N°30
Par un bel après-midi d'été, sous un ciel quasiment tout bleu, Béatrice et François roulaient à vélo sur un chemin de terre bordé de deux fossés remplis de fleurs de toutes les couleurs. À gauche et à droite, au-delà des clôtures, se trouvaient des champs de froment, d'avoine, et parfois une prairie.
Tout à coup, cent mètres devant eux environ, une vingtaine de corbeaux s'envolèrent d'un même endroit. Bizarre! Qu'avaient-ils découvert? Pourquoi se rassemblaient-ils si nombreux dans ce pré?
Quelques instants plus tard, trois pies décollèrent à leur tour. L'une d'entre elles semblait tenir quelque chose à la patte.
François pédala de toutes ses forces vers elles. Celle qui portait l'objet prit-elle peur? Ou bien le trouva-t-elle trop lourd? Elle le laissa tomber.
Béatrice rejoignit son copain. Ils posèrent leurs vélos le long du chemin, contre la clôture et entrèrent dans le champ. Après avoir un peu cherché, ils trouvèrent sur le sol ce que l'oiseau venait de lâcher. Un anneau!
Il semblait en or. Il était malheureusement trop étroit pour pouvoir servir de bracelet à Béatrice. Cela devait appartenir à un tout petit enfant.
En l'observant attentivement, ils aperçurent quatre petites bosses à l'intérieur, dans la zone concave de la courbure, quatre petites aspérités. On les sentait au toucher. En regardant mieux, ils eurent l'impression qu'à ces endroits-là se trouvait écrit quelque chose. Mais illisible, car beaucoup trop petit.
Ils emportèrent leur trouvaille et revinrent à la maison. Mais là, même avec une bonne loupe, ils ne réussirent pas à déchiffrer l'inscription. Ça ressemblait à des lettres, mais elles ne correspondaient pas à des mots, en tout cas ce n'était pas écrit en français. Nos amis en restèrent là dans l'interprétation de ce texte mystérieux.
Ils proposèrent le bracelet à Olivia, la petite sœur de François, âgée de cinq ans et demi. Mais il était trop étroit pour elle. Par contre, Amandine, trois ans et demi, put le passer à son poignet sans forcer.
Elle demanda si elle pouvait le garder. Elle le trouvait très beau. Les deux amis se regardèrent.
-Moi, réfléchit Béatrice, je ne pourrai jamais le mettre. Et cela n'intéressera pas mon petit frère Nicolas. Ta sœur peut le garder.
-D'accord, accepta François. Amandine, on te l'offre, conclut-il, en lui caressant les cheveux.
Elle fut tellement contente de son anneau qu'elle voulut le conserver au poignet, même pour aller dormir.
Ces jours-là, Béatrice logeait chez son copain. Ses parents devaient s'absenter et avaient confié leur fille à la garde de ceux de François.
Les petites filles étaient déjà couchées lorsque les deux amis montèrent à leur tour dans la chambre. On avait installé un lit de camp pour l'un d'entre eux. Les grosses discussions commencèrent pour savoir lequel d'entre eux aurait la chance d'aller dormir près du sol.
Tandis qu'ils en débattaient, ils entendirent, dans la pièce à côté, Amandine qui semblait parler dans son sommeil, dans un rêve, sans doute.
Ils entrèrent tous les deux dans la chambre des petites et s'approchèrent de la fillette qui dormait. Elle avait toujours l'anneau à son poignet. Voici à peu près ce qu'elle disait :
-J'ai peur... Je ne veux pas aller sur la barque... Maman, retournons au château... Il est rassurant, si solide, avec ses briques rouges... ses pierres bleues... Pourquoi on part dans la nuit? J'ai peur...
Puis, elle se tut un moment. François voulait l'éveiller pour la sortir de ce rêve qui semblait effrayant, mais Béatrice le retint par le poignet. Amandine parla de nouveau:
-J'ai peur... où es-tu maman? N'abandonne pas ta petite fille ... Ne donne pas ton bébé aux soldats... Maman, viens me chercher... Maman !
Puis, elle ne dit plus rien, mais une larme coula sur son visage. Alors, nos amis réveillèrent la fillette.
-Amandine, murmura le grand frère, tu rêvais!
