Juliette

Juliette

N°11

Le masque

     Juliette a trois ans et demi. Assise à côté de sa mère, elle découpait un carton rouge en s'appliquant de son mieux.

-Je vais créer les trous pour les yeux et la bouche moi-même, dit la maman, et mettre deux agrafes. Ton masque sera terminé, ma chérie.

Juliette le prit entre ses doigts et le regarda.

-Ça fait peur, dit-elle en souriant

Elle mit le masque sur son visage. On apercevait ses yeux et ses lèvres à travers les espaces découpés dans le carton.

-Hou, hou, dit-elle en se tournant vers son petit frère Bastien, un bébé de un an. Regarde, je suis un fantôme.

Bastien semblait beaucoup plus intéressé par sa girafe jaune dont il agitait la ficelle bleue terminée par une boule verte.


Après le repas du soir, Juliette enfila son pyjama et se brossa les dents. Puis elle alla à sa chambre et se glissa dans son lit.

Papa installa le masque sur une petite table juste à côté de notre amie.

-Je ne le vois pas bien, dit la fillette.

-Je vais placer une petite bougie derrière le masque et l'allumer, proposa papa. Ainsi, il veillera près de toi.

Il déposa une bougie chauffe-plat derrière le masque, suffisamment loin pour que rien, pas même le masque s’il tombait, ne puisse entrer en contact avec la flamme.

Maman donna un dernier bisou puis éteignit la lumière. Les parents sortirent de la chambre.

Juliette se tourna vers le masque.

Il la regardait. Ses deux yeux luisaient, jaunes, à cause de la petite flamme de la bougie. Ça lui fit un peu peur.

Est-ce que la bouche n'était pas un peu plus ouverte que tantôt ? Notre amie n'était pas certaine. Le masque semblait vouloir dire quelque chose. Il allait peut-être parler...

-J'attends que tu t'endormes, puis je vais te mordre.

Juliette n'était plus rassurée du tout. Elle se tourna vers le mur pour ne plus le voir et elle s'endormit.


Quand elle ouvrit les yeux, il faisait presque tout noir dans sa chambre. Elle s'assit dans son lit et regarda autour d'elle. Horreur! Le masque n'était plus là.

Il se trouvait sur le bord de la fenêtre de sa chambre. La petite bougie brûlait encore à l'intérieur. C'était la seule petite lumière...

-Comment es-tu allé jusque-là ? murmura la petite fille. Pourquoi as-tu changé de place ? Tu me fais peur.

Juliette sortit de son lit en tremblant. Elle n'osa pas passer par-dessus ses draps et sa couverture. Elle rampa par-dessous pour s'approcher de la porte, puis elle se redressa et saisit la poignée. Elle ouvrit et traversa le couloir en courant. Elle entra dans la chambre de ses parents.


-Papa, maman, le masque n'est plus à la même place. Il me fait très peur. Je ne le veux plus dans ma chambre.

-Ma chérie, répondit maman en caressant sa petite fille, je l'ai déplacé. Il se trouvait trop près de ton lit. Je l'ai posé avec la bougie sur le bord de ta fenêtre pendant que tu dormais.

-Maman, je ne le veux plus. J'aimerais juste que tu laisses la petite lumière.

Papa prit notre amie par la main et la reconduisit dans sa chambre. Il enleva le masque et l'enferma dans l'armoire.

-Voilà, mon trésor. Ainsi tu n'as plus peur ?

-Merci, murmura la fillette.

Papa l'embrassa, puis referma la porte.


Juliette tentait de s'endormir, mais elle regardait sans cesse la bougie allumée. De temps en temps la flamme tremblait un peu, sans doute à cause d'un léger courant d'air près des vitres.

Elle bougeait, dansait, et de nouveau, la petite fille sentit la peur revenir en elle.

Qui faisait remuer la flamme ? Quel souffle l'agitait ? Peut-être celui de quelque monstre tapis sous le lit ou caché derrière l'armoire ?

