N°31
Magali se leva de son lit et regarda par la fenêtre. Elle observa le ciel. C'était une belle nuit d'été. Un croissant de lune répandait sa lumière dans le jardin, puis, au-delà de la haie, sur le champ de blé et là-bas plus loin, vers la rivière et le bois.
La petite fille rêvait en voyant les étoiles.
-Dommage qu'on ne puisse pas aller les cueillir, dit-elle. J'en remplirais tout un panier et je l'offrirais à papa et maman.
Notre amie de quatre ans et demi souriait.
Son grand frère, Arnaud, a huit ans. Et son petit frère, Julien, est encore un bébé.
Tu verras souvent Magali avec une salopette rouge et des baskets bleues ou blanches. Ses couettes noires dansent sur ses épaules.
Ce soir, elle portait sa robe de nuit rose avec des petits rubans. Elle aurait déjà dû être endormie. Papa et maman venaient de passer l'embrasser. Puis ils avaient éteint la lumière et refermé la porte. Mais la nuit était si belle.
Elle se remit au lit, saisit son doudou, un mouton en peluche blanc. Mais au moment de sombrer dans le sommeil, elle entendit qu'on l'appelait par son prénom.
-Magali, Magali !
Elle songea d'abord à son frère Arnaud. Pourtant, ce n'était pas possible. La voix venait d'ailleurs, pas de la chambre à côté. Julien ? Non, certainement pas. Le bébé ne parle pas encore. Papa ou maman ? Ce n'était pas la voix de papa, et encore moins celle de maman.
-Magali, Magali !
Ma parole, cela vient du jardin, se dit-elle.
Elle se leva, intriguée, et regarda par la fenêtre. Elle aperçut des canards, des centaines de canards. Ils se tenaient dans l'herbe.
La fillette remarqua un grand cygne blanc parmi eux. Mais surtout, elle vit un carrosse, tout en or, au milieu du jardin.
-Magali, Magali !
La voix était celle du cocher. Le cocher, c'est le conducteur du véhicule.
Notre amie observait tout cela en silence, très étonnée.
-Alors, tu viens avec nous ? Tu dois te décider.
-Pour aller où cela ? demanda Magali.
-Cueillir des étoiles !
-Je peux venir cueillir des étoiles ? se réjouit la fillette.
-Bien sûr. Tu en as fait la demande, alors, on passe te prendre. Mais dépêche-toi, on ne peut pas t'attendre longtemps.
-Je peux emporter un panier ?
-Bien sûr, répondit le cocher. Bonne idée !
-Je vais vite m'habiller.
-Non. Pas le temps. Tu peux nous accompagner en robe de nuit. Même pieds nus.
-Je ne peux pas descendre, ma chambre se trouve au premier étage.
-Je t'envoie l'échelle.
Un escalier en or sortit du véhicule et se posa sur l'appui de fenêtre de la fillette. Magali eut tôt fait de l'enjamber. Elle descendit les marches une à une et entra dans le carrosse. Elle s'assit sur le seul siège resté libre.
-En route pour les étoiles, cria le cocher.
Le grand cygne blanc battit des ailes et s'envola, entraînant derrière lui les mille deux cents canards. Le carrosse monta doucement vers le ciel, comme un avion qui décolle.
-Oh ! comme c'est beau, s'écria Magali.
Elle regardait par la fenêtre et vit disparaître au loin les lumières de son village.
-Nous allons bientôt dépasser la lune, cria le cocher. Observez-la à votre droite.
Notre amie aperçut le croissant lumineux. Mais il disparut lui aussi, loin derrière eux.
Plusieurs autres personnes se trouvaient dans le carrosse des étoiles. Un vieux monsieur, un papa et une maman et une jeune fille d'environ quinze ans. Elle souriait.
-Comment t'appelles-tu ? demanda le bon-papa.
-Je m'appelle Magali.