-Non, gémit la petite en s'éveillant. Enfin, oui... J'ai vu une gentille dame, habillée d'une longue robe. Elle m'emmenait vers une île où poussaient quatre grands arbres. Un méchant voulait me voler.
-Tu as vu le château? demanda le garçon.
-Je ne sais plus, fit la petite sœur en bâillant.
Elle se rendormit.
Béatrice et François étaient très étonnés car Amandine ne parle jamais pendant qu'elle dort. Peut-être parlait-elle à cause de l'anneau? C'était peut-être un anneau magique? Mais alors, comment découvrir son secret?
Ils firent des recherches le lendemain. Ils tournèrent toutes les pages des livres qu'ils purent trouver sur les châteaux, mais pas un seul ne semblait constitué de pierres bleues mêlées à des briques rouges. Ils interrogèrent les parents. Papa parla d'un ami, qui n'habitait pas tellement loin de chez eux.
Près de son village on aperçoit une vieille tour lézardée, couverte de lierre, entourée de ronces et que personne ne visite parce qu'elle est, paraît-il, tout à fait sans intérêt. Mais elle est en briques rouges et en pierres bleues.
Il ajouta qu'elle se trouvait au bord d'un petit lac.
Les deux grands décidèrent de se rendre à ce village en expédition avec les petites sœurs de notre ami. Olivia se débrouillait déjà très bien à vélo, Amandine monta tantôt sur le porte-bagages de François, tantôt sur celui de Béatrice. Ils pédalèrent une dizaine de kilomètres.
Pendant qu'ils roulent, plongeons-nous dans le lointain passé et retrouvons-nous un instant en l'an 1420.
En 1420, dans son château de pierres bleues et de briques rouges, la comtesse Violette de Marcicourt était très inquiète. Partout dans le pays, on parlait de la guerre et de l'arrivée imminente des soldats ennemis. Elle restait sans nouvelles de son mari, parti au combat depuis plusieurs mois. À cette époque, pas de téléphone ni de courrier.
Elle berçait son bébé en pensant à son époux, les larmes aux yeux. Elle craignait d'être un jour séparée de son enfant, sa petite Amandine-Aimée.
Au soir, elle quitta son château avec la petite dans les bras. Elle entra dans la forêt voisine. Là vivait un vieux sorcier magicien qu'elle connaissait bien. Il habitait une petite maison au toit de chaume. Quand elle frappa à sa porte, il lui ouvrit et la fit entrer fort aimablement.
-Que puis-je faire pour vous, madame la comtesse ? demanda le mage.
-J'ai peur de la guerre.
-Nous tremblons tous en pensant à cette horrible chose, madame.
-Oui, mais je crains surtout d'être séparée de mon bébé, de ma petite Amandine-Aimée. Elle n'a pas encore un an. Pourrais-tu, à l'aide de ta magie, faire en sorte que mon enfant reste toujours à mes côtés, quoi qu'il arrive?
L'homme demeura songeur un instant, puis, se tournant vers la maman:
-Je puis faire ce que vous me demandez, madame, mais il faudra me donner quelque chose.
-Je te payerai bien, promit la comtesse.
-Il ne s'agit pas de cela, répondit le mage, mais plutôt de me confier un objet auquel vous tenez particulièrement, un objet vraiment important pour vous.
Violette de Marcicourt n'hésita pas. Elle ôta le collier qu'elle portait autour du cou et auquel pendait une pierre en pendentif, un très gros rubis, taillé en forme de cœur.
-Voilà, dit-elle, l'objet auquel je tiens le plus. Mon mari, dont je suis sans nouvelles depuis longtemps, m'a offert ce cœur en signe de son amour le jour de nos fiancailles. Et depuis, je le garde sans cesse sur moi. Je te le confie, pour sauver ma petite fille.
-Revenez demain, madame. J'aurai ce qu'il faut. Je devrai cependant aller cette nuit dans vos jardins, sur l'île au milieu de votre étang. Quatre arbres y sont plantés depuis peu. Je devrai graver le nom de votre enfant sur leurs troncs.
-Fais tout ce qu'il faut, mage. Je te fais confiance.
Le lendemain, la comtesse retourna dans la forêt. Le vieux sorcier magicien lui présenta deux anneaux. Un petit et un grand. Tous les deux en or.
