N°26
Si les histoires d'horreur te font peur, si la nuit, tu fais vite des cauchemars, si tu es seul dans ta chambre à lire ces lignes et que l'orage dehors menace, alors ne va pas plus loin et sélectionne une autre histoire.
Si le craquement d'une armoire dans le silence pesant te fait sursauter puis rire, si les morts-vivants t'amusent, si tu aimes avoir un peu peur, continue...
Philippe, Jean-Claude et sa sœur Christine, passaient quelques jours de vacances en Irlande, invités par les parents de Véronique, leur amie de toujours. Les garçons venaient de terminer leurs primaires, avec brio. Les deux filles, qui ont un an de moins, entreraient glorieusement en sixième en septembre.
Ils découvraient ce beau pays au long de leurs randonnées.
Un soir, les parents de Véronique étalèrent une carte de la région sur une table du salon de l’hôtel où ils résidaient quelques jours. Ils venaient de l’acheter l’après-midi même, en passant chez un libraire de seconde main. Les routes, les bois, les villages, le front de mer assez proche, tout y était dessiné.
-Demain, expliqua le papa, je dois aller à Dublin, la capitale. J’y vais avec mon épouse pour notre travail. On vous a organisé une belle randonnée qui durera la journée entière. Regardez.
-Vous partirez à droite en sortant de l’auberge où nous logeons, enchaîna la maman. Vous suivrez un joli chemin de campagne. Vous prendrez la troisième route à votre gauche. Vous traverserez un petit bois. Une, deux, troisième route encore à gauche. Vous longerez un moment le bord des falaises surplombant la mer. Comptez bien. Une, deux, troisième route à gauche, une dernière fois, et vous serez de retour ici.
-Cela forme un vaste carré, dit Philippe.
-Oui, à peu près, approuva le père de Véronique.
-On vous prépare un sac à dos avec votre pique-nique, ajouta la maman. Vous serez de retour pour le repas du soir si vous ne traînez pas trop en route.
Les quatre amis partirent juste après le petit déjeuner.
Ils marchèrent joyeusement suivant le premier quart de la balade, longeant des prairies parsemées de moutons et de fleurs, bordées de haies d’épineux ou de murs en pierres grises.
Puis ils empruntèrent la troisième route à gauche. Elle montait vers un petit bois qu’ils traversèrent. Ils arrivèrent en haut et au bord d’immenses falaises.
Le troisième chemin leur fit longer un moment les crêtes rocheuses. Le paysage était somptueux. L’océan et le ciel se partageaient l’horizon.
Ils laissèrent un premier chemin à gauche.
Leur route à présent, semblait s’éloigner du bord de l’eau. Un sentier escarpé, commençant à leur droite, menait à la plage. Ils décidèrent de le suivre, pour pique-niquer au bord des vagues.
Nos amis posèrent le sac à dos qu’ils portaient à tour de rôle, sur un rocher plat, et pieds nus, ils coururent sur la grève.
L’eau était glaciale, mais Christine osa y entrer jusqu’au-dessus de la ceinture de son short en jean. Elle n’a décidément pas froid aux yeux.
Ils remontèrent sur la crête par le même sentier une heure plus tard. Le soleil descendait doucement vers la ligne d’horizon. Ils reprirent la route et passèrent un deuxième carrefour qui proposait un chemin empierré vers la gauche.
-Et de deux, dit Jean-Claude.
Ils empruntèrent le troisième, comme convenu.
Cela descendait doucement au milieu des campagnes.
Ils marchaient depuis une bonne heure, quand ils arrivèrent en vue d’une bourgade. Une plaque, dressée le long de la route, indiquait le nom de la petite ville qu’ils allaient devoir traverser avant de retrouver l’auberge où les attendaient les parents de Véronique.
CARTRON-EAST-VILLE
Une partie des lettres était effacée. Il ne restait que ….R..-.A.T-VILLE.
-Rat-ville, murmura Christine, la ville des rats...
Un frisson ébranla nos amis, guère rassurés.
Ils entrèrent dans la bourgade étrangement déserte et silencieuse.
Le soleil derrière eux allait toucher l’horizon.
Ils longèrent bientôt les premières maisons. Toutes semblaient à l’abandon. Une vie mystérieuse, dissimulée, menaçante, semblait cachée partout. Une vie étrange, silencieuse, angoissante, prête à bondir, à crier, à attaquer nos amis.
