Isabelle

Isabelle

N°48

Le lagon du Roi

    Pour bien profiter de cette belle histoire, découvre ou relis d'abord l'épisode précédent : Le prince de l'océan. Isabelle n° 47.

     Isabelle passait quelques jours de vacances au bord de la mer avec ses parents et ses frères.

Cet après-midi-là, assise sur le sable près des vagues au grand soleil, elle pensait à son ami le prince de la mer. Elle s'amusait avec sa pelle et son râteau, dessinant des chemins entre les coquillages déposés par la marée, lorsqu'elle s'entendit appeler par son nom.

- Isabelle! Isabelle!

Notre amie se mit debout et regarda autour d'elle. Personne. Papa, maman et les grands frères bronzaient ou jouaient au ballon plus loin.

- Isabelle! Isabelle!

Ça venait d'un joli coquillage juste au bord de l'eau. On les appelle des porcelaines ou des grains de café. Elle le porta à l'oreille, comme un téléphone. Parfois, quand on fait cela, on y entend le bruit des vagues de la mer.

 

- Allo?

- Bonjour Isabelle.

- Bonjour! Qui es-tu?

- Je suis le prince de l'océan. Tu te souviens de moi? Nous nous sommes rencontrés sur la plage. Tu es venue voir mon palais au fond de la mer.

- Je pensais justement à toi, répondit la fillette. Je me souviens aussi du méchant roi des poissons et de son terrible garde, le poisson-pierre.

- Oui, reprit le prince. Il est très méchant. Il m'a enfermé dans une prison.

- Pourquoi?

- Parce que tu es si gentille, tu m'offres parfois des fleurs et tu les poses sur le sable près des vagues. Il les as vues, car je les avais mises dans ma chambre. Il a crié :"Tu n'as pas besoin de fleurs qui poussent sur la terre. Tu as bien assez d'algues et d'anémones de mer au fond des océans. Et je t'ai dit de ne plus jouer avec elle."

- Il est méchant, dit notre amie.

- Viens me délivrer, s'il te plaît. Viens ouvrir la grille de ma prison.

- Tu es loin?

- Je suis au fond de l'île aux poissons. C'est très loin, mais je t'envoie mon ami le dauphin. Monte sur son dos. Il te conduira jusque chez moi. Emporte le coquillage-téléphone.

Levant les yeux, Isabelle aperçut un dauphin qui jouait dans les vagues. Elle entra dans l'eau, pieds nus, et monta sur son dos. Elle se tint à son aileron à deux mains et ils partirent sur la mer.

Le dauphin nageait, plongeait, bondissait hors de l'eau et replongeait sans cesse. Notre amie était toute mouillée. Heureusement, elle n'avait sur elle que son maillot que ses parents lui avaient dit de mettre pour jouer sur le sable et un vieux short usé par-dessus pour ne pas l'abîmer.

 

Ils arrivèrent en vue d'une plage de sable fin, bordée de palmiers.

Isabelle remercia le dauphin et marcha vers les arbres. Elle saisit le coquillage-téléphone qu'elle avait glissé dans la poche arrière de son short.

- Prince de l'océan?

- Oui.

- Je suis arrivée sur ton île. Où es-tu?

- Passe sous les palmiers, tu parviendras au bord d'un lagon. C'est un grand bassin d'eau, au milieu des terres.

- Je vois partout des crabes géants, dit la fillette. Ils me font peur.

- Ne crains rien. Ils ne bougeront pas. Ils dorment à cette heure-ci, promit le prince.

 

Isabelle se faufila entre les crabes et s'arrêta au bord d'un immense bassin d'eau bleue. Ce lagon ressemblait à une vaste piscine.

Elle reprit le coquillage-téléphone en main.

- Prince de l'océan?

- Oui.

- Je suis au bord des petites vagues.

- Entre dans l'eau et descends. Tu me verras tout au fond.

- Je ne peux pas respirer sous l'eau, moi. Je ne suis pas un poisson.

- Cueille une algue bleue. Mets-la en bouche et mâche-la doucement. Elle libérera de l'air et tu n'auras plus besoin de respirer.

Isabelle trouva une longue algue bleue. Elle la mit en bouche. Ça avait un drôle de goût salé. Puis la fillette entra dans l'eau.

- Où es-tu? dit-elle dans le coquillage.

- Je t'envoie mon autre meilleur ami. Un hippocampe. Il va te mener jusqu'à ma prison. Il est très gentil. Il vient souvent me tenir compagnie. Je joue avec lui.