-Voici ce que je vous propose, madame. Un des bracelets concerne votre petite fille qui, si je ne me trompe pas, s'appelle Amandine-Aimée de Marcicourt. L'autre, en or également, est pour vous. J'y ai inscrit votre nom. Regardez.
Et passant le doigt délicatement à l'intérieur de l'anneau, il montra trois petites aspérités dans le grand bracelet.
-Violette... de... Marcicourt... dit-il en présentant successivement les trois rugosités.
Il posa l'anneau sur la table et le fit tourner comme une toupie. Le bracelet se mit à vibrer en émettant un son qui ressemblait à un "é" prolongé, et l'on entendit :"bébé, bébé, bébé". Comme si une maman appelait son enfant.
Il saisit ensuite l'anneau plus petit destiné à Amandine-Aimée.
-Voilà, le bracelet de votre bébé. Vous y voyez quatre aspérités : Amandine... Aimée... de... Marcicourt.
Il posa l'objet sur la table et le fit tourner. L'anneau vibra également et lança un son ressemblant au « an » qui devint « maman, maman, maman », comme un enfant qui appelle sa mère.
Et soudain, le bracelet Amandine-Aimée se dressa à son tour, en même temps que l'autre. Quand le grand vibrait, le petit lui répondait et vice-versa : « Maman... bébé... Maman... bébé... »
-Tant que vous porterez ces bracelets à vos poignets, vous ne serez pas séparées, promit le mage.
Madame de Marcicourt remercia, passa l'anneau au bras de sa petite fille, mit le sien, et s'apprêta à repartir.
-Une chose encore, ajouta le mage. Comme je vous l'ai dit hier, j'ai été obligé, pour que la magie fonctionne, de graver le nom de votre petite fille cette nuit sur les quatre arbres de l'île qui se trouve sur le lac, à côté de votre château. Ainsi tant qu'ils garderont l'inscription, la musique des bracelets fonctionnera et vous resterez ensemble.
-Je te remercie, dit madame de Marcicourt.
Elle retourna au château.
Entretemps, Béatrice et François venaient d'arriver à la tour en ruines. Une petite construction, pas très haute, vraiment très lézardée et très abîmée, entourée de ronces, d'orties et envahie de lierre. On devinait une fenêtre étroite et deux ou trois meurtrières. Les murs s'élevaient en briques rouges rehaussées de pierres bleues. De plus, à quelques mètres de là, ils aperçurent un lac sur lequel se trouvait une île, avec des arbres.
Les quatre enfants décidèrent d'aller la visiter. Mais il fallait d'abord trouver un moyen. Une barque munie de ses rames était accrochée de l'autre côté du lac. Ils détachèrent le bateau et y montèrent.
Olivia sauta à l'intérieur. François souleva Amandine pour la poser dans l'embarcation, se tenant un pied sur la terre, un pied sur le bateau. Au moment précis où le grand frère portait sa petite sœur, elle lança cette phrase étrange :
-J'ai peur de l'eau... Je ne veux pas aller sur l'île... Maman... N'abandonne pas ton bébé...
Le garçon regarda la fillette.
-Amandine, que se passe-t-il? Tu as peur de l'eau maintenant? Et puis, je ne suis pas ta maman !
-Non, je n'ai pas peur, dit-elle en riant, et j'aime bien d'aller sur l'eau.
Elle n'avait pas conscience des mots prononcés.
Ils ramèrent jusqu'à l'île et y accrochèrent leur barque soigneusement.
Ils mirent pied à terre et la parcoururent en tous sens. Elle n'était pas bien grande et couverte de hautes herbes. Ils observèrent trois grands arbres debout et un quatrième couché. Des très vieux troncs épais. Celui tombé dans l'eau y flottait sans doute déjà depuis quelque temps. Il avait perdu ses petites branches et toutes ses feuilles.
Béatrice eut envie d'y monter et de jouer à s'y tenir en équilibre. Elle passa sur le tronc et avança peu à peu. Elle avait à présent l'eau du lac à gauche et à droite. Tout à coup, elle s'arrêta. Elle appela son copain.
-Je vois quelque chose gravé ici, mais à moitié effacé. « A - man – de », dirait-on.
-Peut-être des amoureux qui ont inscrit leur nom, lança François en souriant.
