N°1
L'an 1887. Au mois d'août.
Baral Gunaykan marchait dans la chaleur moite et l'obscurité la plus totale. Il ne distinguait rien autour de lui sauf la flamme de sa torche.
L'endroit où il se trouvait devait être immense. Le flambeau qu'il tenait à la main n'éclairait ni la voûte ni les côtés du lieu, seulement les murs de basalte gris, hauts de deux mètres, entre lesquels il avançait.
Sous l'autre bras, il portait une stèle lourde et ronde, couverte de lignes. Elle mesurait environ un mètre dans son plus grand diamètre. Sur ce disque de pierre orange se trouvait gravé le plan du labyrinthe au centre duquel il tentait de parvenir.
À chaque embranchement, l'homme s'arrêtait, déposait la stèle contre le mur et essuyait la sueur qui coulait le long de son visage. À soixante ans, il n'avait plus la vitalité de ses vingt ans. Il approchait alors le flambeau du disque et repérait avec attention la suite de son chemin.
Baral Gunaykan reprenait alors sa stèle et continuait sa lente progression dans l'oppressante obscurité. L'aventurier qu'il était devenu avait déniché ce plan gravé dans la roche, au fond d'un canyon désolé d'un désert qu'il traversait pour visiter un pays voisin.
Depuis, il consacrait toute sa vie d'explorateur à cet étrange disque qui datait de près de trois mille ans. Il venait à présent de découvrir enfin où se trouvait enfermé ce labyrinthe dont il suivait le long et mystérieux parcours, qui allait le conduire à la découverte la plus fabuleuse de tous les temps.
Il repensait parfois à ces quinze ans de recherches patientes, attentives, méticuleuses, qui avaient englouti toute sa fortune. Hier, enfin, il était arrivé à l'entrée d'une grotte, accompagné par son guide, ses gardes et ses porteurs.
La nuit étoilée couvrait la terre à présent. Ses hommes dormaient dans le petit campement de tentes installé dans la vallée. Mais Baral Gunaykan, lui, s'était levé à minuit. Il voulait aller seul vers l'objet de ses recherches qu'il sentait à portée de main.
Arrivé au centre de l'endroit obscur, il posa sa pierre gravée sur le sol près d'une pyramide en or de trente centimètres de haut, reposant sur une colonne de marbre rose.
-Elle contient le Kâ-a, murmura l'aventurier.
Il réussit à l'ouvrir.
Il saisit alors l'incroyable objet et le fit tourner entre ses doigts pendant une demi-heure en silence.
Puis il ressortit du labyrinthe et de l'espace clos gigantesque sans emporter ce qu'il venait de découvrir après tous ces efforts. Il n'emmena pas le Kâ-a, alors qu'il venait de passer tant d'années de sa vie à le chercher.
Il ne le prit pas avec lui car, il en était convaincu à présent, le monde ne pouvait pas posséder un tel objet.
Baral Gunaykan prononça ces mots lourds de sens tout haut.
-Tels que je les connais, les habitants de la terre ne peuvent pas actuellement détenir un objet aussi prodigieux, mais infiniment dangereux à leur disposition.
Il sortit de la grotte. Le soleil se levait à l'horizon. Une aube splendide, teintée de rose et de jaune. Il observa son campement endormi.
Alors, en un geste brusque, il jeta la stèle de pierre sur le sol rocailleux. Elle se brisa en dix morceaux. Il ramassa les dix fragments, les glissa dans son sac, puis il partit par un sentier dérobé, abandonnant le campement et les porteurs à leur sort. Certains crurent que Baral était mort à l'intérieur des cavernes.
Notre homme entreprit un long périple autour de la terre et déposa les dix morceaux dans dix lieux sacrés autour du monde. Son voyage dura deux ans.
Il nota chaque endroit par une petite description et un dessin assez précis dans un carnet qu'il tenait toujours sur lui. Il écrivit à la dernière page que celui qui réussirait un jour à retrouver les dix fragments et à les rassembler pourrait découvrir l'entrée du labyrinthe menant à la pyramide d'or contenant le merveilleux Kâ-a.
Il glissa ensuite ce carnet au fond d'une fente du mur sacré du temple de Salomon, détruit en l'an 70 par Titus, à Jérusalem.
À son successeur de juger si le monde, dans bien des années sans doute, serait prêt à ce moment, à posséder cette chose fabuleuse. L'aventurier du futur aurait la responsabilité d'emmener le Kâ-a avec lui, ou de le laisser à l’endroit où il semble reposer depuis la nuit des temps.
-Voilà, dit le professeur Werly en souriant à ses deux enfants, David et Déborah. Je vous ai raconté tout ce que je sais.
David, onze ans et Déborah, neuf ans, bientôt dix, observaient leur père en silence.
-J'ai découvert ce carnet au cours de mes recherches archéologiques. J'ai compris où se trouvent les dix lieux sacrés dans le monde où Baral Gunaykan a posé les dix parties de la stèle. Je vais tenter de les réunir et je vous propose de m'accompagner dans cette aventure. Le voyage sera sans doute épuisant, mais fascinant. Nous allons nous rendre dans dix endroits passionnants autour de la terre. Vous y découvrirez des enfants comme vous, mais qui vivent des vies bien différentes de la vôtre.
Le papa se tut un instant puis continua ses explications.
-Si vous m'accompagnez, nous parcourrons des milliers de kilomètres et cela durera toutes vos vacances. Nous irons en avion, mais aussi en véhicule tout-terrain, en bateau et à pied. Parfois vous aurez trop chaud, d'autres fois trop froid. Certains jours, peut-être, vous souffrirez de la faim, de la soif, de la fatigue. Il vous arrivera de dormir à la belle étoile ou dans des lieux misérables. Mais vous reviendrez transformés, mûris, grandis, de cette aventure autour de la terre.
Les deux enfants se taisaient.
-Vous pouvez aussi choisir de passer vos vacances à la mer avec tante Sarah. Je comprends que cet impressionnant voyage vous fasse hésiter, mais si l'aventure vous tente, la vraie, en route pour chercher le Kâ-a et tenter de percer son secret.
Le professeur Werly leur montra le carnet de Baral Gunaykan.
Sans hésiter, ils décidèrent de suivre leur père au bout du monde...
Si tu te sens prêt à les suivre, à partager leur aventure, retrouve David et Déborah à la première étape : Machu-Picchu.