De nouveau, Juliette sortit de son lit en tremblant. Elle n'osa pas passer par-dessus ses draps et sa couverture. Elle rampa par-dessous pour s'approcher de la porte, puis elle se redressa et saisit la poignée. Elle ouvrit et traversa le couloir en courant. Elle entra dans la chambre de ses parents.

-Papa, maman, j'ai peur de la bougie. La flamme tremble comme une sorcière qui danse.

Papa reprit sa petite fille dans les bras et la ramena à sa chambre. Il posa Juliette sur le lit puis se tourna pour souffler la bougie.

-Voilà, dit-il. Maintenant tu es bien tranquille, ma douceur. Bon dodo.

Papa ferma la porte après un dernier bisou.


Juliette se sentait bien à présent. Elle se tourna pour dormir.

Juste à ce moment elle perçut une étrange odeur. C'était une odeur de fumée et de brûlé, celle qu'on doit sentir lorsqu'une sorcière rôde dans la maison.

Notre amie ouvrit les yeux. Il n'y avait pas de lumière sauf celle venue de la lune qui éclairait un peu le tapis de la chambre. La bougie était éteinte. Il n'y avait plus rien pour rassurer et protéger la fillette. Elle se crut sans défense et le monstre se trouvait sans doute là, sous le lit, ou bien caché derrière l'armoire. Il attendait.

Il ne faut pas qu'il me voie, songea Juliette. S'il m'aperçoit, il va bondir sur moi.

Elle se glissa plus bas sous la couverture et passa le drap au-dessus de sa tête.

Puis, de nouveau, notre amie sortit de son lit en tremblant. Elle n'osa pas passer par-dessus ses draps et sa couverture. Elle rampa par-dessous pour s'approcher de la porte, puis elle se redressa et saisit la poignée. Elle ouvrit et traversa le couloir en courant. Elle entra dans la chambre de ses parents.

-Papa, maman, il fait tout noir. Et je sens une drôle d'odeur. J'ai peur.

Papa reprit sa petite fille dans les bras et retourna à la chambre. Il alluma la lumière.

-Regarde, ma chérie. Il n'y a personne. Pas de crocodile sous le lit. Pas de monstre derrière l'armoire. Ce que tu sens provient de la cire de la bougie. Quand on souffle sur la flamme, il reste toujours une petite odeur. Je vais poser ton masque près de toi. Il fera peur aux monstres et aux sorcières. Il te protègera. Ils n'oseront pas entrer dans la chambre.

Puis papa sortit après avoir éteint la lumière.

Juliette regarda autour d'elle. Tout était immobile. Elle écouta le silence. La pleine lune brillait dans la nuit, dehors. Elle crut entendre les aboiements d'un chien, ou le hululement d'un hibou. Elle ne s'endormait pas.


Tout à coup, elle eut une idée.

-Je vais remettre mon drap de lit au-dessus de ma tête, dit-elle tout haut. Ainsi, personne ne me verra.

Notre amie resta un long moment sans bouger. Elle respirait doucement. Elle n'avait plus peur du tout.

Puis elle s'assit avec le drap sur la tête. C'était amusant.

-Hou, hou, dit-elle. Je suis un fantôme. Le fantôme de Juliette. Tremblez, tous les monstres, frémissez, toutes les sorcières, sauvez-vous, avant que je vous attrape.

Elle se leva. Marchant sous son drap de lit, elle se dirigea vers la porte de sa chambre et l'ouvrit. Elle passa dans le couloir et s'approcha de celle de papa et maman. Elle frappa à la porte.

-Qui est là ?

- Hou, hou ! Je suis le fantôme de Juliette.

 -Nous avons peur, dirent les parents.

Notre amie entra et vint près d'eux.

- Hou, hou ! Je suis le fantôme de Juliette, répéta la fillette.

-Ma chérie, dit papa, tu es très drôle. Mais maintenant, c'est l'heure d'aller au lit. Bonne nuit le fantôme.


Juliette retira le drap de lit, embrassa ses parents puis retourna dans sa chambre. Elle se coucha sagement. Elle saisit son doudou, un petit ours en peluche blanc. Elle s'endormit heureuse et sans peur.