Les vitres des fenêtres étaient brisées, mais derrière elles, des rideaux sales et déchirés bougeaient, juste à leur passage. Peut-être était-ce le vent ?
Les portes, souvent, étaient défoncées. Des lueurs furtives apparaissaient ici et là comme des yeux malveillants. Était-ce des chats ?
-Là-bas, dit Philippe, je vois une voiture garée dans une allée. Là au moins…
Les mots moururent entre ses lèvres quand son copain lui fit remarquer, en pointant son doigt, les vitres brisées, le capot avant ouvert, les roues sans pneus, les fauteuils déchirés.
La rue, assez large, descendait en pente douce vers une place où se trouvait une église. Au loin, les dernières lueurs du couchant éclairaient encore les collines, mais ici, tout était pénombre, presque nuit.
Parfois le vent, pourtant léger, faisait grincer un volet. Ou bien, était-ce une main qui l’agitait ?
Nos amis, impressionnés, passèrent sur un pont.
Ils perçurent une odeur de moisi, de pourriture qui stagnait dans la rue entre les maisons. Elle semblait sortir par les portes éventrées ou suinter des façades lépreuses.
La ville paraissait un monstre endormi, prêt à s’éveiller au moindre bruit, et dont l’haleine fétide se répandait dans les rues.
Les quatre enfants arrivèrent sur la place.
Les vitraux de l’église étaient éclairés, mais c’était aux derniers rayons du soleil qu’il fallait attribuer ces lueurs.
Espérant encore rencontrer quelqu’un d’humain, nos amis gravirent les quelques marches qui précédaient le porche. Ils entrèrent dans l'édifice.
La grande nef apparut vide et délabrée. Il régnait en plus, là aussi, une désagréable odeur de pourri.
Nos amis s’avancèrent vers le maître-autel, constitué de pierres grises. Çà et là, ils marchaient sur des débris de verre coloré, tombés des vitraux en partie brisés.
Le silence devenait vraiment oppressant, inquiétant. Les quatre amis firent demi-tour.
Juste à ce moment, ils perçurent un bruit à l’entrée de la cathédrale. Un son monotone, comme celui d’un groupe de chanteurs à la voix grave, grognant une mélopée triste.
Les portes du bâtiment s’ouvrirent et les enfants entendirent mieux.
Pressentant un danger, ils se précipitèrent derrière deux piliers de la grande nef, et s’y cachèrent.
Un spectacle hallucinant se déroula ensuite sous leurs yeux horrifiés.
Un double rang d’hommes et de femmes, -mais étaient-ils encore humains ? - à têtes de rats, entra dans l’église. Ils étaient couverts de vêtements en haillons, comme on en voit sur les morts-vivants sortis des cimetières.
Ils avançaient à pas lents, murmurant leur chant envoûtant. Ils se dirigeaient vers le maître-autel situé à la croisée de la grande nef et du transept. Leurs corps en décomposition répandaient une puanteur à donner la nausée.
Les huit premiers, quatre à gauche, quatre à droite, portaient un lourd cercueil qu’ils venaient visiblement de déterrer. Des racines pendaient, accrochées au bois, et des taches de boue apparaissaient çà et là.
Avec leurs yeux blancs, immobiles dans les cavités oculaires, ils semblaient appartenir à une race d’épouvantables monstres, venus de Dieu sait où, peut-être sortis des enfers.
Ils posèrent le cercueil sur l’autel et ouvrirent le couvercle.
L’horreur toucha à son comble. Ces hybrides abominables précipitèrent leurs doigts crochus et leurs bouches garnies de dents pointues vers le corps pourrissant du cadavre que le cercueil contenait.
Ils commencèrent à le dévorer, arrachant des lambeaux de chair, déchirant la peau et les membres. On entendait les os du mort craquer entre leurs mâchoires répugnantes.
Jean-Claude, Christine, Philippe, Véronique, horrifiés, épouvantés, s’apprêtaient à fuir, quand l’un des monstres lança un cri atroce.
Il leva, au regard de tous, une chaînette en fer terminée par une petite sculpture, une tête ressemblant à une amulette égyptienne, taillée dans une pierre rouge luisante.
Celui qui tenait le talisman le lança avec un cri de rage dans la grande nef de la cathédrale.
Le collier tomba près de Jean-Claude. Le garçon s’en saisit discrètement et le glissa dans sa poche.
Puis les quatre amis quittèrent ce bâtiment de l’horreur sur la pointe des pieds. Ils se retrouvèrent sur la place centrale de la petite ville. La nuit était tout à fait tombée.
