Les quatre amis

Les quatre amis

N°28

Un voyage de rêve (L'espion Partie 2)

(Découvrez la 1ère partie de la série L'espion ici)

     Jean-Claude et Christine revinrent à la maison, après l'école, à seize heures. Leur maman annonça qu'une lettre, qui leur était destinée, les attendait, posée dans la chambre de Jean-Claude, le grand frère. Les deux enfants se précipitèrent. En fait, la missive s'adressait aux quatre amis.

Je te rappelle que le copain de Jean-Claude, Philippe, est en sixième primaire comme lui. La meilleure amie de Christine s'appelle Véronique. Elles sont en cinquième dans la même école.

Aussitôt, le frère et la sœur téléphonèrent à leurs amis. Ils arrivèrent bien vite et tous se réunirent au salon.

Ils ouvrirent l'enveloppe et y trouvèrent deux cartes postales, quatre entrées pour un parc d'attractions voisin : « La Funa », et un petit papier où était noté un lieu de rendez-vous pour le dimanche suivant, à quinze heures.

L'une des cartes postales représentait une vue de Manhattan. La photo traditionnelle de New York, prise depuis la statue de la liberté. On y voyait la forêt de buildings. L'autre montrait le château de la Belle au Bois Dormant au centre du célèbre parc d'attractions de Walt Disney World, à Orlando, en Floride.

Une signature se trouvait au dos des deux cartes postales: E.C.

Nos amis reconnurent les initiales de cet homme fascinant, Ennio Calzone, le fameux agent double international, rencontré lors de leur aventure précédente. 


Nos quatre amis se débrouillèrent pour se trouver le dimanche suivant à ce fameux parc La Funa, situé non loin de chez eux. Vers quatorze heures trente, ils se dirigèrent vers l'attraction où l'on s'assied sur des barques à fond plat qui suivent un circuit sur l'eau. Ils entrèrent tôt dans la file d'attente afin de s'assurer d'être au rendez-vous à quinze heures juste.

On place d'habitude quatre fois quatre personnes en même temps sur chaque petit bateau flottant. Mais le préposé les laissa seuls, à l'avant, sur l'un d'eux, obéissant sans doute aux ordres de l'espion.

Ils entrèrent dans le tunnel sombre qui inaugure le trajet. Ils remarquèrent à ce moment que quelqu'un montait derrière eux. Ils se retournèrent et reconnurent Ennio Calzone.

- Ne craignez rien, les enfants. Regardez devant vous. Je vous explique la raison de ma convocation.

Le fameux agent double leur parla d'un document de la plus haute importance, preuve accablante prouvant l'achat d'armes de destruction massive, par un dictateur assoiffé de sang et de pouvoir, comme on en trouve hélas dans le monde. Alexeï Korbokov, l'ancien colonel du KGB, actuellement reconverti en chef du contre-espionnage d'un pays particulièrement menaçant et agressif, accompagné par son inséparable Vladimir, voulait intercepter ce dossier très compromettant pour ses supérieurs.

Ennio Calzone pensait que le meilleur moyen de passer ces précieuses informations vers les Etats-Unis, pays pour lequel il travaille souvent, serait de les confier à nos amis.

- J'ai crypté et divisé l'information en deux. Chaque moitié se trouve dissimulée dans une pile comme celles que vous utilisez dans vos jeux électroniques portables. Chacune de ces micro-batteries, prise séparément, est illisible sans sa jumelle, sauf pour moi.

L'espion leur proposa alors d'entreprendre un voyage...

- Vos vacances de l'Ascension approchent, précisa-t-il. Votre congé va du mercredi après-midi au dimanche. Le mercredi à 12 h 05, un taxi vous attendra à la sortie de votre école. Vous aurez préparé au matin un sac à dos contenant quelques habits et vos affaires pour le voyage, ainsi que des passeports en ordre pour entrer sur le territoire des Etats-Unis.

"Ce taxi vous conduira à l'aéroport. Là, vous prendrez l'avion de 14 h 30 pour New York. Vous atterrirez à J.F.K. à 16 h 30, heure locale. Comptez six heures de décalage. Là, vous disposerez de deux heures trente pour passer l'immigration et changer d'avion.

