie en souriant. Je suis bien contente que tout aille bien, maman.
François, au même instant, s'éveilla. Son chien sautait sur son lit. En grande forme. Il ne vit plus la console ni les jeux qui l'accompagnaient.
-Tant pis, murmura le garçon en caressant son chien. Je préfère ton amitié à tous mes jeux.
Les deux enfants se retrouvèrent à l'école. Ils souriaient, très soulagés de savoir que la conséquence première avait disparu.
Maintenant, que faire de la seconde perle? Au cours des jours qui suivirent, ils évoquèrent un bon nombre d'idées. La mettre dans le feu. Elle n'y brûla pas. La casser avec un marteau. Le marteau se brisa. Ils envisagèrent même d'aller à un chantier voisin, la couler dans du béton. Mais on ne les laissa pas entrer. La jeter à l'égout. Un rat pourrait la toucher. L'enfermer dans une boîte. Et si on l'ouvre un jour…
Tout à coup, Béatrice émit l'idée qui les sauva.
-II faut qu'on retourne au chêne au vœux, une troisième fois. Et à minuit, quand le coffre s'ouvrira, on y jettera la perle. Il se refermera, nous saurons que personne, jamais, n'y touchera. On mettra de la terre et des feuilles sur le coffre et plus personne ne le retrouvera.
Ainsi fut dit, ainsi fut fait.
Ce soir-là, pour la troisième fois, les deux enfants partirent pour le chêne aux vœux, chacun avec la perle restante. Au premier coup de minuit, ils arrivèrent sur place et le coffre s'ouvrit. Ils attendirent en comptant. Au onzième coup, ils jetèrent la perle dans le coffre. Il se referma d'un coup sec et disparut.
Ils entendirent une dernière fois, la grosse voix du chêne ou du vent dans les branches.
-"Ne revenez jamais plus rien demander ici. Le coffre restera bloqué sous terre pour toujours suite à votre geste. Cet arbre n'est plus un chêne aux vœux".
Les deux enfants retournèrent chez eux, impressionnés.
Le lendemain matin, Béatrice se trouvait à table avec ses parents.
-Je suppose que pour la mer, vous avez bien réfléchi, on n'y va pas?
-On te l'a dit, ma chérie, répondit papa. Cette année, nous ne partirons pas en vacances. Trop de frais avec l'arrivée de ton petit frère.
-Oui, je comprends, lança Béatrice en souriant. Ça ne fait rien. J'en ai parlé avec François. Pendant l'été, on jouera avec ses deux petites sœurs, Olivia et Amandine, et avec Nicolas. Il sera le papa et moi la maman. Ils seront nos poupées vivantes. On s'amusera bien. On sera très heureux.
-Tu es une bonne petite fille, approuvèrent les parents.
Ils ne connurent jamais le secret du chêne aux vœux...