N°28
Neuf heures, un samedi matin.
Une voiture arrêtée le long du bois, sur une petite route en terre. Le moteur tourne. Dans cette voiture, deux hommes attendent, deux jeunes d'environ vingt ans. Celui assis au volant semble encore plus nerveux et inquiet que son collègue à ses côtés. Ils guettent quelqu'un qui tarde à venir.
-Que fabrique-t-il ? Pourquoi n'arrive-t-il pas ?
-Je me demande, répond l'autre. Il devrait déjà être là. Si cela continue, on va se faire repérer.
-Pourquoi traîne-t-il ainsi ? Il est neuf heures cinq à présent. Tu te rends compte du retard qu'on a pris ?
-Il s'est peut-être perdu dans le bois ?
-Impossible. Il connaît tous ces chemins par cœur. On s'en va ?
-On ferait mieux de partir, d'accord. Les autres vont reconnaître la voiture en passant. Tout notre beau projet tombera à l'eau.
-Je lui donne encore cinq minutes, mais à ce moment, s'il n'est pas revenu, on met les voiles.
Cinq minutes plus tard.
-Enfin, ce n'est pas vrai ! Mais que fait-il ? Ah, je l'aperçois, là-bas, au bout du chemin. Mets le moteur en marche.
-Il tourne déjà, figure-toi.
Un troisième homme, un rien plus âgé, arriva en courant. Il s'engouffra dans le véhicule.
-Tu peux démarrer, dit-il.
-Pourquoi es-tu tellement en retard ?
-Je vais vous expliquer. En fait, je n'ai plus les notes.
-Quoi !
-Oui, j'ai perdu le papier, répéta sur un ton agacé celui qui venait d'embarquer.
-Comment as-tu fait pour égarer ce document ?
-Je l'avais posé à terre près de moi un instant, le temps de resserrer mes lacets. Il s'est envolé dans le vent et je ne sais pas où il est passé. Pas de panique.
-Tu ne vas pas me dire, insista celui qui tenait le volant, que tu as perdu la note qui comportait les énigmes...
-Si. C'est pour cela que je suis en retard. Je l'ai cherchée partout. De toute façon, ce n'est qu'un bout de papier. Tu crois vraiment que des promeneurs vont s'arrêter pour lire une feuille qui traîne ou qui vole dans le bois et que le vent emporte ? Cela n'intéressera personne. Ne craignez rien, les amis, on ne risque pas grand-chose. On ne change rien à notre plan concocté avec tant de soin.
Ils quittèrent la forêt. La voiture passa sur une artère principale et accéléra.
Le même jour, vers deux heures de l'après-midi.
François sonna chez Béatrice. Ils ont tous deux sept ans et demi et vont dans la même classe à l'école. Ils sont grands amis.
-Salut, Béatrice.
-Salut, François.
-Je peux venir jouer avec toi ?
-Oui, bien sûr, se réjouit la fillette.
-Tu as fini ton devoir de calcul ?
-Ne m'en parle pas, supplia son amie. C'est tellement compliqué. Je n'y comprends rien.
-Je te l'expliquerai tantôt, proposa le garçon. On va faire un tour à vélo ?
-Maman, on peut aller se promener ? demanda Béatrice.
-Où allez-vous ?
-Jusqu'à la plaine de jeux.
-Oui, mais ton devoir de calcul, ma chérie ?
-Je le ferai tantôt avec François, quand on reviendra.
-Bon, pas trop tard. Et essaie de ne pas trop salir tes habits, pour une fois.
-Oui, maman.
Ils s'apprêtèrent tous deux à partir à vélo. Béatrice portait un jean coupé en bermuda, un t-shirt bleu clair et ses sandales de gym blanches. Le garçon était habillé à peu près de la même manière.
-Allons par le bois, proposa François. On arrivera plus vite.
-Chut. Papa et maman ne veulent pas que j'aille toute seule dans la forêt.
-Tu n'y vas pas toute seule, tu seras avec moi.
-C'est vrai, fit Béatrice en souriant.
Ils se mirent en route vers cette plaine qui se trouve à la lisière des grands arbres, mais de l'autre côté du bois qui borde leur village.
Notre amie freina tout à coup au milieu des sapins. Son copain se retourna et lui demanda pourquoi cet arrêt soudain.
-Parce que j'ai soif.
Elle descendit de son vélo, le coucha à terre et but quelques gorgées à sa gourde.
Une feuille de papier, amenée par le vent, vint voltiger près d'elle. Curieuse, elle la prit et la déchiffra.
-François, viens voir. On dirait un message secret.