"À 19 h 00 vous prendrez le vol vers Orlando, où vous atterrirez à 22 h 00, heure locale, c'est-à-dire quatre heures du matin, ici, chez nous. Une limousine vous attendra et vous conduira à l'hôtel cinq étoiles où vos chambres réservées vous attendent.

"Le lendemain, je vous donne rendez-vous dans le Magic Kingdom, à 15 h 00 précises dans la maison hantée. Vous me restituerez les deux micro-batteries.

"Avant de partir, je vous ferai remettre deux consoles de jeux, dont les piles contiendront les précieux documents. On vous confiera, en même temps, un petit objet en métal ressemblant à une pièce de monnaie, mais scié en deux. Il faudra le cacher soigneusement sur vous. Vous montrerez cette demi-pièce au moment de vous asseoir sur les chariots qui suivent le circuit de la maison hantée. Un préposé vous présentera l'autre demi-pièce. Il vous placera tous les quatre dans le même chariot.

"Pendant le trajet dans la maison hantée, je provoquerai un arrêt des wagonnets pendant environ une minute. Je viendrai à ce moment vers vous afin de récupérer les deux documents.

"Pour le reste de votre voyage vous profiterez de vacances sans histoires. Vous disposerez d'un bracelet V.I.P. qui vous donnera l'occasion de faire toutes les activités que vous souhaitez, gratuitement, et sans faire la file.

"Le samedi matin, vous vous envolerez vers New York. Vous visiterez la ville. J'ai prévu un tour en hélicoptère entre les buildings de Manhattan.

"Le même jour, vous retournerez en limousine à J.F.K. A 20 h 30, un avion de ligne vous emmènera chez vous. Vous arriverez à 9 h 00 du matin le dimanche. Vos parents pourront vous accueillir à l'aéroport.

- Qu'en pensez-vous? demanda Ennio Calzone après ces longues explications.

- C'est un voyage de rêve, déclara Philippe. J'accepte avec joie.

-Moi, je ne pourrai pas venir, dit Véronique. Mes parents ne seront jamais d'accord.

- J'y ai pensé, affirma l'espion. Voici la solution. Votre copain Philippe vient de gagner le premier prix du concours international Coca-Cola. Quatre places pour aller visiter le parc d'attractions Walt Disney World à Orlando. Tu recevras des papiers officiels, avec en-tête de la firme dans quelques jours. Tu choisiras d'inviter tes amis. Je crois que de cette manière-là, l'affaire passera mieux devant les parents.

Les quatre enfants, impressionnés par toutes ces explications et par le rôle d'espions qu'ils allaient devoir endosser, se turent un moment. Ennio Calzone ajouta :

- Véronique !

- Oui, monsieur?

- J'aime beaucoup ta salopette rouge. 

La jeune fille portait une salopette en jean rouge, décorée de petites fleurs brodées.

- J'aimerais que tu la mettes le jour où tu partiras vers les Etats-Unis.

- Si vous voulez, monsieur, répondit Véronique en souriant.

 

Trois semaines plus tard, le mercredi matin précédent la fête de l'Ascension, nos amis semblaient fort distraits en classe. Leur professeur leur fit plusieurs remarques, mais il ne savait pas qu'ils s'apprêtaient à jouer une partie difficile et dangereuse et qu'ils deviendraient dans quelques minutes les assistants d'un espion international.

12 H 05. En sortant de l'école, ils aperçurent le taxi qui les attendait. Le chauffeur plaça leurs sacs à dos dans le coffre et les conduisit à l'aéroport. Trajet prépayé.

Une fois les formalités passées, ils arpentèrent un moment les couloirs de la zone internationale, observant les vitrines des magasins. Soudain, une sorte de hippie portant un grand sac brun sur l'épaule, bouscula Véronique.

- Jolie salopette, petite fille, dit-il comme s'il s'excusait.

Mais à ce moment précis, il lui glissa un bout de papier dans la main. L'homme disparut dans la foule, mais il avait réussi à confier très discrètement un message à notre amie.

Les quatre enfants s'isolèrent dans un endroit discret du grand hall et déplièrent le papier.

« Rendez-vous à la chapelle catholique de l'aéroport »

Nos amis s'y dépêchèrent.