-Peut-être, répondit la fillette.
-Attends, je vais aller inspecter les autres arbres, proposa le garçon.
Il traversa l'île et, sur un autre, il vit le mot "Marcicourt", inscrit sur l'écorce.
-Et ici, « de », cria Béatrice qui avait changé de place. Et là, « Aimée ».
-Cela ne veut rien dire. « de-Aimée-Amande-Marcicourt », murmura François.
-Amandine, peut-être, suggéra Béatrice. Comme ta petite sœur. Cela ferait Amandine... Aimée... de... Marcicourt.
-Et si c'était le nom de quelqu'un qui vivait autrefois?
-Et si c'était lié à l'anneau! On se trouve près du château de pierres bleues et de briques rouges dont ta petite sœur parlait cette nuit.
Notre amie demanda à Amandine de le lui prêter.
-Regarde. J'aperçois quatre petites bosses, quatre petites rugosités à l'intérieur de ce bracelet. Amandine, dit-elle en touchant la première, Aimée en effleurant la seconde, de Marcicourt en glissant le doigt sur les deux autres.
À ce moment-là, elle posa l'anneau sur une pierre plate et le fit tourner comme une toupie, pour jouer.
Il se mit à vibrer. Les enfants entendirent le son "an", "maman, maman, maman". Puis, il se tut et s'arrêta.
-Génial, admira Béatrice. On dirait un enfant qui appelle sa mère.
-Extraordinaire, renchérit François. Je n'ai jamais vu cela. C'est fabuleux!
Ils rendirent l'anneau à Amandine.
La première chose qu'ils firent en revenant à la maison, fut bien sûr d'ouvrir un bottin de téléphone. Hélas, ils ne découvrirent aucun "Marcicourt" ni "de Marcicourt".
Du coup, ils téléphonèrent aux renseignements.
La préposée, fort aimable, accepta de chercher sur son ordinateur pour tenter de découvrir des "de Marcicourt" quelque part dans le pays.
-Je ne vois qu'une seule adresse, dit-elle. Cette famille habite dans un village en Ardenne, à Méanjoie.
Elle donna le numéro de téléphone à nos amis.
Béatrice, après avoir remercié, forma le numéro des de Marcicourt à Méanjoie. Une dame décrocha:
-Bonjour.
-Bonjour Madame. Je m'appelle Béatrice. Nous avons fait une découverte importante mon copain et moi, hier matin. Nous avons trouvé un anneau en or dans les champs.
La dame interrompit notre amie.
-Un bracelet en or? dis-tu. Il parle?
-Oui, affirma Béatrice. Nous l'avons fait tourner et il s'est mis à vibrer et à prononcer le mot « Maman ».
-C'était au milieu de la matinée, vers onze heures, affirma madame de Marcicourt.
-Mais oui, comment le savez-vous?
-Quel bonheur! s'exclama la dame. Chez moi se trouve un anneau en or avec trois petites aspérités à l'intérieur. Il ne bouge jamais dans la vitrine où nous l'exposons. Mais ce matin il s'est soudain soulevé. Il a vibré, émettant un son en « é », qui se transforma en « bébé, bébé, bébé ». Comme une mère appelle son petit.
Béatrice répéta que celui qu'elle avait découvert avec François lançait « Maman, maman, maman ».
-Il faut absolument que nous nous rencontrions, insista la dame. Mon mari est un de Marcicourt et je me prénomme Violette, comme une de mes ancêtres, vers les années 1420...
-Quelle bonne idée, Madame, fit Béatrice. La petite sœur de mon copain s'appelle Amandine et nous pensons qu'il doit y avoir un rapport avec une certaine Amandine qui vécut autrefois.
-Mon Dieu, répondit la dame, Amandine-Aimée! Cela remonte si loin... La fille de Violette...
Le papa de François prit le téléphone et un rendez-vous fut fixé pour le dimanche suivant au village de Méanjoie, en face de l'église, un manoir ancien.
Les parents de Béatrice et Nicolas, petit frère de notre amie, et ceux de François, avec Olivia et Amandine, se mirent en route.
En traversant le village de Méanjoie, ils aperçurent une petite fille d'environ cinq ans. Elle portait une salopette jaune et deux longues tresses blondes entouraient son visage. Elle sourit à leur passage et les salua d'un geste de la main. Tous répondirent de la même façon.