-On s’est sûrement trompés de chemin, dit Christine. On ne devrait pas se trouver ici.
-Quittons cet horrible endroit au plus vite, renchérit Véronique.
-Et surtout, faisons bien attention de ne rencontrer personne en marchant. Je crois que cette ville n’a plus d’autres habitants que des monstres assoiffés de sang et de chair humaine, ajouta Philippe.
-Oui, mais pour aller où, dans la nuit ? dit Jean-Claude.
Comme ils hésitaient, quelques hommes-rats apparurent au seuil de l’église. Ils aperçurent nos amis au clair de lune. Les monstres poussèrent un cri, appelant les autres, puis se ruèrent vers les quatre enfants en hurlant.
-Vite, cria Jean-Claude.
Ils coururent, traversant la place, vers une belle maison, assez haute, située entre deux pignons, que le garçon indiquait du doigt. Elle était précédée d’un jardinet. Toutes les fenêtres, au rez-de-chaussée, étaient protégées par des grilles.
-Entrons là si c’est possible, lança leur copain.
Les autres le suivirent. Les hommes-rats se rapprochaient. La sonnette indiquait un prénom. Abigaïl.
Christine appuya sur le bouton, mais aucun son ne retentit dans la demeure.
La porte n’était pas verrouillée. Philippe ouvrit. Ils entrèrent et refermèrent derrière eux.
Comme ils ne disposaient d’aucune clé, ils décidèrent de glisser un meuble assez lourd contre la porte pour la bloquer.
Pour l’instant, ils étaient à moitié rassurés.
Il régnait un grand silence dans la demeure. Le mobilier en bon état semblait indiquer que l’habitation pouvait être occupée ou l’avait encore été il y a peu de temps. Jean-Claude appela, à tout hasard.
-Ohé ! Il y a quelqu’un ?
Personne ne répondit.
-Montons à l’étage, proposa Philippe. On y installera un poste d’observation pour la nuit.
Ils venaient d’atteindre le palier du haut quand un coup sourd fit vibrer la porte d’entrée. Les hommes-rats se jetaient contre elle à tour de rôle, pour tenter de la défoncer.
-Elle ne tiendra pas une heure, dit Christine. Il faut se cacher ou fuir.
-Fuir, reprit son frère. Mais par où et comment ? Nous sommes à l’étage.
Les enfants ouvrirent rapidement les portes de plusieurs chambres. L’une d’entre elles donnait sur une cour pavée, située à l’arrière.
-Impossible de sauter par là, évalua Véronique. On se casserait bras et jambes.
-Une corde, cria Christine. Il nous faudrait une corde.
-Je n'en vois pas, fit remarquer son amie.
-Fabriquons-la nous-mêmes, reprit son frère en saisissant un drap du lit tout proche.
En bas, les coups contre la porte continuaient, épouvantables.
Ils déchirèrent le drap, dans le sens de la longueur, à l’aide du canif que Christine emporte toujours avec elle en vacances et qui lui a déjà rendu de grands services.
Puis, Jean-Claude et Véronique, tressant trois bandes de tissus à la fois, créèrent la corde. Philippe courut en attacher une extrémité à un tuyau de radiateur.
Un craquement sinistre se fit entendre au rez-de-chaussée. La porte d’entrée était ouverte à présent, et l’armoire que nos amis avaient placée juste derrière était sans doute renversée. Les hommes-rats entrèrent et commencèrent à fouiller la maison.
Christine lança la corde improvisée par la fenêtre et descendit la première en rappel. Véronique suivit en s’accrochant de son mieux. Elle n’est pas aussi sportive que son amie. Philippe passa ensuite.
Jean-Claude saisit la corde à son tour et enjamba la fenêtre au moment où un homme-rat ouvrait la porte de la chambre.
Un des monstres réussit-il à couper la corde ou à défaire le nœud qui la fixait au radiateur ? Notre ami fit le dernier mètre en chute libre, en tenant le tissu entre les mains, mais heureusement sans se blesser.
Les quatre enfants traversèrent la cour arrière de la maison d’Abigaïl en courant.
Passant ensuite une petite porte entrouverte, ils entrèrent dans un hangar sombre. Des caisses en bois y étaient empilées, avec toutes sortes d’objets hétéroclites et poussiéreux. Ils semblaient entreposés là depuis des siècles.