S'introduisant dans la chapelle, ils virent un prêtre qui mettait de l'ordre dans la sacristie. Il en sortit, portant deux paquets, deux petits colis avec emballage cadeau.

- Y a-t-il un Jean-Claude et une Christine parmi vous? demanda-t-il.

- Oui, répondirent les deux enfants.

- Bon anniversaire. On m'a confié ceci pour vous.

Ils remercièrent tous les quatre et retournèrent dans le grand hall de l'aéroport.

À présent que nos amis tenaient les deux paquets qui, certainement, contenaient les documents secrets, la peur se glissa en eux comme un vent glacé. Une lourde angoisse les étreignit comme une chape de plomb. Ils se dirigèrent sans tarder vers l'aire d'embarquement.

Ennio Calzone, qui ne fait rien à moitié, leur réservait des sièges en première classe. Une fois assis à leur place, ils déballèrent les deux paquets. Ils découvrirent deux consoles de jeu modèle récent ainsi que quatre enveloppes portant leurs noms. Chacune contenait cinq cents dollars en petites coupures. Un fameux cadeau ! Que d'argent de poche !

Une demi-pièce de monnaie, découpée en dents de scie se trouvait dans l'enveloppe de Véronique. Elle la glissa par un endroit décousu dans l'ourlet au bas de sa salopette rouge que l'espion lui avait recommandé de porter lors de leur rencontre au parc de la Funa. 

 

Ils arrivèrent sans difficulté à J.F.K. à 16 h 30, heure locale. Ils passèrent le guichet de l'immigration et se retrouvèrent dans le grand hall de l'aérogare. Ils s'achetèrent une boisson rafraîchissante.

Tandis qu'ils buvaient leur limonade et bavardaient entre eux, un homme les observait. Il se plaça derrière une colonne et les surveilla encore un moment. Puis il sortit son téléphone portable et composa un numéro.

- Korbokov, répondit une voix.

- Ici Vladimir. Je viens d'apercevoir quatre enfants ici, à J.F.K. Tu les connais. Ils nous ont causé tant d'ennuis lors de l'affaire Calzone avec la boîte aux lettres, puis à la gare centrale de la ville.

Korbokov se tut un instant, puis donna des ordres.

- Je veux savoir où ils vont. Leur présence peut être liée à notre affaire actuelle. Les documents compromettants qu'on doit intercepter. Renseigne-toi, puis appelle-moi.

Nos amis marchaient à présent vers une hôtesse. Ils lui montrèrent le document Coca-Cola et les billets d'avion. Elle leur indiqua comment se rendre au terminal où attendre leur correspondance pour Orlando.

Un instant plus tard, Vladimir s'approcha de l'hôtesse.

- J'ai perdu mes quatre petits neveux, dit-il. Des vrais polissons. Ils viennent de vous parler, mais ces garnements ne tiennent pas en place, dit-il avec le sourire entendu d'un brave vieil oncle dépassé par la vitalité des enfants.

- Les vainqueurs du concours Coca-Cola? Ceux qui vont à Orlando avec le vol de 19 h 00, porte 57 ? Regardez, ils ne sont pas loin. Ils se sont arrêtés devant la vitrine de la librairie, là-bas.

Elle les montra du doigt.

Vladimir remercia avec chaleur, puis, toujours à l'insu de nos amis, il reprit son portable et rappela son chef.

- Korbokov. Je t'écoute.

- Ils vont à Orlando en Floride. Ils auraient remporté un concours Coca-Cola.

- Bien. Tu les suis. Tu montes dans le même avion, à tout prix. Je te rappelle.

L'homme dépassa nos amis discrètement et se rendit au terminal. Les enfants n'y étaient pas encore arrivés. Ils traînaient en route, profitant de l'ambiance de l'aéroport.

L'espion se racla la gorge et cria d'une voix forte qu'il achetait un billet pour Orlando, et offrait une prime supplémentaire de cinq cents dollars au vendeur.

- Ma vieille mère se meurt à l'hôpital de la ville, ajouta-t-il la larme à l'œil.

Il signala par la même occasion une place vacante dans le vol suivant, deux heures plus tard. Un homme s'avança vers lui.

- Vous m'offrez cinq cents dollars en supplément de mon billet d'avion?