Toi, tu reconnais Isabelle et tu sais à présent où elle habite. J'espère que tu lis ses nombreuses aventures.
Sitôt arrivés chez les de Marcicourt, on réunit les anneaux, posés côte à côte sur la table du salon. Nos deux amis qui en connaissaient maintenant le secret montrèrent leur fonctionnement.
Béatrice fit tourner celui à quatre aspérités comme une toupie. Il vibra, émettant le son « maman » par trois fois. Au même instant, l'autre, le plus grand, celui avec trois rugosités, se redressa et sonna à son tour. Tous entendirent « bébé, bébé, bébé ». Puis, ce fut comme un doux dialogue entre une mère et son enfant. « Maman, bébé, maman, bébé, maman, bébé ».
-On dirait qu'ils sont faits pour se rencontrer, murmura François.
-Mais ce n'est pas tout, ajouta Madame de Marcicourt. Je vais vous lire quelque chose de passionnant!
Elle saisit un livre ancien.
-Un de mes ancêtres écrivit vers 1600 l'histoire de notre famille depuis le premier de Marcicourt. Le vieux grimoire est très détaillé, et chaque personne y a sa page.
Tous écoutaient attentivement.
-Et voici, ce que je lis au sujet de notre affaire, dit la comtesse:
Violette de Marcicourt, née en 1400, décédée en 1425.
-Oh, mon Dieu, murmura Béatrice, elle est morte jeune, à vingt-cinq ans!
-Oui, écoutez bien.
"Elle passa la fin de sa vie dans un monastère suite au décès de son mari parti à la guerre et suite au fait qu'elle fut séparée de son bébé par les soldats lorsqu'ils envahirent son château. Sur son lit de mort, elle fit promettre aux religieuses qui l'entouraient de bien conserver l'anneau qu'elle portait au poignet, et de tenter de le faire parvenir à sa famille, dans le sud de la France, car il permettrait sans doute de retrouver sa petite fille, volée par les soldats ennemis, à l'âge d'un an".
Amandine observait l'anneau couché sur la table, espérant peut-être encore l'entendre parler.
-Je tourne la page, annonça Madame de Marcicourt. Voici:
"Amandine-Aimée de Marcicourt, née en 1419, décédée en 1498. Arrachée aux bras de sa mère en pleine guerre par des soldats, elle fut placée ensuite dans un orphelinat en Angleterre. Un cousin de Marcicourt, l'y retrouva vers l'âge de douze ans. Il l'adopta. Elle n'avait jamais entendu parler d'un bracelet magique ou précieux".
Amandine voulut toucher l'anneau, mais sa maman retint son geste.
-Enfin, ajouta Madame de Marcicourt, au bas de la page est inscrite l'histoire de l'anneau.
"Deux bracelets furent créés par un vieux magicien sorcier à la demande de Madame Violette de Marcicourt, juste avant qu'elle soit séparée de son bébé. Celui qu'elle portait au bras est conservé dans notre famille. L'autre, qui se trouvait au poignet de la petite fille, disparut. Un des soldats qui attaquait le château l'arracha au bras de l'enfant et le vendit. Il en obtint quelques pièces à dépenser dans une auberge. Sans doute suite à cela, la maman fut séparée d'Amandine-Aimée et ne la revit jamais. La fillette fut adoptée à l'âge de douze ans".
François saisit les deux bracelets. Curieux, il les plaça l'un dans l'autre. Cela allait tout juste.
-Regardez, s'écria le garçon, on dirait qu'ils se complètent harmonieusement.
Dès qu'il les glissa l'un dans l'autre, ils se mirent à tourner, le plus petit dans le sens inverse du plus grand, à une vitesse sans cesse croissante. Notre ami, effrayé, posa les anneaux en mouvement sur la table. Une lueur apparut qui devint une lumière étincelante. Elle crût intensément et devint presque aveuglante. Chacun se protégea les yeux, les mains en visière.
Lorsque la lumière s'éteignit, les deux bracelets avaient disparu.
À leur place, sur la table du salon des de Marcicourt se trouvait un rubis taillé en forme de cœur, signe d'un grand amour d'un homme pour son épouse et d'une mère pour son enfant.