N°42
Il pleuvait depuis le matin. Magali, quatre ans et demi, s'ennuyait un peu. Papa et maman étaient fort occupés par leur travail. Arnaud, son grand frère de huit ans jouait chez son amie Manon. Julien, le bébé, faisait la sieste.
Sans rien dire, elle monta, pieds nus, l'étroit escalier en bois qui mène au grenier. Chaque marche craquait sous ses pas, comme si elles n'étaient pas contentes. La vieille porte miaula en s'ouvrant comme un vieux chat que l'on dérange.
Magali alluma la lumière. Elle fit trois pas sous le toit. Elle vit de la poussière partout et certaines toiles d'araignées lui semblaient un peu menaçantes.
Notre amie s'arrêta devant une grande armoire et l'ouvrit. Des vieux vêtements pendaient, des habits de bonne-maman. Ils répandaient une drôle d'odeur. Elle referma l'armoire.
Au fond du grenier se trouvait une commode à trois tiroirs. Magali s'en approcha.
Elle ouvrit le tiroir du haut. Il contenait un chapeau tout sale. Elle fit glisser celui du milieu. Une araignée toute noire se sauva. Notre amie eut peur et referma vite.
Elle tira le tiroir du bas. Et là, elle découvrit un vieux jouet de son papa.
C'était un petit robot en fer luisant, avec une tête carrée, des longs bras et des jambes articulées. Il portait un sac et une grosse clé sur le dos. Elle le sortit du tiroir et le fit tourner entre ses mains.
Curieuse, notre amie saisit la clé et lui fit faire sept tours, puis le ressort se bloqua. Elle posa le petit robot sur le sol, et aussitôt il se mit à marcher en balançant les bras comme un petit soldat. Il disparut sous une armoire.
Magali dut se coucher à plat ventre dans la poussière et passer la main et le bras dans les toiles d'araignées pour aller le récupérer.
Amusée, elle fit de nouveau sept tours avec la clé. Cette fois-ci, le petit robot, toujours marchant au pas, fila derrière un coffre et tomba en avant en butant contre le manche d'une vieille brosse couchée au sol.
Reprenant à nouveau le jouet en mains, Magali porta son attention sur le sac à dos, fixé sous la grosse clé. Elle l'ouvrit. Il contenait une bague, une bague de petit enfant, avec un papillon incrusté de pierres brillantes. Elle la glissa à son doigt.
- Mais que fait une bague de petite fille dans le sac à dos d'un vieux jouet de papa? dit-elle en se redressant.
Justement notre amie entendit à ce moment la porte du garage qui s'ouvrait. Il revenait de son travail. Elle redescendit l'escalier après avoir éteint la lumière et refermé la porte du grenier. Elle allait lui demander.
- Papa!
- Oui, ma chérie.
- Regarde ce que j'ai trouvé au grenier.
- Mon petit robot!
- Pourquoi y a-t-il une bague de petite fille dans son sac à dos?
Magali montra la bague papillon à son père.
- Oh! La bague de Nina!
- C'est qui, Nina? demanda maman.
- Je vais vous raconter, dit papa.
- Quand j'avais ton âge, Magali, j'ai un jour demandé une poupée à mes parents. Ils se sont regardés, étonnés.
- Une poupée! pour un garçon! me dit mon père.
- Oui, j'aimerais bien, ai-je répondu.
- Mais les poupées, c'est pour les filles!
- Pourquoi seulement pour les filles? Les garçons aussi peuvent être doux, gentils et bercer leur poupée. Ils deviendront des papas, plus tard. Ils joueront d'autant mieux avec leurs bébés.
- Mes parents, continua le père de notre amie, décidèrent de m'offrir ce petit robot. Je l'ai aimé dès que je l'ai sorti de sa boîte. Je le faisais marcher au salon, dans ma chambre, sur le trottoir, enfin partout. Je vais te montrer, Magali.
Notre amie savait déjà comment on remonte le mécanisme avec la grosse clé, mais elle ne dit rien.
Son père la fit tourner sept fois, puis posa le jouet sur le tapis du salon. Le robot se mit en route et marcha en balançant les bras. Il disparut derrière le meuble de la télévision. Cela fit rire bébé Julien qui se tenait debout dans son parc et qui regardait.
- Un jour, reprit le papa en continuant son récit, j'ai montré mon petit robot à Nina. C'était ma meilleure amie à l'école, en maternelle.
- Il n'est pas beau, m'a dit ma copine. On dirait une vieille casserole.
"J'étais triste et déçu.
- Si tu veux jouer avec des jolies poupées, viens chez moi, m'a proposé Nina. On s'amusera bien. Tu seras le papa, je serai la maman et les poupées seront nos enfants. Ou bien tu seras l'instituteur, et moi la directrice de l'école, et les poupées seront nos élèves.
"Je suis allé souvent chez elle. On riait beaucoup ensemble.
"Puis un jour elle m'a annoncé qu'on ne se verrait plus. Elle avait les larmes aux yeux.
- Pourquoi? ai-je demandé.
- Parce que demain je pars pour l'Italie avec mes parents. On va habiter là-bas maintenant.
"J'étais triste, et Nina aussi. Elle m'a dit:
- Tiens, je te donne ma bague avec un papillon. Glisse-la à ton doigt. Comme ça, tu ne m'oublieras pas. Quand tu la regarderas, tu penseras à moi.
"Je l'ai laissée un temps à mon doigt, puis je l'ai rangée dans le sac à dos de mon robot. Voilà toute l'histoire, fit papa.
Magali glissa la bague papillon à son doigt, puis grimpa sur les genoux de son père. Elle saisit son visage à deux mains, le forçant à la regarder.
- Papa, dit-elle, tu peux venir jouer avec mes poupées quand tu veux. On s'amusera bien. Toi tu seras papa, moi je serai maman, et les poupées seront nos enfants!