- Exactement, assura Vladimir en montrant l'argent.

L'homme accepta l'offre aussitôt, heureux de profiter de l'aubaine.

L'espion, muni de son ticket, s'acheta un journal, l'ouvrit, et attendit avec patience l'heure du départ. Les quatre amis arrivèrent. Il les observa du coin de l'œil, dissimulé derrière son quotidien.

Les quatre enfants montèrent dans l'avion les premiers, classe grand luxe oblige. Juste avant de les rejoindre, Vladimir appela son supérieur une dernière fois.

- Chef?

- Oui.

- Je viens aux nouvelles. Je m'envole pour Orlando dans quelques minutes.

- Tu fais bien, répondit Korbokov. Je te rejoins en Floride. Il n'y a pas de concours Coca-Cola. Ces gamins travaillent pour Calzone. Tu ne les lâches pas d'une semelle. Ils transportent peut-être le document filmé que nous devons récupérer.

 

Arrivés à Orlando, les quatre amis embarquèrent dans une limousine qui les attendait à la sortie de l'aéroport. Le chauffeur les conduisit vers un luxueux palace. Vladimir suivit en taxi jusqu'à l'hôtel vers lequel nos amis se dirigeaient. Puis il se fit déposer ailleurs.

Les enfants entrèrent dans le somptueux bâtiment. Ils se sentaient épuisés par le long voyage et le changement d'heure. Ils observèrent pourtant, impressionnés, les splendeurs et le luxe qui les entouraient. Une double chambre, communicante, avec salon, leur était réservée, au 23ème étage.

Toujours munis de leurs sacs à dos, la console de jeux en main, ils appelèrent un des ascenseurs. Un cow-boy pénétra en même temps qu'eux dans la cabine. L'homme poussa sur le bouton « stop » entre deux étages. Il sortit un révolver et le braqua vers nos amis. Ils pâlirent tous les quatre. Leurs cœurs battaient la chamade.

- Hello, dit le cow-boy en souriant. Je vous invite ce soir au restaurant « le western steak ». Voici vos vouchers. Si vous n'y venez pas, je vous refroidis !

Puis il fit redémarrer l'ascenseur en éclatant de rire, laissant les enfants entrer affolés, terrorisés, le cœur battant, dans leurs chambres.

Bien sûr, il ne s'agissait que d'un jeu, une farce, mais pour nos amis, il n'y avait pas de jeu à Orlando. Ils portaient deux appareils contenant chacun une micro-batterie. Chaque pile demeure illisible séparée de l'autre, mais elles comportent un secret d'une importance capitale. Ils ne se sentiraient vraiment rassurés que quand ils seraient débarrassés de ces encombrants et terrifiants documents.

Ils posèrent leurs sacs à dos sur leurs lits, admirèrent la chambre un instant, puis décidèrent de se rendre au restaurant avant d'aller dormir.

Quand ils remontèrent après le repas, ils découvrirent leurs deux chambres sens dessus dessous. Tout avait été fouillé pendant leur absence. Leurs sacs à dos jetés sur le sol et vidés. Les cadres déplacés, les tapis roulés, les lits défaits. Korbokov et Vladimir! Mais nos amis avaient eu la bonne idée d'emporter les deux jeux avec eux au restaurant. Et Véronique gardait encore la demi-pièce de monnaie dans l'ourlet de sa salopette rouge.

Cet événement augmenta bien sûr leur angoisse. Ils ne pouvaient en parler à personne, certainement pas à la police et encore moins à leurs parents de l'autre côté de l'Atlantique. Ils ne savaient pas comment contacter Ennio Calzone.

Après avoir verrouillé les portes avec soin, et remis tout en place, ils tâchèrent de s'endormir. On ne les dérangea pas pendant la nuit.

 

Le lendemain, on les conduisit en voiture à l'entrée du Magic Kingdom.

Ce parc passionnant est conçu pour le bonheur des enfants, pour la joie de vivre, pour la détente, le rêve, le rire et l'amusement. Mais nos amis ne ressentaient ni bonheur, ni joie de vivre, encore moins l'envie de rire. Ils attendaient le rendez-vous de 15 h 00 avec anxiété.