Le garçon posa son vélo au sol à son tour. Ils s'assirent l'un près de l'autre par terre et lurent. Il y avait quatre phrases.
« À dix-sept heures, les otages seront liquidés ».
-Ça veut dire quoi ? demanda la fillette.
-Les otages sont des prisonniers. Ça signifie que tantôt, à cinq heures, ces gens seront tués, précisa son ami qui adorait les films d’action.
-Je comprends.
-C'est un document perdu par des bandits, enchaîna François. Ils ont kidnappé des enfants ou des grands. Ils les ont enfermés quelque part et à cinq heures ils vont les tuer. C'est terrible.
-Regarde les autres phrases, en-dessous, poursuivit Béatrice. Elles ne veulent rien dire...
« À l'ombre des sapins se trouve un banc d'où l'on entend coasser des crapauds ».
« Si les châtaignes étaient mûres, elles tomberaient dans la boue ».
La dernière ligne parut encore plus mystérieuse.
« Les araucarias piquent moins que les cactus, mais plus fort que les autres feuilles d'arbres ».
-Je n'y comprends rien, avoua la fillette.
-Moi je pense aux otages qui seront liquidés, tués, à cinq heures, dit son copain. On devrait alerter la police.
-Ils ne vont pas nous croire, craignit Béatrice. Les policiers ne nous écouteront même pas. Ils diront qu'on invente, qu'on a écrit le papier nous-mêmes pour nous rendre intéressants, ou qu'on a trop d'imagination. On ferait mieux de tenter de libérer les otages nous–mêmes.
-Bonne idée. Notre photo paraîtra dans le journal. On passera peut-être à la télévision.
-Ne perdons pas de temps à rêver. On n'a que jusqu'à cinq heures.
-Oh ! s'exclama soudain François. Je crois que je comprends la deuxième phrase.
« À l'ombre des sapins se trouve un banc d'où l'on entend coasser des crapauds ».
-Je me souviens d'un banc situé dans la forêt où je suis allé avec papa, maman et mes sœurs l'autre jour. Il se trouve à l'ombre de grands sapins. Il y avait un étang en contrebas. On entendait coasser des grenouilles. J'en ai vu plusieurs avec Olivia. Amandine, qui n'a que trois ans, n'osait pas s'approcher.
-C'est loin ? demanda Béatrice.
-Non, pas vraiment. Je crois que je vois le chemin. À vélo, on y parviendra en un quart d'heure, peut-être vingt minutes. On y va ?
Ils remontèrent tous les deux sur leurs bicyclettes et s'enfoncèrent dans la forêt. Ils arrivèrent peu après à l'endroit décrit par la première énigme.
Ils s'assirent sur le banc, à l'ombre des sapins et écoutèrent les crapauds. On les entendait chanter. Nos amis se demandaient ce qu'il fallait faire à présent.
Tout à coup, Béatrice remarqua quelqu'un qui s'appuyait contre un arbre à une centaine de mètres.
-Regarde, François, là, à gauche. Cet homme nous observe avec des jumelles.
-Attention, avertit le garçon. C'est peut-être le voleur qui tient les otages en prison. Il pourrait nous enfermer aussi.
-Il s'approche, dit la fillette. J'ai peur.
-Ne bougeons pas. Après tout, on ne fait rien de mal en s'asseyant sur ce banc.
François, collé contre son amie, balançait ses jambes. Il glissa ses doigts en-dessous de la planche du siège sur lequel ils se trouvaient. Il toucha quelque chose de plat. Un papier ou un carton.
-Je crois qu'un message est collé sous le banc, murmura le garçon.
-Quoi ? interrogea sa copine.
-Je ne sais pas. On dirait du papier. Ça tient avec du scotch, mais ce n'est pas le moment de le prendre. Regarde, l'homme vient vers nous.
Trop tard pour songer à se sauver. Ils firent semblant de ne pas le voir, mais l'individu approchait avec ses jumelles en bandoulière.
-Je n'ai pas envie qu'il vienne trop près de nous, s'inquiéta Béatrice. Il me fait peur. Pourvu qu'il passe comme ça, sans...
Mais l'homme s'arrêta près des deux amis.
-Bonjour les enfants.
-Bonjour, répondit François timidement.
-Vous pouvez me dire où se trouve le parking ?
-Cela dépend lequel. Il y a un emplacement rond à gauche et un autre, carré, plus loin à droite, précisa notre ami.
-Le rond.
-Le rond, répéta le garçon. Allez par là puis à gauche. Suivez ce sentier, il y conduit.
-Merci, salua l'homme.
Il s'éloigna.
-Ouf, souffla Béatrice.
-On a eu de la chance, affirma François. Viens, ne restons pas ici.
