N°28
Magali, debout derrière la fenêtre de sa chambre regardait le violent orage. Le ciel était tout noir. Le vent soufflait avec force. On l'entendait siffler. La pluie crépitait sur les vitres en tombant par rafales. Les éclairs se succédaient les uns aux autres et les coups de tonnerre étaient effrayants.
Notre petite amie de quatre ans et demi avait un peu peur. Heureusement, ses parents se tenaient tout près, ainsi qu'Arnaud, son grand frère de huit ans, et même le petit Julien, encore un bébé. Ça la rassurait de se trouver près d'eux.
On ne voyait presque plus à travers les vitres. L'herbe du jardin disparaissait sous les flaques d'eau.
Puis les gouttes se changèrent en grêle et tout devint blanc.
Enfin l'orage s'éloigna doucement. Le soleil apparut entre les nuages.
Juste à ce moment, Magali aperçut plusieurs de ses amis animaux au fond du jardin. La jolie pie, l'écureuil aux yeux très doux, la vieille souris et le gentil lapin.
-Maman, mes copains m'attendent près de la barrière. Je peux aller près d'eux, s'il te plaît ?
-Regarde l'herbe trempée, ma chérie.
-Je vais mettre mes bottes et ma veste bleue.
Magali passa sa veste et ses bottes et sortit au jardin. Des gouttes tombaient encore, mais on n'entendait presque plus l'orage.
-Quelle tempête ! gémit le gentil lapin. L'eau coulait dans mon terrier. J'ai dû me sauver dans les blés pour ne pas me noyer.
-Et moi, fit la jolie pie, la grêle m'effrayait. Les grêlons ont rempli mon nid en deux minutes. J'ai dû me cacher sous la branche d'un chêne. C'était affreux! Je ne voyais plus toutes les jolies choses que je ramasse partout et qui décorent mon nid : ma pièce de deux euros, ma boucle d'oreille en or, le capuchon de stylo doré, ma chaînette en argent, et bien d'autres choses encore.
-Mon terrier s'est rempli d'eau, dit la vieille souris. Une catastrophe ! Mes grains de blé risquent de moisir dans la boue.
-Quant à moi, soupira l'écureuil aux yeux très doux, la pluie entrait dans le trou de l'arbre où j'habite. Il faudra au moins deux heures pour qu'il sèche. Mais ce n'est pas pour cela que nous venons te parler.
Magali les écoutait en silence.
-Nous venons, reprit le gentil lapin, pour te demander de sauver ton ami escargot.
-Serais-tu d'accord ? demanda la jolie pie. Il risque, sinon, de mourir.
-C'est de sa faute, ajouta la vieille souris qui répète toujours la même chose.
-Dis oui, insista l'écureuil aux yeux très doux.
-Je veux bien, répondit la fillette. Que s'est-il passé ?
-Il est monté sur l'arbre qui pousse au bord de l'étang vert en rampant le long du tronc, expliqua le gentil lapin. Puis il s'est avancé le long d'une branche, et enfin, il s'est arrêté sur une feuille.
-À ce moment-là, l'orage a éclaté et les grêlons ont frappé si fort sur la coquille de ton ami et sur la feuille qui tremblait que le pauvre petit a glissé, reprit la jolie pie. Par chance, il n'est pas tombé dans l'eau. Il a atterri sur un nénuphar. Mais un escargot, n'oublie pas, ne sait pas nager.
-Exact, précisa l'écureuil aux yeux très doux. La feuille du nénuphar a sauvé l'escargot de la noyade. Mais à présent, il est bien malheureux. Il tourne en rond sur cette feuille comme sur une île. Si on ne va pas le chercher et le remettre sur la terre ferme, il risque d'y mourir de faim ou de se noyer au cours du prochain orage.
-En effet, ajouta le gentil lapin, un escargot ne peut pas sauter comme moi.
-Et, dit la jolie pie, un escargot ne peut pas s'envoler.
-Et il ne sait pas nager, ajouta l'écureuil aux yeux très doux.
-Je l'ai dit et je le répète, grogna la vieille souris, c'est de sa faute.
-D'accord, répondit Magali. Accompagnez-moi. Allons-y.
Elle passa à quatre pattes sous la haie, traversa le champ de blé encore tout mouillé et s'arrêta au bord de l'étang. Cela enfonçait un peu dans l'eau noire, mais heureusement elle portait des bottes aux pieds.
Elle fit quelques pas entre les roseaux et aperçut le nénuphar et le petit escargot au milieu de l'étang.
-Il est trop loin, soupira notre amie. Je ne peux pas l'atteindre en tendant le bras.
-Enlève tes bottes, proposa le gentil lapin. Vas-y pieds nus.
Magali n'avait pas très envie de faire cela parce que l'eau d'un étang est plutôt sale. On y trouve du pipi de canard, de la bave de crapaud, de la vase et de la boue, et parfois même un poisson pourri.
-Tu pourrais nager jusque-là, proposa la jolie pie.
Mais notre amie voulait encore moins nager là-dedans.
-Essaie de lui tendre un bâton, dit l'écureuil aux yeux très doux. Ou bien tire le nénuphar vers toi.
Malheureusement elle ne trouva aucun bâton assez long.
-Tant pis, ajouta la vieille souris. C'est quand même de sa faute.
La jolie pie, volant au-dessus de nos amis, aperçut une barquette amarrée de l'autre côté de l'étang. Magali s'y rendit en passant parmi les hautes herbes. Elle entra dans l'embarcation et défit le nœud de la corde qui la retenait au bord.
Elle saisit une rame et fit avancer la barque doucement, au gré des vagues et des remous. Elle parvint tout près du nénuphar. Elle se coucha contre le bord du bateau et tendit les bras. Cela penchait un peu. Pourtant, notre petite amie n'est pas bien lourde.
