Le secret du papillon
Louis, neuf ans, se promenait un après- midi à l'entrée du bois, près de la sortie de son village. Il s'arrêta le long de l'étang. Il entendait coasser des grenouilles.
Il s'assit au soleil sur une grosse pierre plate pour les regarder sauter.
Soudain, un papillon, venu on ne sait d'où, passa près de lui et voltigea entre les roseaux. Il était ravissant avec ses ailes jaunes parsemées de lignes bleues. Louis n'en avait jamais vu un pareil.
Le papillon s'approcha peut- être un peu trop près de la surface de l'eau. Une grenouille verte tenta de l'attraper. Il ne l'avait pas vue. Il risquait d'être mangé.
Louis se leva et frappa dans les mains.
La grenouille se sauva en plongeant dans l'eau.
Le papillon s'approcha du garçon et se posa sur son oreille.
- Merci, dit- il presque tout bas. Tu m'as sauvé la vie. Louis souriait, très étonné de l'entendre parler.
- Pour te remercier, je vais partager avec toi un grand secret, celui des papillons. Le connais- tu?
- Non, répondit notre ami. Je t'écoute.
- Le voici: la mort n'est qu'un passage vers une autre forme de vie.
- Que dis- tu? fit Louis. Je ne comprends pas! Mon cher grand- père, que j'aimais beaucoup, est mort il y a trois mois. On l'a mis dans une longue boîte, un cercueil, et je ne le verrai plus jamais. Il est enterré. Que serait- il devenu, selon toi?
- La vie de ton grand- père n'est pas finie, reprit le papillon. Son corps se trouve dans le cercueil, mais pas son âme. Son corps a disparu, mais son âme vit. Quelque part.
- Tu crois? C'est vrai que quand je pense à lui, je le vois bien vivant.
- Écoute ce qui m'est arrivé. J'étais une chenille autrefois. Je rampais sur le sol. Jamais je n'aurais imaginé qu'un jour je pourrais voler. Quand je suis devenue vieille, je me suis enfermée dans un cocon, une boîte comme celle de ton grand- père. Mon corps d'avant s'est changé en poussière, mais j'ai continué de vivre en papillon, dans mon nouveau corps, bien plus épanoui que le précédent.
- Et quand toi, en tant que papillon, tu mourras, que se passera- t- il? demanda Louis.
- Quand mon corps parviendra en fin de vie, quelque chose que les humains appellent l'âme le quittera. Et une nouvelle vie commencera pour moi, encore plus heureuse, dans la lumière et le bonheur, quelque part. Mon âme rencontrera peut- être celle de ton grand- père. Voilà notre secret, ajouta le papillon.
Louis se taisait. L'insecte reprit.
- Quand quelqu'un prend une graine et l'enterre, elle est comme un mort au fond du cimetière. Puis elle commence une nouvelle vie. Elle devient herbe ou fleur, ou arbre. Une vie qu'elle n'aurait même pas pu imaginer quand elle était simple graine.
- C'est merveilleux, dit Louis.
- Tu sais, ajouta le papillon, je suis content de ne pas être devenu une fourmi. Je n'aurais pas aimé ça, je trouve plus amusant de voler!
Le garçon sourit.
- Je ne voudrais pas devenir une fourmi non plus, dit- il. Je préférerais revivre en chat, par exemple.
Le papillon continua:
- Figure- toi que je me rappelle la vie que j'ai eue avant de devenir une chenille. Cela n'arrive normalement pas chez les humains, mais cela se produit parfois chez les papillons. J'étais un humain, un garçon, comme toi, autrefois. Je me souviens que j'habitais près d'un château. Ma meilleure amie s'appelait Mélodie. On s'amusait souvent à cacher des petits cadeaux ici ou là. On devait ensuite les retrouver. Un jour, j'ai glissé quatre pièces d'or en chocolat dans un sac en cuir. J'ai caché le sac derrière une pierre ronde, plus claire que les autres, au pied du donjon du château. Tu pourrais aller les chercher si tu veux. Elles y sont peut- être encore...
- Merci, fit Louis.
- Moi, en papillon, je n'en ai pas besoin.
- Et pour ta vie suivante? murmura le garçon.
- Tu sais, c'est très rare de se souvenir de sa vie précédente, même chez les papillons...
- Merci de m'avoir confié ce secret! Tu es rayonnant. Fais attention aux grenouilles!
Louis retourna chez lui.
Le weekend suivant, notre ami se rendit avec ses parents au château évoqué par le papillon. Il s'arrêta au pied du donjon. Il identifia sans difficulté la pierre ronde, plus claire que les autres. Quelle surprise! Le petit sac en cuir s'y trouvait. Il contenait quatre pièces d'or en chocolat.
- Mais alors, murmura Louis, tout ce que m'a dit ce papillon est vrai...
Le garçon fut très heureux de trouver ce vrai trésor. Il le conserve encore précieusement aujourd'hui.
Mais surtout, Louis remercie encore chaque jour, en pensée, le papillon...
Ce secret lui apporte, comme à moi, et à toi je l'espère, beaucoup de bonheur...