Puis nos amis débouchèrent dans une ruelle. Ils l’empruntèrent sous les lumières de la lune. Aucun réverbère n’était allumé dans Rat-ville.
La ruelle se jetait dans une avenue assez longue. Ils reconnurent celle qu’ils avaient suivie en venant. L’occasion était belle de fuir ce lieu d’horreur.
Plus haut, ils passèrent sur le pont au-dessus de la rivière. Le quartier qu’ils traversaient à présent était silencieux. L’abomination semblait hésiter loin derrière eux.
Ils longèrent une école située dans une ruelle sur la gauche, et cela leur donna une idée.
Où aller, en effet, dans la nuit? Ils avaient rigoureusement suivi, depuis ce matin, les routes indiquées par les parents de Véronique. Chaque fois, ils avaient emprunté le troisième chemin à gauche, comme on le leur avait indiqué sur la carte.
-Si on passait la nuit dans cette école, proposa Christine. On y serait à l’abri des dangers. Et demain, dès qu’il fera clair, les routes seront plus rassurantes.
-Tu vas à l’école pour dormir, toi ? lança Philippe en souriant.
-C’est une bonne idée, dit Jean-Claude. On est épuisés. Allons-y. Entrons.
Un long mur, percé d’une grille, entourait une cour de récréation bétonnée. Les quatre amis ouvrirent les grilles, entrèrent dans la cour et refermèrent derrière eux avec soin.
Ils traversèrent l’espace découvert et s’approchèrent du bâtiment. Il comportait un rez-de-chaussée et un premier étage. Il n’y avait aucune lumière allumée. La grande porte d’entrée n’était pas fermée à clé.
Les enfants se retrouvèrent dans un vaste hall, suivi par un long couloir transversal. Un escalier en pierre bleue, usée par les pas des écoliers, menait à l’étage.
Trois classes se trouvaient en bas. Leurs fenêtres donnaient sur la cour de récréation éclairée par les lueurs de la lune.
Il s'approchèrent d’une porte dans la partie droite du couloir transversal. Jean-Claude l’ouvrit et entra dans une vaste salle de gymnastique. Ses hauts murs étaient garnis de fenêtres inaccessibles, car situées près du plafond.
-Parfait, dit Philippe. Ici, on sera loin de tout et bien à l’abri. Étalons quatre tapis de sol, nous dormirons dessus. J’ai faim, mais je suis surtout épuisé.
Nos amis avaient compris depuis longtemps que ce soir ils se passeraient de repas. Ce qui primait était qu’eux ne servent pas de repas aux hommes-rats.
-Je propose qu’on organise quand même un tour de garde, dit Jean-Claude. Il ne faut pas nous laisser surprendre par un visiteur, quel qu’il soit.
-Je m'inscris pour le premier tour avec Véronique, déclara Philippe.
-Non, dit la jeune fille. Je fais équipe avec Christine. Reposez-vous, les garçons. Nous viendrons vous éveiller vers trois heures du matin.
Les filles quittèrent l’espace de gymnastique et montèrent l’escalier menant à l’étage. Elles comptèrent six salles de classe. Elles entrèrent dans l’une de celles donnant sur la cour de récréation, la grille et la rue.
Elles ouvrirent une fenêtre et écoutèrent le silence de la nuit, de la ville. Rat-ville… Personne ne pouvait les entendre, et pourtant elles se parlaient tout bas.
Elles évoquèrent les horreurs qu’elles avaient vues tantôt.
Puis elles songèrent au talisman que Jean-Claude conservait dans une de ses poches. Christine aurait bien aimé le regarder avec attention, mais elle ne voulait pas éveiller son frère.
Les heures passaient lentement.
Fatiguées, les deux amies bâillaient à tour de rôle et regardaient leur montre tous les quart d’heures.
Soudain, elles entendirent un bruit, un son. Cela venait de loin, mais cela se rapprochait.
C’était une lente mélopée, grave, menaçante, entrecoupée de cris, de hurlements, et parfois de rires.
Tout à coup, elles les virent. Ils tournaient au coin de la rue qui menait à l’école où nos amis s’étaient réfugiés.
Les hommes-rats arrivaient.
Avaient-ils retrouvé la trace des enfants ? Ou était-ce par hasard ? Passaient-ils toujours par là après leurs monstrueux festins ? Était-ce là le chemin menant à leur tanière ?
Ils approchaient.