À 14 h 45 ils se dirigèrent vers la maison hantée. Beaucoup de monde s'y pressait. Ils présentèrent leurs billets VIP.

Un préposé les fit entrer aussitôt à l'intérieur de cette maison qui offre des émotions fortes. Comme s'ils n'en avaient pas assez! Ils parvinrent devant le train de chariots dans lesquels on monte par deux ou trois personnes à la fois.

Véronique portait toujours sa salopette rouge, à la demande de Ennio Calzone. Elle n'avait pas osé se changer. Elle sortit la pièce de monnaie coupée en deux de son ourlet avec difficulté. 

Quand ce fut leur tour de monter dans le chariot, ils tendirent la pièce au préposé. Celui-ci tira de sa poche une autre moitié de pièce. Il vérifia l'exactitude de la concordance et les plaça tous les quatre dans un même wagonnet. Il y dessina une croix à la craie.

Nos amis observèrent l'impressionnant circuit. Ceux qui ont eu la chance de visiter la maison hantée chez Walt Disney le savent.

Soudain, l'entièreté de la chenille des chariots s'arrêta. Les quatre enfants se trouvaient devant une sinistre porte fermée. Elle s'ouvrit lentement en grinçant. De l'autre côté, ils virent un homme pendu à une corde. Ennio Calzone ! Les yeux ouverts et la langue pendante! Du sang coulait sur son corps et gouttait en flaque à ses pieds.

Terrorisés par cette scène d'horreur, ils ne s'aperçurent pas que deux hommes armés s'approchaient de leur wagon, l'un par la gauche et l'autre par la droite. Tout à coup, les quatre amis découvrirent près d'eux Alexeï Korbokov, côté Jean-Claude, et Vladimir, côté Philippe.

- Les documents, et vite, ordonna Korbokov.

Jean-Claude montra une présence d'esprit extraordinaire.

- Vas-y, Christine, donne-lui ta console. Cela ne sert à rien de lutter contre ces gens-là.

La jeune fille remit son jeu à Alexeï Korbokov sans prononcer un mot. Pendant ce temps, le cœur battant, Jean-Claude dissimula le sien derrière son dos.

La chenille s'ébranla et reprit le cours de son circuit.

Nos amis sortirent de la maison hantée impressionnés et déçus par leur demi-échec. Ils errèrent un instant sans but dans les allées du parc.

 

Soudain, ils virent arriver le personnage de Minnie. Elle s'approcha d'eux, les salua et glissa un petit papier dans la main de Philippe.

- Un petit cadeau pour reprendre des forces et retrouver le sourire, entendirent-ils.

Le garçon déplia le papier.

« Prenez un paquet de pop-corn, juste en face. E.C ».

Ennio Calzone ! Il n'était pas mort ! Il tenait sa promesse de se trouver sans cesse près d'eux. Mais jusqu'ici, nos amis pensaient ne pas l'avoir aperçu. Il était donc bien vivant. L'horreur vue à l'intérieur de la maison hantée n'était qu'une mise en scène terrifiante destinée à les impressionner.

Ils se dirigèrent pleins d'espoir vers la petite aubette et achetèrent un paquet de pop-corn. Ils découvrirent une seconde lettre au fond du paquet.

"Bravo. Vous n'avez remis qu'une seule batterie à Korbokov. J'admire votre cran. Je peux reconstituer l'entièreté du document à partir de celle que vous tenez encore. Cependant, restez prudents".

"Rendez-vous dans Main Street. Achetez-y une pile normale pour votre jeu. Placez-la dans le boîtier puis abandonnez la console bien en vue sur un banc. Korbokov et son équipe vous observent sans doute. Ils ne tarderont pas à s'en emparer. Cela les occupera un temps.

"Gardez la micro-batterie numéro deux sur vous. Confiez-la par exemple à Véronique qui a l'art de cacher les petits objets secrets dans l'ourlet de sa salopette.

"Demain, restez dans le parc. Participez aux attractions. Noyez-vous dans la foule. Ne restez jamais isolés.

"Samedi matin vous partirez en avion à New York, comme prévu. Pendant la visite de la ville, vous quitterez le groupe de touristes qui vous accompagnera juste après le tour programmé en hélicoptère. Restez cachés dans la cathédrale Saint-Patrick. Soyez certains que personne ne vous suit.