Le mystérieux individu tourna à l'angle du sentier. On ne le voyait plus.
Nos amis se mirent à quatre pattes et regardèrent sous le banc. Ils détachèrent ce qui s'y trouvait collé. Une enveloppe. Plusieurs lignes y étaient dessinées au crayon. Des lignes verticales, des horizontales, et une oblique.
Ils ouvrirent l'enveloppe et trouvèrent un message à l'intérieur.
« Trouvez la première clé, pendue dans le bois, à une branche de sapin ».
Les deux enfants s'aventurèrent sous les arbres. Ils cherchèrent un peu à l'aveuglette, et tout à coup, François la vit, accrochée le long d'un tronc. Une petite clé de deux centimètres en métal blanc. Il la prit et la montra à son amie.
Au même instant, ils entendirent des chuchotements à l'autre bout du carré de sapins. Ils remarquèrent que les hautes fougères remuaient. On s'approchait d'eux.
-Viens, on s'en va, fit Béatrice. Des gens ou des animaux se déplacent dans les broussailles. Sauvons-nous.
Ils coururent tous deux vers leurs vélos. François glissa l'enveloppe dans la poche arrière de son jean et Béatrice garda la clé dans celle de son bermuda. Ils s'éloignèrent rapidement.
-Je me demande où se trouvent les otages. Il est déjà trois heures et demie, dit la fillette. On n'est pas très avancés.
Les oiseaux chantaient, indifférents à leurs réflexions.
-« Si les châtaignes étaient mûres, elles tomberaient dans la boue », relut Béatrice. Ça n'a pas de sens...
-Une chose est certaine, réfléchit François. Le châtaignier pousse au bord d'un étang puisque quand ses fruits seront mûrs, ils tomberont dedans.
-Bien vu, mais alors, je sais où aller, s'écria notre amie en freinant et en dérapant sur son vélo. J'ai joué à cet endroit en septembre avec la ronde de lutins dont je fais partie. On a toutes ramassé des châtaignes au bord d'une mare. L'arbre poussait juste à côté.
-Tu te souviens du chemin ? demanda le garçon.
-Oui, je vois à peu près. Remontons sur nos vélos. Je te montre la route.
Et les voilà repartis tous deux sur les petits sentiers et même parfois à travers tout, toujours plus loin, dans le bois.
Ils arrivèrent après un bon quart d'heure et quelques hésitations au pied d'un châtaigner. Les fruits n'étaient pas mûrs au mois de juin. Une mare de boue et de vase stagnait juste à côté.
Quinze heures quarante-cinq.
-Regarde, là, dans l'arbre, s'exclama François. Je vois quelque chose.
Béatrice fit la courte échelle à son copain qui monta sur une première branche située assez haut, puis sur une seconde. Il prit l'enveloppe. De nouveau, des lignes horizontales et verticales y étaient dessinées, ainsi que deux obliques en forme de X.
Le garçon redescendit. Ils ouvrirent l'enveloppe. Elle contenait, elle aussi, un message.
« La deuxième clé est dans la mare ».
-Oh, zut! soupira la fillette.
Ils ôtèrent tous deux leurs tennis, remontèrent leurs bermudas le plus haut qu'ils purent et entrèrent dans l'eau boueuse.
Ils se penchaient, occupés à fouiller à deux mains dans l'eau sale depuis quelques minutes, quand ils entendirent une voix les appeler derrière eux. Deux jeunes d'environ vingt ans les observaient.
-Vous cherchez quelque chose ?
François ne savait que dire, mais Béatrice répondit.
-J'ai perdu ma clé.
-Ça va aller ?
-Oui, oui, on se débrouille, affirma la fillette. Merci beaucoup.
Les deux jeunes s'éloignèrent, au grand soulagement des enfants.
Dès qu'ils furent partis, le garçon interrogea son amie.
-Pourquoi leur as-tu parlé de la clé ? Ce sont peut-être eux, les bandits.
-Toi, tu ne disais rien du tout, s'écria Béatrice. J'ai dit la première chose qui me passait par la tête. C'est tout. Allez, cherchons.
Ils pataugèrent encore dans la vase un long moment, puis tout à coup, François sentit quelque chose d'assez dur sous ses orteils. Il se pencha et sortit une petite clé métallique de l'eau trouble. Elle mesurait environ deux centimètres, comme la première.
-Voici la deuxième, lança le garçon.
Ils quittèrent le bourbier. Un ruisseau d'eau pure coulait à proximité. Ils en profitèrent pour se laver les pieds avant de remettre leurs chaussures.