-Moi, je suis un grand-père. Je vais chercher des étoiles pour mon petit-fils de trois ans. Il me parle toujours d'étoiles. Il veut que je lui raconte des histoires avec des étoiles. Alors, j'en cueillerai une petite provision. Tu vois cette grande boîte? Je les poserai là-dedans. J'ai placé un peu d'ouate sur le fond pour qu'elles ne s'abîment pas. Je lui prendrai des rouges et des vertes. Ce sont ses couleurs préférées.
Magali observa ensuite le papa et la maman. Ils semblaient tristes.
-Nous, nous venons chercher des étoiles pour notre fille de onze ans, soupira la dame. Elle est à l'hôpital, gravement malade. Les docteurs disent qu'elle va peut-être mourir. Elle nous a confié hier, qu'elle voulait partir cueillir des étoiles. Nous lui avons dit de rester dans son lit et de bien se soigner. Alors, nous allons en chercher. Nous lui en rapporterons des bleues et des blanches. Nous les mettrons dans cette jolie bouteille dont nous avons conservé le bouchon. Elle pourra les regarder et peut-être les tenir dans ses mains.
Le papa serra la maman dans ses bras. Elle pleurait à présent.
-Et toi, demanda Magali à la jeune fille assise à ses côtés, pourquoi vas-tu chercher des étoiles ?
Elle lui fit un sourire et lui expliqua que sa petite sœur rêve chaque nuit d'étoiles.
-Je vais lui en ramener quelques-unes. Tu vois, je les glisserai dans mon mouchoir blanc, que j'enfermerai ensuite dans ce sac en plastique. Je lui choisirai des jaunes.
-Et moi, dit Magali, j'emporte un panier pour y mettre les miennes. J'espère bien le remplir. J'en donnerai à papa et maman et à mes deux frères, Arnaud et Julien.
Tout à coup, le conducteur du carrosse se tourna vers ses passagers.
-Nous sommes tout proche des étoiles à présent. Je dois vous avertir que vous ne pouvez en ramasser que quatre par famille. Il est interdit d'en rapporter plus, sinon, ce sera trop lourd au retour et nous risquons d'être retardés. Et si nous sommes retardés, nous arriverons sur Terre après le lever du soleil, et ce sera une catastrophe.
Le cocher insista particulièrement sur le mot catastrophe.
-Voilà, vous pouvez sortir à présent. Vous êtes arrivés.
La porte s'ouvrit. Magali n'en croyait pas ses yeux. Elle venait de poser ses pieds nus sur une sorte de tapis noir très épais, doux comme la peau d'une pêche et dans lequel on enfonçait comme dans de l'ouate. C'était à la fois moelleux et tiède.
-Oh, la belle bleue !
La fillette ramassa sa première étoile et la posa dans son panier. Comme elle brillait !
-Et là ! une jaune et une verte, l'une près de l'autre, lança la fillette en courant vers elles.
Elle les mit également dans son panier.
Puis elle aperçut une blanche. Elle la cueillit. Elle en vit une rouge, un peu plus petite. Elle la glissa parmi les autres.
Notre amie n'a que quatre ans et demi. Elle ne sait pas encore bien compter...
-Il est temps de repartir vers la Terre, appela le conducteur. Entrez dans le carrosse, mesdames, messieurs. Dépêchez-vous s'il vous plaît.
Magali reprit sa place à côté de la jeune fille, en face du bon-papa et des parents de la fille malade.
Le carrosse tiré par les mille deux cents canards, précédés du grand cygne blanc, se remit en route vers la Terre. Les canards n'arrêtaient pas de cancaner à tout moment. Ils bavardaient comme des écoliers dans les rangs à l'école, lorsqu'ils montent l'escalier vers leur classe.
Tout à coup, le cocher se tourna vers nos amis.
-Nous n'avançons pas assez vite. L'un d'entre vous a une étoile en trop.
-Ce n'est pas moi, affirma le grand-père. Regardez, j'ai quatre étoiles dans ma boîte, vous pouvez les compter. Deux rouges et deux vertes.