"Prenez alors un taxi. Faites-vous conduire à Central Park. Là, repérez le marchand de glaces Pagoo-Pagoo. Commandez-lui chacun une glace vanille. Il vous proposera la spéciale Calzone. Le vendeur est un homme à moi. Il vous remettra quatre glaces au chocolat. Acceptez et partez sans payer.

"Allez vous asseoir dix minutes sur un banc voisin et mangez votre glace à votre aise. Repassez ensuite devant Pagoo-Pagoo. Si le vendeur vous appelle, vous accusant de n'avoir pas payé, remettez-lui la pile contenant les documents. Vous aurez gagné.

"Si en passant devant lui, il ne vous appelle pas, jetez cette micro-batterie dans le lac de Central Park. 

"Bonne chance. Je reste près de vous. E.C.

Nos amis mangèrent le papier sur lequel le message était écrit. Un papier prévu à cet effet, parfumé à la framboise.


Ils continuèrent à se balader à l'intérieur du parc. Ils achetèrent une batterie neuve dans Main Street. Ils la placèrent dans la console de jeu qu'ils abandonnèrent sur un banc. Ils confièrent à Véronique celle qui contenait les documents. Elle la glissa dans l'ourlet de sa salopette en jean rouge. Elle la garda sur elle jusqu'au soir, ainsi que le lendemain.

Ils passèrent la journée de vendredi dans le parc, se mêlant à la foule. Ils vécurent des heures passionnantes, mais il restait au fond d'eux un rideau de peur qui les empêchait de s'amuser à fond. Ils entouraient sans cesse Véronique.

 

Ils s'envolèrent pour New York le samedi matin tôt. Un taxi les y attendait. Il les conduisit de l'aéroport à l'île de Manhattan. Là, les cars « Wendy » les emmenèrent, avec d'autres personnes pour une visite de la ville. Peu à peu, la peur causée par leurs lourdes obligations et responsabilités les reprit.

Ils survolèrent la ville en hélicoptère. Un spectacle impressionnant et une pause dans leur angoisse. Puis le car reprit son tour à travers les rues et les avenues bordées de gratte-ciels.

Le groupe de visiteurs entra dans la cathédrale Saint-Patrick. Nos amis faussèrent discrètement compagnie aux autres touristes. Ils se cachèrent derrière une colonne, puis dans un parloir, près de la sacristie. Ils attendirent une bonne demi-heure pour s'assurer qu'ils n'étaient pas suivis. Ils quittèrent l'édifice et traversèrent un petit jardin.

Une fois dans la rue, ils hélèrent un taxi. Philippe qui parle un peu anglais demanda au chauffeur de les conduire à Central Park, si possible près d'un marchand de glaces appelé Pagoo-Pagoo.

Le taxi les déposa à cent mètres de l'échoppe. Après avoir payé, nos amis se dirigèrent vers le petit kiosque. L'heure de vérité approchait. Avaient-ils réussi leur mission?

Ils commandèrent quatre glaces vanille. Le vendeur les observa puis leur demanda s'ils ne préféraient pas la spéciale « Calzone ». Ils répondirent affirmativement. Ils reçurent chacun une glace au chocolat et allèrent s'asseoir sur un banc.

Le suspense était à son comble. Leurs cœurs battaient la chamade. Ils arrivaient à peine à avaler ces glaces, pourtant délicieuses, tellement leurs estomacs étaient noués.

Enfin, après dix minutes qui leur parurent une éternité, ils se levèrent tous les quatre et se dirigèrent vers l'échoppe. L'homme de Pagoo-Pagoo les héla.

- You forgot to pay for your ice creams !

Alors, Véronique sortit de l'ourlet de sa salopette la précieuse fausse batterie et la confia au marchand, complice d'Ennio Calzone.

En s'éloignant, nos amis se sentirent soudain soulagés, contents d'avoir réussi leur mission. Ils se dirigèrent vers l'Empire State Building pour le visiter et découvrir la célèbre vue sur New York avant d'aller rejoindre l'aéroport.

Korbokov et Vladimir, floués, devaient être furieux de se voir ainsi bernés par des enfants...

 

À quelques kilomètres de là, dans une chambre d'hôtel...