Béatrice glissa la deuxième clé dans sa poche et François poussa l'enveloppe avec l'autre dans la sienne.
Il restait la dernière phrase. Nos amis ne la comprenaient vraiment pas.
« Les araucarias piquent moins que les cactus, mais plus fort que les autres feuilles d'arbres ».
Ils ne connaissaient pas le mot « araucaria ».
Ils aperçurent un homme et une femme qui marchaient sous les grands arbres en se donnant la main. Les enfants coururent vers eux.
-Pardon, monsieur, madame. Excusez-nous de vous déranger. Que veut dire le mot « araucaria » ?
- Het spijt me, maar ik begrijp je niet.
-Ah, vous parlez néerlandais. Excusez-nous. Dank u.
Nos amis croisèrent une dame qui poussait un bébé dans une voiturette en bavardant avec son amie.
-Madame, demanda Béatrice, pouvez-vous nous expliquer ce que veut dire le mot « araucaria » ?
-C'est une plante qui ressemble à un cactus. Les longues tiges sont recouvertes de feuilles vertes un peu piquantes. On en trouve dans cette forêt. Suivez le chemin où nous sommes pendant environ dix minutes, vous découvrirez des grands araucarias sur votre gauche. Ce sont des plantes originaires d'Amérique du Sud.
-Merci, madame.
Nos amis sautèrent sur leurs vélos, pédalèrent le plus vite qu'ils pouvaient et arrivèrent au pied d'un immense massif d'araucarias. Il était un peu plus de seize heures.
François se faufila entre les branches du buisson. Cela piquait un peu aux jambes et aux bras, mais il apercevait une enveloppe. Il la prit.
Elle était couverte de lignes horizontales, verticales et obliques, comme les autres. En plus, un O et un X étaient ajoutés au crayon gras.
À l'intérieur de l'enveloppe se trouvait une troisième clé.
-Et maintenant ? interrogea Béatrice. On comprend les trois phrases, on tient les trois clés. Nous savons que les otages seront liquidés à cinq heures, mais où se trouvent ces pauvres prisonniers ?
Les deux enfants se regardaient, perplexes. Et le temps passait. Seize heures quinze.
Tout à coup, notre amie imagina que les petites lignes dessinées sur les enveloppes pouvaient signifier quelque chose.
François les étala l'une près de l'autre sur la terre du chemin. Il les tournait et les retournait dans tous les sens. Elles semblaient former un puzzle.
-C'est un plan de la forêt, s'écria soudain la fillette. Nous sommes entrés par ici, la plaine de jeux se situe là. Je vois ce O et ce X, près du lieu où huit lignes se croisent, formant un + et un x à la fois. Je connais. À cet endroit, huit chemins se rencontrent en un même point. Un vieil arbre pousse au centre de ce croisement. Je suis un jour passée par là. Papa m'a dit que c'est un vieux tilleul.
-Juste à côté se trouvent le O et le X. C'est là que sont enfermés les otages, affirma le garçon. Allons-y. Regarde, nous sommes ici, dit-il en posant son doigt sur un point de la carte. Il faut aller là. Si on pédale bien, on y arrive en dix minutes. En route.
Ils remontèrent sur leurs vélos et s'enfoncèrent dans la forêt.
Il était un peu plus de quatre heures et demie quand ils parvinrent à cet endroit du bois où se dressait l'arbre planté au milieu du carrefour des huit chemins.
Ces routes en terre forment une boussole géante. Une piste va au Nord, une autre au Sud, une à l'Est, une à l'Ouest. Les autres partent respectivement au Nord-Ouest, Nord-Est, Sud-Ouest, Sud-Est.
D'après le plan dessiné sur les enveloppes, il leur restait à peine deux cents mètres à parcourir. Puis il fallait tourner à droite et trouver le point O et le point X.
Nos amis avançaient, tenant leurs vélos à la main à présent, car ils longeaient une profonde ornière où dansaient une féerie de moustiques. Ils virent deux jeunes d'environ vingt ans, assis contre un arbre.
Les deux enfants reconnurent ceux rencontrés près du châtaigner et qui leur avaient demandé ce qu'ils faisaient dans la mare.
Béatrice et François avaient caché les clés et les enveloppes dans leurs poches. Ils passèrent sans rien dire, mais ils n'étaient guère rassurés.
Ils arrivèrent à un curieux endroit où le chemin s'élargissait en forme de O. À droite, un étroit sentier disparaissait presque dans les fougères et les orties.
À ce moment précis et crucial, ils aperçurent l'homme qui portait des jumelles au bout de la route en terre. Il avait interrogé nos amis concernant des parkings, mais il n'y était pas allé.