-Nous non plus, expliquèrent les parents. Nous avons glissé nos deux bleues et nos deux blanches dans la bouteille. Elles brillent joliment.
-Et moi, ajouta la jeune fille, je n'en ai que des jaunes. Si vous désirez, je peux ouvrir mon sac et dénouer mon mouchoir. J'en tiens quatre.
Tous se tournèrent vers Magali.
-Moi, je n'en ai pris que quatre également, déclara notre amie : une blanche, une bleue, une rouge, une jaune et une verte.
-Mais cela fait cinq ! s'écria le conducteur.
-Ah bon, s'inquiéta notre amie. Vous en êtes certain ?
-Oui, tout à fait. Il faut que tu te débarrasses de l'une de tes étoiles. Laquelle vas-tu jeter ?
Toi, lesquelles aurais-tu conservées ? Laquelle aurais-tu lancée par la fenêtre ? La bleue, la rouge, la blanche, la jaune, ou la verte ?
Magali choisit d'éliminer la blanche. Aussitôt, le carrosse accéléra.
Hélas, ils avaient perdu beaucoup de temps.
Quand ils arrivèrent en vue de la Terre, on distinguait les premières lueurs de l'aube. Le jaune et le rouge, mêlés au bleu et à l'orange, illuminaient déjà le ciel. Le soleil allait se lever.
Ils abordèrent les prairies et les forêts, survolant les arbres. La grande boule de feu apparut à l'horizon.
Le majestueux cygne blanc et les mille deux cents canards changèrent de cap et se dirigèrent vers un lac. Ils se posèrent sur l'eau. Les roues du carrosse touchèrent la surface liquide. Le véhicule s'enfonça et disparut au fond de l'étang.
Le bon-papa, un ancien champion de natation, ouvrit la fenêtre et remonta facilement vers la surface. Il s'en alla offrir ses étoiles à son petit-fils.
Le papa et la maman savaient bien nager. Ils se débrouillèrent en s'aidant l'un l'autre et sortirent de l'eau sains et saufs. Ils se précipitèrent vers l'hôpital avec leur bouteille bien fermée pour donner leurs étoiles à leur grande fille malade. Bonheur ! Elle guérit en quelques jours.
La jeune fille proposa son aide à Magali. Notre petite amie pleurait car elle avait très peur de se noyer.
-Je nage bien. Je vais t'aider. Prends ma main et serre-la très fort. On va remonter à la surface ensemble. J'ai l'habitude, avec ma petite sœur.
Elles se dirigèrent vers la rive et réussirent à se hisser sur la berge.
Les canards cancanaient joyeusement et le cygne s'éloignait, superbe.
Magali, toute mouillée, embrassa la jeune fille et courut vers la maison.
Elle arriva devant la porte, glissa..., et se retrouva assise sur le tapis de sa chambre à coucher...
Elle s'éveilla. Elle avait tout simplement rêvé !
Elle saisit son panier qui pend à un petit clou derrière la porte de l'armoire. Il était vide.
Elle descendit à la cuisine, s'assit, et raconta son beau rêve à ses parents.
-Dommage, dit-elle. J'avais cueilli quatre étoiles. Une pour chacun d'entre vous. Une pour toi papa, une pour maman, une pour Arnaud et une pour Julien.
Depuis ce jour-là, tous les soirs, notre petite amie ouvre sa fenêtre et observe la lune et les étoiles. Elle espère toujours que le carrosse des étoiles repassera, le beau carrosse tiré par le grand cygne blanc et par les mille deux cents canards.
Toi aussi, tu peux regarder le ciel le soir, depuis ta chambre. Avec la fenêtre ouverte, bien sûr. Peut-être qu'un jour, il passera pour toi. Tu pourras aussi aller cueillir des étoiles. N'oublie pas d'emporter un panier et de n'en ramasser que quatre.