- Introuvables, criait Korbokov. Où sont ces gamins? Ils se moquent de nous. Ils nous roulent dans la farine. Ils nous dament le pion. Il nous reste une seule chose. Ils vont retourner chez eux, en Europe. Je connais leur destination. Leur avion est à 20 h 30 à J.F.K.

- Ils vont donc arriver à l'aéroport vers 17 h 30, calcula Vladimir.

- Ils ne perdent rien pour attendre. Voici mon plan, reprit Korbokov. Nous allons utiliser une ambulance et nous déguiser en infirmiers. Lorsqu'ils arriveront à l'entrée principale, tu chloroformeras une des filles et tu l'enfermeras dans l'ambulance. Les trois autres suivront. Tu les boucleras aussi.

- Parfait. Je m'en occupe.

- Je resterai au volant, ajouta Korbokov. Toi, tu les surveilleras à l'arrière du véhicule. Pendant que je roulerai, tu les feras parler.

Vladimir se réjouissait déjà. On le surnomme « le sadique », « le maniaque du couteau », « le coupeur de tresses ». Justement, ce matin-là, Véronique en avait coiffé deux longues avec ses cheveux blonds.

 

Nos quatre amis arrivèrent en taxi à l'aéroport de J.F.K. Ils ne se doutaient de rien. Un foule de gens entraient et sortaient du bâtiment. Le chauffeur les déposa devant l'entrée principale. Jean-Claude paya. Ils récupérèrent leurs sacs à dos dans le coffre.

Christine pointa du doigt deux ambulances garées en double file devant les grandes portes.

- Un accident, sans doute, dit-elle.

- Ou bien des gens malades, suggéra Philippe.

Un homme s'approcha de nos amis. Il portait une blouse blanche d'ambulancier. Il pointa un révolver dans le cou de Véronique.

- Entre dans l'ambulance, ici, juste devant toi. Vite. Et les autres, suivez.

Véronique, terrorisée, avança vers le véhicule, aussitôt accompagnée par ses amis qui n'étant pas des lâches, n'allaient pas l'abandonner à son sort en s'enfuyant.

Ils se retrouvèrent donc tous les quatre à l'arrière de l'ambulance qui démarra sans attendre et fila, toutes sirènes hurlantes, vers New York.

Nos amis, catastrophés, imaginaient déjà le pire. Combien de temps allaient–ils résister au terrible Vladimir? Et que faisait Ennio Calzone? Comment le contacter?

Ils étaient seuls à l'arrière du véhicule. Sortir en marche? Dangereux à cette vitesse.

Christine regarda par la petite fenêtre qui séparait l'espace arrière de l'ambulance du siège avant. Elle reconnut au volant l'homme de Pagoo-Pagoo. Trahison? Non! À côté de lui, se trouvait Ennio Calzone.

L'espion sourit et présenta Cipriano, à la fois son chauffeur, maître d'hôtel, garde du corps, secrétaire, et tireur d'élite.

- Nous avons eu vent d'un plan qu'Alexeï Korbokov et Vladimir projetaient. Ils voulaient vous emmener jusqu'à leur repaire et tenter de vous faire parler. Nous avons réussi à vous intercepter juste à temps.

Nos amis, soulagés, remercièrent leur protecteur avec chaleur. Mais autre chose les inquiétait à présent. Ils allaient rater leur avion et ne seraient pas au rendez-vous fixé avec les parents demain matin.

- Un détail, dit l'espion en souriant. Avec moi, un problème, possède toujours une solution. Je vous emmène à l'aéroport de La Guardia. Un jet privé, loué par moi à votre intention, vous y attend. Vous serez chez vous parfaitement à l'heure, demain matin.

En montant les marches pour entrer dans le jet privé de l'agent double, nos amis se retournèrent. Ennio Calzone et Cipriano se tenaient côte à côte.

- Arrivederci, dit l'espion. Et encore bravo!

- Un voyage de rêve, dit Philippe.

- Enfin, presque, ajouta Véronique en souriant.

Ils s'envolèrent et retrouvèrent leurs parents bien à temps après une traversée sans histoire.

Retrouve Ennio Calzone et les quatre amis dans une nouvelle aventure "La Poupée". 4 Amis 29.