N°12
Il pleuvait depuis le matin. Et maintenant, en fin d'après-midi, le soleil venait d'apparaître entre les nuages.
Magali, quatre ans et demi, en profita pour sortir de la maison. Elle portait, comme souvent, sa jolie salopette rouge et cette fois-ci des bottes vertes.
Dès qu'elle arriva sur le trottoir, elle aperçut de nombreuses flaques d'eau. Elle s'amusa à y sauter.
Toi aussi, tu as déjà bondi à pieds joints dans des flaques d'eau. On se mouille tantôt un peu, parfois beaucoup, mais c'est très amusant.
Notre amie sautait et courait de l'une à l'autre en riant aux éclats et en se mouillant de plus en plus.
Soudain, elle en vit une grande dont l'eau était toute blanche. On n'en voyait pas le fond. Emportée par son élan, elle s'y précipita à pieds joints. Et elle disparut…
Elle s'enfonçait de plus en plus. Bientôt l'eau lui vint jusqu'au cou et puis par-dessus la tête.
Elle continuait à descendre, comme dans un ascenseur. Heureusement, elle pouvait respirer, même à cet endroit, sous l'eau. Après un long moment, elle atterrit sur du sable.
Elle découvrit autour d'elle des coquillages magnifiques et des plantes assez hautes, les algues qu'on voit sous la mer. Magali venait de poser les pieds au fond de l'océan. Des poissons de toutes les couleurs passaient et repassaient. Elle observa même une étoile de mer qui nageait près d'elle et la frôlait.
Elle marcha au fond de l'eau, sur le sable blanc, et s'arrêta devant un énorme coquillage. Il était plus grand qu'une citrouille.
Tu connais ces gros potirons que l'on découpe et dans lesquels on place une bougie allumée pour illuminer Halloween.
Le coquillage s'ouvrit en grinçant. Des centaines de bulles de toutes les couleurs en sortirent et montèrent vers la surface de l'eau. Une bulle, grosse comme un pamplemousse, semblait incapable de se détacher du coquillage. Elle paraissait prisonnière de gros tentacules qui la tenaient avec fermeté.
Magali vit un petit garçon au milieu de cette bulle. Il avait des cheveux blonds. Il était torse nu et pieds nus et pas plus grand qu'un doigt de la main. Il nageait enfermé dans la bulle posée dans le grand coquillage.
Tout à coup, il se figea. Il venait d'apercevoir notre amie.
-Bonjour, murmura le garçon.
-Bonjour, répondit la fillette.
-Délivre-moi, supplia le petit garçon. Sors-moi de cette bulle où je suis enfermé depuis longtemps. Je voudrais tant retourner chez mon papa et ma maman. S'il te plaît, aide-moi.
-Je veux bien.
Notre amie tendit le doigt vers la bulle, car, tu le sais, quand on touche une bulle, elle éclate. Hélas, le coquillage se referma à grande vitesse. Magali eut juste le temps de retirer sa main.
Elle essaya de l'ouvrir, mais c'était impossible. Il ne voulait pas se laisser faire. Il resta bien fermé. Elle entendit la voix du petit garçon à travers les valves bien serrées.
-Va chez le grand crabe, celui qui habite à l'intérieur de la grotte qui se trouve là plus loin. Demande-lui conseil. Il t'aidera à me délivrer.
Magali s'éloigna en marchant sur le sable, toujours au fond de la mer. Elle observait émerveillée les milliers de poissons et les forêts d'algues et d'anémones. Elle aperçut une grotte aux pierres rouges. Elle osa y entrer, malgré sa peur.
Quel beau spectacle! Des poissons-lumière nageaient partout. C'était comme si des centaines de lucioles entouraient notre amie.
Au centre de la caverne se trouvait un crabe géant dont le corps se terminait par deux pinces monstrueuses.
Magali recula, prête à s'enfuir. L'animal lui demanda gentiment ce qu'elle venait faire chez lui. Notre amie expliqua qu'elle voulait délivrer le petit garçon enfermé dans un coquillage, à la sortie de la grotte.
Le crabe répondit avec une grosse voix qu'il acceptait de lui donner une formule magique qui ouvre les coquillages. Mais pour cela, elle devait d'abord répondre à trois questions, puis montrer sa souplesse en accomplissant un geste difficile.
-Pas trop compliqué, supplia la fillette.
-D'accord, dit-il en remuant ses pinces. Voici la première question. Donne-moi le nom de trois fruits rouges.
Magali y pensa un moment, puis elle cria.
-La cerise, la fraise, la pomme.
-Bravo, répondit le crabe. Voici la deuxième question. Comment s'appelle la très belle lumière de toutes les couleurs qu'on aperçoit parfois dans le ciel après l'orage?
Notre amie réfléchit encore, puis, toute souriante, elle dit:
-L'arc-en-ciel.
-Bravo. Tu as bien répondu à deux devinettes. Voici la troisième. Donne-moi le nom d'un fruit jaune dehors et blanc dedans.
Magali chercha un instant, puis, tout à coup, elle y pensa.
-Une banane.
-Encore bravo, félicita l'animal. Maintenant, tu vas tenter d'accomplir un geste difficile. Pourrais-tu te tenir debout sur un seul pied et garder en même temps les deux mains jointes?
Notre amie réussit sans difficulté.
Et toi qui écoutes l'histoire, saurais-tu faire cela? Essaye…
-Très bien, conclut le crabe. Tu es une débrouillarde. Je prends une feuille de papier et j'y écris la formule magique. Tu vas pouvoir ouvrir le grand coquillage et libérer le petit garçon de sa bulle.
Il prit une feuille orange entre ses pinces et écrivit quelque chose en tenant une seiche dans sa main droite.
La seiche est une sorte de mollusque, cousin de la pieuvre. Elle a dix bras, huit courts et deux longs. Et elle projette un liquide noir sur ses ennemis si elle se sent menacée.
-Voici ta formule magique, petite fille. Lis-la tout haut près du coquillage qui tient le petit garçon prisonnier dans une bulle.
-Je ne sais pas lire, murmura Magali. Je n'ai pas encore appris.
-En ce cas, mange la feuille. Ainsi, elle vivra en toi.
Magali regarda le papier et le goûta. C'était comme un bonbon. Elle l'avala.
Après avoir remercié le crabe, elle sortit de la grotte et se dirigea vers le grand coquillage.
Elle y appliqua sa main droite et il s'ouvrit en grinçant.
Elle approcha ensuite sa main gauche de la bulle qui aussitôt éclata. Le petit garçon vint se placer près de la fillette. Il grandit en quelques instants. Il eut bien vite la même taille que son amie.
-Viens, dit-elle, donne-moi la main. Je vais te reconduire là-haut, dans la rue, sur le trottoir, là où se trouve la flaque d'eau blanche dans laquelle j'ai sauté en venant.
Prenant le garçon avec elle, notre amie remonta jusqu'à la surface.
Ils s'échangèrent un petit bisou, puis chacun partit de son côté pour retrouver ses parents.
Magali raconta toute l'affaire à sa maman et à son papa, en prenant un bon bain chaud car elle grelottait, trempée lors de sa belle aventure.
Maman félicita sa fille, trouvant qu'elle s'était montrée bien courageuse.
Notre amie n'a plus revu le petit garçon. Elle ne sait même pas son nom, mais elle ne l'oublie pas.