Christine et Véronique distinguaient parfaitement leurs visages déformés, leurs museaux pointus, leurs dents blanches, acérées, leurs yeux rouges qui reflétaient la lune, puis leurs corps, humains, couverts de haillons, et leurs mains dotées de griffes.
-Pourvu qu’ils passent devant la cour sans s’arrêter, murmura Véronique qui tremblait.
Ils s’arrêtèrent devant la grille.
L’un d’eux l’ouvrit en criant quelque chose que les deux amies ne comprirent pas. Puis la bande de vingt ou trente hommes-rats traversa la cour bétonnée.
Christine et Véronique se précipitèrent dans l’escalier et coururent réveiller et avertir les garçons du danger.
Les monstres entrèrent dans l’école. Leur chant, mélange de cris et de grognements bestiaux cessa. Ils avançaient dans le couloir dans un silence effrayant, abominable.
Philippe comprit soudain l’erreur que nos amis avaient commise en se réfugiant dans la salle de gymnastique. Il n’y avait pas d’autre issue que la porte par laquelle ils étaient entrés quelques heures plus tôt.
Les quatre enfants étaient à la merci des hommes-rats.
La porte de la salle de gymnastique s’ouvrit avec violence. Elle alla buter contre le mur. Les monstres entrèrent en criant et en hurlant. Ils marchèrent vers nos amis épouvantés et les encerclèrent peu à peu.
Ils s’approchaient de plus en plus.
-Le talisman, cria Christine, au moment où l’un d’eux tendait sa main pour la toucher.
Jean-Claude n’y pensait plus.
Il le saisit dans sa poche par la longue chaîne et fit face aux hommes-rats proches de lui en l’exhibant.
Les hybrides hurlèrent en reculant.
Puis, tenant la chaîne en main avec fermeté, le garçon entreprit de faire tourner le talisman autour de lui et de ses amis, réfugiés contre lui.
Les hommes-rats n’osaient plus s’approcher.
Ils restaient à deux pas et reculaient même quand Jean-Claude, en étendant le bras, approchait le pendentif de leurs visages hideux.
Les quatre enfants en profitèrent pour passer groupés au milieu d’eux. Ils avançaient, pas à pas, terrifiés par le regard perçant et cruel des monstres qui les entouraient.
Ils réussirent à sortir du bâtiment, à traverser la cour, puis atteignirent la ruelle.
Toujours suivis par les hommes-rats, ils coururent jusqu’à l’artère principale, celle qu’ils avaient empruntée en arrivant.
Nos amis s’arrêtèrent hors d’haleine un instant. Ils écoutèrent le silence de la nuit et des ruelles mortes de Rat-ville, silence seulement déchiré par les cris, les hurlements des hommes-rats qui approchaient de nouveau.
Des lumières jaunes, bleues, rouges, clignotantes comme une guirlande posée sur un arbre de Noël, apparurent en haut de l’avenue.
-Des voitures de police! s’écria Christine. Nous sommes sauvés.
Agitant leurs bras, les quatre enfants se firent vite repérer. Deux véhicules s’arrêtèrent près d’eux. Des hommes en uniforme et armés en sortirent.
Puis ce furent les parents de Véronique. Nos amis racontèrent leurs épreuves.
-Où sont-ils ? demandèrent les policiers.
-Ils sont rassemblés dans les bâtiments de la petite école, indiqua Philippe qui les avait vus immobiles, terrifiés à leur tour.
La troupe d’intervention partit les chasser au pas de course pendant que nos amis montaient dans une des voitures avec les parents.
Tous se retrouvèrent dans les salons de l’auberge. Il était deux heures du matin. Le commissaire déplia une ancienne carte de la région et expliqua.
-Regardez, dit-il aux parents de Véronique qui se remettaient à peine de l’émotion d’avoir failli perdre les enfants. Regardez. Vos enfants sont partis hier matin à droite. Route de campagne. Troisième chemin à gauche. Dans le bois. Troisième sentier à gauche. Le bord des falaises.
-Là, on s’est baignés, interrompit Christine.
-Troisième route à gauche, poursuivit le lieutenant de police. Cartron-East-Ville. Mais on n'indique plus cette route sur les nouvelles cartes car la ville est abandonnée. La voie est barrée, mais les hommes-rats ôtent les barricades pour attirer et égarer les promeneurs comme vos enfants. S’ils avaient suivi la quatrième route, ils seraient revenus à l’auberge.
Rat-ville retrouva son silence et sa solitude. Pour un temps…