Elle attrapa le nénuphar entre ses doigts et tira de toutes ses forces pour le rapprocher d'elle au maximum.
Quand il fut assez près, elle saisit l'escargot et le posa sur la planche sur laquelle on s'assied dans une barquette. Il était sauvé. Magali souriait, très fière.
Mais à présent, elle se trouvait au milieu de l'étang, parmi les nénuphars et les roseaux. Et plus moyen de revenir au bord ! Notre amie eut beau ramer de toutes ses forces, impossible de dégager la barque hors des plantes entre lesquelles elle s'était coincée.
Les larmes de Magali se mirent à couler. Elle était comme le pauvre escargot, tantôt, sur sa feuille. Elle se sentait bien seule dans sa barque. Elle refusait de nager dans cette eau vaseuse qui l'entourait. Elle ne voulait pas risquer de se noyer dans l'étang.
Elle appela papa, maman, Arnaud, en criant bien fort, mais aucun d'eux ne répondit.
-Ils sont trop loin, murmura tout haut la fillette. Ils ne m'entendent pas.
Allait-elle rester là au milieu de l'étang ?
Le gentil lapin eut une idée.
-Essaye de ramer avec tes mains.
Magali se coucha contre le bord de la barquette et tenta, en enfonçant ses bras dans l'eau jusqu'au coude, de faire avancer le petit bateau. Hélas, il ne bougea pas plus qu'avec les rames.
La jolie pie lui proposa autre chose.
-Tire avec tes mains sur les roseaux ou sur les nénuphars. Tu feras avancer le bateau.
Malheureusement, l'embarcation restait bien accrochée dans les plantes. Elle n'avança pas d'un centimètre.
-Plonge, suggéra l'écureuil aux yeux très doux.
Mais encore une fois notre amie refusa de nager. D'abord, elle ne sait pas encore vraiment, et puis l'eau était tellement froide et sale que cela la rebutait.
-C'est de ta faute, dit la vieille souris.
-Toi, tais-toi et cesse de répéter sans cesse la même chose, cria la fillette.
La vieille souris partit.
Notre amie réfléchit. Une idée lui vint. Envoyer ses amis chercher de l'aide à la maison.
-Va vite, gentil lapin, dit-elle, pleine d'espoir.
Le petit animal courut en toute hâte et entra dans la maison de notre amie par la porte de la cuisine. Les parents de Magali s'occupaient à préparer le repas du soir.
-Quel joyeux petit lapin ! dit la maman. Tiens, prends une carotte. C'est pour toi.
Il la mangea, puis revint au bord de l'étang.
-J'aime beaucoup ta maman. Elle m'a offert une belle carotte. Mais je ne crois pas qu'elle viendra.
Magali envoya l'écureuil aux yeux très doux. Il fila à la maison et entra par la porte-fenêtre du salon que l'on venait d'ouvrir après l'orage. Il s'approcha du petit frère de notre amie. Julien, le bébé fit un beau sourire.
L'écureuil aux yeux très doux observa le petit en inclinant la tête plusieurs fois. Le bébé se mit à rire. Puis il revint près de la fillette.
-Voilà. Je suis allé à ta maison. J'y suis entré et j'ai vu ton petit frère. Il a beaucoup ri en me regardant. Je crois qu'il m'aime bien. Mais il ne peut pas venir te délivrer, car il ne peut pas sortir de son parc.
-Bien entendu, répondit notre amie. Il est beaucoup trop petit.
La jolie pie alors s'envola et fonça vers la maison de notre amie à son tour. Elle se posa sur le bord de la fenêtre du premier étage. Ce n'était pas la chambre de Magali de ce côté, mais celle d'Arnaud, son grand frère de huit ans.
L'oiseau regarda par la vitre puis revint près de la barque.
-Ton grand frère joue avec son amie Manon. Ils se donnent des bisous. Je n'ose pas les déranger.
-Zut, s'écria Magali. Qui va venir m'aider à me sortir des nénuphars ?
Quelques gouttes de pluie se mirent à tomber. L'orage revenait. Bientôt, malgré ses bottes et sa veste, notre amie risquait d'être complètement trempée. Tout ruisselait.
En plus, elle avait peur maintenant, très peur. Elle venait de voir un éclair et entendit le grondement du tonnerre. Assise toute seule, sur la barque, au milieu de l'étang, sous la pluie qui tombait de nouveau à torrent, elle se mit à pleurer.
Quelques minutes passèrent, puis elle vit arriver un pêcheur.
-Que fais-tu là au milieu de l'eau, petite fille ?
-Je suis montée sur la barquette pour aller chercher et sauver mon petit escargot, monsieur. Mais je ne peux pas revenir. Je reste coincée dans les nénuphars. Je suis trempée, j'ai froid. Je veux retourner à la maison, chez papa et maman.
-Pousse-toi sur le côté, dit le pêcheur. Je vais tâcher d'amener ce bateau avec le hameçon de ma canne à pêche.
L'homme visa avec soin, fit un lancer et attrapa la barque sans blesser notre amie. Il tira et la fit glisser jusqu'au bord de l'étang.
Magali put mettre pied à terre. Elle prit le petit escargot et le posa dans l'herbe. Il était sauvé. Et elle aussi. Elle remercia le pêcheur et courut chez elle.
En route vers la maison, elle salua le gentil lapin qui retournait à son terrier, la jolie pie qui s'envolait vers son nid, et l'écureuil aux yeux très doux qui se dépêchait vers son arbre.
La vieille souris, du fond de son trou, murmurait :
-C'est de sa faute... c'est de sa faute...
Et je te dis bonsoir, car mon histoire est terminée.