Les deux enfants se sentaient cernés. Les jeunes se levèrent et vinrent vers eux.
-On fait quoi ? hésita François.
-On ne peut plus reculer. Filons par le sentier, proposa Béatrice.
Ils avançaient l'un derrière l'autre. Ils marchaient sur des morceaux de briques qui jonchaient le sol. Quinze mètres plus loin, ils découvrirent l'entrée d'un souterrain dont le toit écroulé laissait apparaître un trou béant.
À droite, un éboulement comblait le passage. À gauche, le tunnel se prolongeait dans l'obscurité.
Nos amis couchèrent leurs vélos dans les fougères. Ils hésitaient à sauter dans l'ouverture située à leurs pieds.
Au même moment, ils entendirent des bruissements de feuilles et des chuchotements tout autour d'eux. Vingt ou trente personnes approchaient par tous les côtés à la fois, disssimulées dans les fougères. Béatrice et François ne pouvaient pas les voir mais ils les percevaient progresser lentement, inexorablement vers eux.
L'homme aux jumelles arrivait aussi. Les deux jeunes de vingt ans apparurent à l'entrée du sentier.
Encerclés, affolés, cédant à la panique, nos amis ne trouvèrent qu'une solution pour tenter de leur échapper. Entrer dans le souterrain.
Ils sautèrent, puis se baissant, ils s'avancèrent dans l'ombre à quatre pattes. C'était boueux. Dire que maman avait demandé à Béatrice de ne pas trop se salir !
Ils progressaient à présent sur les mains et les genoux. Plus loin, ils durent se baisser encore plus car le plafond du souterrain descendait. Ils rampèrent deux mètres dans la boue froide.
Là s'arrêtait le tunnel. Un vieux mur de briques fermait le passage. Et tout contre, se trouvait une grande boîte en bois avec trois serrures.
Il faisait trop noir et trop sale pour rester là et tenter d'ouvrir le coffre avec les trois clés que nos amis possédaient. Ils l'emmenèrent en le faisant glisser derrière eux. Ils sortirent du souterrain, les vêtements dégoulinants de boue.
Une trentaine de garçons, habillés en scouts, entouraient à présent l'entrée du tunnel. Les deux jeunes s'étaient joints à eux et l'homme aux jumelles également. Tous portaient un même foulard orange et bleu autour du cou.
-Eh bien..., fit l'homme aux jumelles.
Nos deux amis regardaient autour d'eux, ébahis et encore apeurés.
-...puisque vous avez le coffre, ouvrez-le. Je suppose que vous tenez les trois clés.
-Oui, murmura notre amie.
-Allez-y, libérez les otages.
-Oui, monsieur, fit François à son tour.
-Tu te souviens, commenta un des jeunes à celui qui portait les jumelles en bandoulière. Je t'entends encore... « Ce n'est qu'un bout de papier. Tu crois vraiment que des promeneurs vont s'arrêter pour lire ce qui traîne ou qui vole dans le bois et que le vent emporte ? Cela n'intéressera personne ». Voilà où on en est à cause de toi.
François introduisit les trois clés sans trop comprendre. Béatrice les fit tourner chacune dans sa serrure. Ils ouvrirent le coffre. Cinq papillons s'envolèrent.
-Et voilà, fit l'autre jeune. Les otages sont libérés.
-Je ne comprends rien, avoua notre ami.
-Je vous explique, dit l'homme aux jumelles. Nous ne sommes pas des bandits, comme vous le croyez, mais les chefs d'une troupe de scouts. On avait organisé un grand jeu, cet après-midi. Nos garçons devaient comprendre quatre phrases, découvrir trois clés et délivrer cinq papillons, nos otages, ici, au fond du souterrain. Mais vous avez trouvé la feuille perdue ce matin par ma faute et vous avez suivi le jeu, sans vous tromper, de bout en bout. Vous êtes des petits malins.
Béatrice et François commençaient à réaliser qu'ils n'auraient pas leur photo dans les journaux et qu'ils ne passeraient sûrement pas au journal télévisé.
-Vous avez été si rapides, que vous avez devancé nos scouts. Allez, les otages sont libérés, vous pouvez retourner chez vous. Encore bravo !
Les deux enfants revinrent à leur maison. L'accueil ne fut pas très agréable à cause de la boue qui maculait leurs habits, mais ils contèrent en détail leur aventure aux parents.
Ceux-ci se rappelèrent le temps où ils jouaient eux aussi sur les chemins boueux et dans les bois, puis revenaient chez eux bien crottés et tout s'arrangea...dans un grand éclat de rire.
Et François aida Béatrice à faire son devoir de calcul.