Notre amie vit arriver un petit hippocampe jaune et rouge. Elle le suivit en marchant sur le sable au fond de la mer. Elle mâchait doucement son algue bleue pour ne pas devoir respirer.

Elle parvint en vue d'une prison. Ça ressemblait à une grande cage. Le prince de l'océan se trouvait derrière les barreaux.

 

- Tu es venue, Isabelle. Merci! Ouvre-moi vite la porte.

- Je n'ai pas la clé, dit notre amie.

- Il faut aller la chercher. Elle se trouve dans la chambre du roi des poissons.

- Il me fait peur.

- Courage. Vas-y. Mon hippocampe te montre le chemin. Tu ne seras pas toute seule.

 

La fillette suivit l'hippocampe, toujours en mâchant l'algue bleue qu'elle gardait en bouche. Elle arriva au pied d'un grand escalier.

Elle admira les poissons-lumière qui l'éclairaient comme en plein jour. Pourtant on était au fond de la mer, et à cet endroit, il fait normalement très noir. Des anémones de toutes les couleurs garnissaient les nombreuses marches que des méduses balayaient avec soin avec leurs longs filaments.

Une fois parvenue en haut de l'escalier, Isabelle entra dans la chambre du roi des poissons, en compagnie de l'hippocampe.

 

Le vilain roi dormait là.

Tu te souviens qu'il est effrayant avec ses gros yeux globuleux, et son sinistre garde encore plus.

Le roi dormait dans un grand coquillage de nacre. La clé de la prison du prince de l'océan était posée près de lui.

Mais où se trouvait le garde, le poisson-pierre? Prudente, Isabelle regarda partout, mais elle ne le vit pas.

Notre amie osa faire trois pas en avant malgré sa peur. N'écoutant que son courage, elle s'empara de la clé.

Le roi des poissons ouvrit les yeux.

- Sauve-toi, petite fille, dit l'hippocampe.

Le roi appela son terrible garde caché pas loin derrière un oursin géant.

- Que fais-tu là, hippocampe? dit-il.

- Je me promène, répondit le courageux petit.

- On ne se balade pas dans la chambre du roi, cria le méchant garde. Va-t'en.

 

Pendant ce temps-là, Isabelle redescendait le grand escalier garni d'anémones de mer. Notre amie se dépêchait en tenant la clé en main, mais en faisant attention de ne pas marcher sur une méduse-aspirateur.

Elle s'arrêta à la grille derrière laquelle était enfermé le prince de l'océan.

Elle glissa la clé dans la serrure, tourna, et ouvrit. Le garçon sortit.

 

Mais il fallait vite partir. Le méchant roi des poissons venait de s'apercevoir qu'on lui avait volé sa clé et il cherchait Isabelle et le prince avec son sinistre garde, le poisson-pierre.

Les deux enfants sortirent de l'eau du lagon. Notre amie put enfin retirer l'algue bleue de sa bouche. Elle n'en avait plus besoin.

- Merci petit hippocampe, dit la fillette. Tu m'as sauvé la vie chez le roi des poissons. Je ne t'oublierai jamais. Tu resteras mon ami pour toujours.

 

Les deux enfants passèrent sous le rang de palmiers pour aller rejoindre la plage où attendait le dauphin.

Sur un ordre du détestable roi, les crabes géants se mirent à courir derrière nos amis pour les empêcher de partir. Mais les crabes, tu le sais, perdent beaucoup de temps à courir de travers.

Isabelle et le prince entrèrent dans les vagues de la mer et s'assirent l'un derrière l'autre sur le dos du gentil dauphin.

Et les voilà partis. Les crabes les regardèrent s'éloigner, mais ils ne pouvaient plus rien faire.

 

Les deux enfants débarquèrent sur la plage où se trouvaient le papa, la maman et les trois frères d'Isabelle.

- Je ne te reverrai plus, dit la fillette à son ami le prince de l'océan.

- Je le regrette, murmura le garçon.

- Adieu, prince de la mer.

- Adieu, mon amie. Je ne t'oublierai jamais.

Un dernier geste de la main, puis ils se quittèrent.

Quand Isabelle se retourna, le prince avait déjà disparu dans les vagues.

Elle revint vers ses parents et ses frères en marchant sur le sable, au bord de l'eau. Le grand soleil brillait encore.

Elle avait des larmes aux yeux, car elle pensait à son ami disparu, emporté au fond de l'océan.